Accueil ACTU Politique La nouvelle résistance gaulliste à l’OTAN

La nouvelle résistance gaulliste à l’OTAN

L’opération Anaconda en Pologne (pays, disait de Gaulle, qui a occupé deux fois Moscou) fait frémir. Elle évoque Virgile et son serpent qui vient de la mer sur la terre pour étouffer le prêtre Laocoon et détruire – d’abord psychiquement – la ville de Troie.

Les deux serpents (1) glissent sur la mer (incumbunt pelago) et dominent les ondes (superant undas). C’est le cas de le dire : car sur nos ondes, on est légèrement antirusse !

Le retour intégral de la France dans l’Otan, amorcé il y a quelques années, ne se fait pas sans danger : nous allons vers la guerre pour nous protéger (sans rire) d’une invasion russe ! Pourtant de Gaulle nous prévenait :

« Peut-être serait-il possible de renouveler de quelque façon la solidarité franco-russe qui, pour méconnue et trahie qu’elle avait été souvent, n’en demeurait pas moins conforme à l’ordre naturel des choses, tant vis-à-vis du danger allemand que des tentatives d’hégémonie anglo-saxonne.(2) »

Le général Delawarde, ancien haut responsable de nos services secrets, se mutina et publia en 2013 une lettre sur le site du réseau Voltaire pour dénoncer le ridicule criminel de nos guerres. Une partie des nos anciens ministres se sont aussi révoltés, notamment des socialistes mitterrandiens et gaullistes.

Je pense à Roland Dumas, qui s’est élevé contre la guerre anti-syrienne et fut repris dans le Guardian par le journaliste John Pilger. Pilger parle d’un coup militaire aux Usa, coup d’Etat qui a soumis le Nobel de la Paix Obama, mais qui a hélas bien cinquante ans d’ancienneté (voyez sur Youtube Eisenhower et sa dénonciation du lobby militaro-industriel) ; enfin je pense encore à Jean-Pierre Chevènement (« homme de droite » selon l’irréprochable BHL), qui avait dénoncé les « élites mondialisées » ou le « lobby israélo-américain » qui allait prendre ouvertement le pouvoir avec Sarkozy en 2007.

Ajoutons qu’Israël s’entend bien avec la Russie.

Nicolas Sarkozy a ses défauts mais aussi ses qualités : il respecte Vladimir Poutine et la Russie. Le président actuel, ancien Young Leader, est lui aux ordres des sbires du nouvel ordre mondial; il n’a fait que renforcer jusqu’à l’écoeurement l’ alignement de la France sur Washington.

Régis Debray, écrivain et philosophe de la vieille gauche, converti depuis longtemps à la cause gaulliste, avait publié en 2014 dans le Monde Diplomatique une lettre ouverte au socialiste Hubert Védrine pour lui reprocher d’avoir conseillé au nouveau gouvernement de demeurer dans l’Otan. Régis Debray soulignait la montée de l’Otan puis les illogismes de notre diplomatie soucieuse d’en finir avec le  « terrorisme international » : car il faut combattre au Mali des islamistes que l’on arme en Syrie ? Et Régis Debray de rappeler que, comme au temps de Guy Mollet, les socialistes actuels sont inféodés à l’Amérique –  comme jadis à l’Angleterre.

Je citerai cette phrase des Mémoires de de Gaulle (3) :

« Sachant quels étaient, d’une part, le savoir-faire du Foreign Office et, d’autre part, l’horreur du  vide de notre diplomatie quand il s’agissait de nos relations  avec l’Angleterre, je doutai, à première vue, que les choses fussent ce qu’elles semblaient être ».

Le plus inquiétant est que l’Europe toute entière (on verra s’il y a un effet Steinmeier, mais j’en doute) se laisse faire et mener à l’abattoir par Washington. L’OTAN et la commission européenne, aux mains des Bilderbergs, font de nos nations et de leurs veules et résignés leaders politiques (ô Renzi en Italie…) ce qu’ils veulent.

Debray concluait en citant un ancien ambassadeur français auprès de l’Otan, Gabriel Robin, proche du regretté François Mitterrand et auteur de cette magnifique sortie :

« L’OTAN pollue le paysage international dans toutes les dimensions. Elle complique la construction de l’Europe. Elle complique les rapports avec l’OSCE [Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe] (mais ce n’est pas le plus important). Elle complique les rapports avec la Russie, ce qui n’est pas négligeable. Elle complique même le fonctionnement du système international parce que, incapable de signer une convention renonçant au droit d’utiliser la force, l’OTAN ne se conforme pas au droit international. Le non-recours à la force est impossible pour l’OTAN car elle est précisément faite pour recourir à la force quand bon lui semble. Elle ne s’en est d’ailleurs pas privée, sans consulter le Conseil de sécurité des Nations unies. Par conséquent, je ne vois pas très bien ce qu’un pays comme la France peut espérer de l’OTAN, une organisation inutile et nuisible, sinon qu’elle disparaisse ».

Il faudrait une mission à Moscou, rassemblant Nicolas Sarkozy, Roland Dumas, Jean-Pierre Chevènement, Valéry Giscard d’Estaing, et quelques autres (Voyez Schroeder en Allemagne et le regretté Helmut Schmidt), pour assurer le monde que nous ne voulons pas mourir juste pour faire plaisir à BHL et au pentagone.

Notes :

(1) Enéide, chant II, vers 202-210.

(2) Mémoires, tome 3, p. 54

(3) Ibid., tome 3, p. 283 :

Consulter aussi

De la terre comme camp de concentration électronique

NICOLAS BONNAL De la terre comme camp de concentration électronique On est tous contents de …