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Panama Papers ou Panama PQ (si ça se trouve)

On savait les media mainstream atteints par un déficit de crédibilité : articles de moins en moins lus, courriers de lecteurs (pourtant écrémés & épurés en amont) insultant nos cadors de la plume & remettant en cause les thèses avancées, y compris par les plus prestigieux d’entre eux, etc. ! Que faire, comme disait Lénine[1 ] ? Un comité Théodule de presse en binôme avec le titre phare de la presse vespérale parisienne de nous sortir, alors, de son chapeau de magicien médiatique, de truculents Panama Papers ! On allait voir ce qu’on allait voir ! Las, à peine sorti du four, le soufflé semble déjà retomber. Alors Panama Papers, Panama PQ ? Ou, pire, Remake du Tailleur de Panama ?

| Q. Que vous inspire cette affaire des Panama Papers ?

Jacques Borde. Rien de bien exaltant, en vérité. Que je sache investir au Panama (ou ailleurs) n’est pas, en soi, illégal. C’est d’ailleurs ce que ne cessent de répéter ceux dont les noms sont étalés sur la place publique. Sur ce volet des Panama Papers, le chroniqueur Olivier Duhamel a même mis hors de cause le patron de Riwal[2], Frédéric Chatillon, dont il est pourtant loin de partager les convictions.

| Q. Et l’absence, ou quasi absence, d’Américains ?

Jacques Borde. Grosso modo, oui. En fait, selon (notamment) le Miami Herald, quelques 200 Américains[3] figurent malgré tout sur la liste. Pour faire court :

1- En fait, les Américains n’ont pas besoin de quitter le pays pour bénéficier de conditions peu ou prou équivalentes à celles octroyées par le Panama.

2- S’affranchir des règles du jeu (et se faire prendre) se paye assez cher outre-Atlantique.

| Q. Au Delaware, vous voulez dire ?

Jacques Borde. Comme paradis fiscaux ? Pas seulement, il y a aussi le Nevada et le Wyoming. Mais nous y reviendrons.

Non, ce que je veux surtout dire, dans ce qui s’avère être une affaire à tiroir, nos confrères liés au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), qui affirme révéler, là, « la plus grande fuite d’informations d’initiés de l’histoire », lancent, à mon avis le bouchon un peu loin, même si on n’est jamais si bien servi que par soi-même…

| Q. Et, pour vous, ça n’est pas le cas ?

Jacques Borde. Oui et non. L’ICIJ joue évidemment sur les mots. Certes, le tohu-bohu ainsi orchestré et délivré s’appuie, certes, sur 11,5 millions de documents piqués au panaméen Mossack Fonseca et concernant plus de 214.000 sociétés offshore. Mais dans tout ce déballage, combien de vrais coupables ? Et de quoi, au juste ?

Selon l’ICIJ, ces documents (tout simplement volés, appelons un chat un chat) « révèlent les avoirs  »offshore » de 140 politiciens et responsables publics du monde entier – dont douze leaders mondiaux, actuels et anciens. Parmi eux, les Premiers ministres de l’Islande et du Pakistan, le président ukrainien[4] et le roi d’Arabie Séoudite[5] ».

| Q. Quid du fond ?

Jacques Borde. Peu de choses pour l’instant.

Concrètement, les documents révèlent surtout que Mossack Fonseca, s’insère dans le grand jeu, prenons un terme géopolitique, des opérations des grandes instututions bancaires de la planète. Comme l’indique l’ICIJ, « Les documents montrent clairement que les grandes banques sont de grands moteurs de la création d’entreprises difficiles à tracer dans les îles Vierges britanniques, Panama et d’autres paradis fiscaux. Les fichiers listent près de 15.600 entreprises sur papier que les banques mettent en place pour les clients qui veulent garder leurs finances sous le boisseau, dont des milliers créés par les géants internationaux UBS et HSBC ».

So What ? Et après comme disent, avec quelque mépris ,les Anglo-Saxons, ne sommes-nous pas dans une économie mondialisée ?

| Q. Cette masse de documents ne vous convainc pas ?

Jacques Borde. Bof ! D’abord, je ne vais pas me prononcer de manière définitive sur des documents que je n’ai pas sous la main.

Secundo, le scoop de l’ICIJ et de nos petits camarade de la presse vespérale parisienne, c’est un peu l’auberge espagnole. À noter, autre absurdité, que Le Monde – celui que le général[6], petit rappel en passant, appelait L’Immonde – partie prenante avec l’ICIJ au dépeçage de la documentation volée à Mossack Fonseca, a publié en Une, le 5 avril 2016, une photo du président algérien, Abdelaziz Bouteflika, parmi les grands de ce monde mis en cause, avant de se raviser et d’admettre que le chef de l’État algérien « n’apparaît pas dans les Panamas Papers ». Bonjour le sérieux : ça me rappelle l’époque où le même Monde encensait Pol Pot et les Khmers rouges

Et encore une fois : investir au Panama n’est pas en soi illégal !

Tertio, derrière la bouillie médiatique de quelques-uns, il y a peut-être quelque chose de beaucoup plus élaboré ; mais, là, ne comptons pas sur nos donneurs de leçons parisiens… À ce sujet, je vous conseille, sans plus tarder, la lecture attentive de l’article du Pr. Raphaël H. Cohen.

Lien ci dessous :

http://www.agefi.com/quotidien-agefi/forum-blogs/detail/edition/2016-03-14/article/ceux-qui-transferent-des-actifs-aux-etats-unis-auront-une-surprise-de-taille-mais-surtout-tres-couteuse-421673.html#.VwnvlnSnWAg.facebook

Quarto, il y dans cette affaire la volonté évidente de nuire.

| Q. Admettons. Et à qui ?

Jacques Borde. À la Russie et son président, Vladimir V. Poutine, de toute évidence.

| Q. Poutine, vous en êtes sûr ?

Jacques Borde. Oui, le modus operandi de nos confrères (sic) est extrêmement révélateur : Poutine – président démocratiquement élu de son pays est-il encore une fois, utile de le rappeler[7] – ne figure pas sur les listings des Panama Papers. Pourtant, tout est médiatiquement fait pour le mêler à l’affaire : à commencer par cet autre quotidien germanopratin qui a choisi de coller la photo du président russe pour son premier article sur l’affaire ! Et, croyez m’en, un comité de rédaction ne choisit l’illustration d’un article-titre de cette envergure, ni par hasard ni sur un coup de tête. Ce choix a donc été mûrement pesé et validé. Pourquoi : là est la question.

| Q. Là encore, revenons au fond ?

Jacques Borde. C’est bien là que le bât blesse. À ce stade, tout ce qu’on peut dire, quant au volet russe des Panama Papers ce sont les choses suivantes :

1- Verbatim l’ICIJ, des « proches du chef de l’État russe » figurent sur un listing d’actionnaires et/ou investisseurs au Panama, Ce qui, traduit en bon français, signifie que  Vladimir V. Poutine connaît des hommes d’affaires faisant des placements en dehors de leur pays. Bonjour le scoop ! Combien, par exemple, le président français, François Hollande, connaît-il de patrons du CAC40 ? Ou des mille Français pointés sur sa liste de proscription par l’ICIJ ? Là, mystère et boules de gomme. Je conçois tout à fait que ce genre de question ne soit pas pertinente. Voire irrespectueux. Mais, alors, pourquoi se la poser à propos de Poutine ?

2- Rien, à ce stade et à ma connaissance, n’indique que tout qui a été fait par ces « proches du chef de l’État russe »(sic) l’ait été en violation du droit russe. Comme l’a indiqué Poutine : « Ils ont passé au peigne fin ces paradis fiscaux, mais votre humble serviteur n’y figurait pas. Alors qu’est-ce qu’ils ont fait ? Ils ont trouvé certaines de mes connaissances et certains de mes amis et suggéré que leurs activités pouvaient être entachées de corruption ».

3- Rien n’indique que tout qui a été fait (côté russe) l’a été en violation du droit panaméen. Qui, à ce que j’en sais est un État souverain et n’est pas un État terroriste.

Le problème est aussi que ça n’est ni au Monde ni à l’ICIJ de fixer les us du commerce international.

| Q. Qu’en dit-on à Moscou ?

Jacques Borde. Qu’en dit même le président russe en personne ! Vladimir V. Poutine, a réagi, le 7 avril 2016 à Saint-Pétersbourg, lors du forum Vérité & Équité. Citons-le tout simplement :

« Nos partenaires sont habitués à détenir le monopole sur la scène internationale et ne veulent pas compter avec nous. Mais les récents événements en Syrie ont démontré que la Russie est capable de régler des problèmes tant dans son étranger proche que loin de ses frontières. Notre économie est devenue plus indépendante, le potentiel de nos Forces armées a considérablement augmenté. Mais nos partenaires sont préoccupés par l’unité des Russes, du peuple multiethnique de Russie. Ils essaient de saper notre société pour nous rendre plus dociles (…). Ils se sont notamment attaqués aux sociétés offshore. Je n’y figure pas, rien à faire. Mais ils ont retrouvé quelques uns de mes connaissances et amis et ont fabriqué quelque chose en mettant une photo de moi au premier plan ».

Ce alors, répétons-le, que le président russe ne figure en propre sur aucun listing !

« La méthode la plus facile consiste à semer (…) la discorde au sein de la société russe. Cela a déjà été fait pendant les années tragiques de la 1ère Guerre mondiale quand on a provoqué la dislocation de notre pays » a poursuivi Poutine.

« Quand notre pays était dans une situation très difficile, en ruines, ces pays se plaisaient à nous envoyer des pommes de terre et à nous dicter leur volonté et à nous utiliser dans leurs intérêts. Les dirigeants des grandes puissances n’y prêtaient pas attention. Tout a commencé en Yougoslavie, lorsque les médias occidentaux se sont attaqués à Boris Eltsine qui avait critiqué les bombardements de Belgrade », a rappelé Poutine qui, là, prouve, en outre, la connaissance des dossiers qui est la sienne.

| Q. Et tout ce qui tourne autour du Kremlin ne tient pas ?

Jacques Borde. À noter, en tout cas, que ce volet russe est loin de faire l’unanimité. Ainsi, si le Guardian de Londres s’est, lui, focalisé sur les allégations autour de l’entourage du président russe et leurs transactions offshore. Revenant sur les pistes du Guardian, l’agence Reuters, elle, écrit qu’elle « ne pouvait confirmer ces détails ».

| Q. Quid de nos amis américains ?

Jacques Borde. Au-delà de ce qu’a écrit, de manière un peu prophétique, le Pr. Raphaël H. Cohen, il convient de rappeler ce qui suit :

1- Les États-Unis restent bien le quatrième pays dans l’offre d’hébergement (sic) de Mossack Fonseca, qui n’est pas une entité de relavant du crime organisé, mais de la finance. Qu’on aime, moralement parlant, ces activités est plutôt hors-sujet, désolé.

2- Comme l’a rappelé, le Pr. Shima Baradaran Baughman[8], « les Américains peuvent former des sociétés fictives directement dans le Wyoming, le Delaware ou le Nevada. Ils n’ont pas besoin d’aller à Panama pour constituer une société écran pour des activités illicites ».

| Q. Quid, pour conclure, du volet séoudien ?

Jacques Borde. Là, je vais vous décevoir, il n’y a pas, en fait, de volet séoudien à proprement parler…

| Q. Mais les noms de plusieurs dignitaires du Royaume sont cités?

Jacques Borde. Oui, et après ? Vous connaissez mes critiques portant sur l’administration Salmāne et sa gestion des crises au Levant. Mais, là, franchement…

| Q. Vous n’êtes pas convaincu ?

Jacques Borde. Mais de quoi ? Certes, le roi d’Arabie Séoudite, Salmān Ibn-ʻAbd al-ʻAzīz Āl-Séʻūd, et son ministre de l’Intérieur, Mohammed Ibn-Nayef Ibn-ʻAbd al-ʻAzīz Āl-Séʻūd[9], auraient placé quelques billes au Panama. Et après ? Rappelons ces quelques notions de base concernant le Royaume :

1- L’establishment d’Arabie Séoudite se compose de grandes fortunes. Ça n’est ni un scoop ni une franche nouveauté, même si cela peut navrer certains.

2- La fluidité et la circulation des capitaux est un des fondamentaux économiques du royaume.

3- Placer des fonds séoudiens au Panama, État souverain membre de l’Onu et de plein de machins[10] similaires, n’a, proprio motu, rien de délictueux.

4- Lesdits placements ne violent en rien le droit séoudien, notamment son droit fiscal, l’un des plus avantageux en terme d’imposition.

5- Ses placements ne violent, pas davantage, le droit panaméen.

En un mot comme en cent, tout ça ressemble à un Saudi bashing bas de gamme et sans grand intérêt.

| Q. Donc rien à redire ?

Jacques Borde. Je ne vois pas trop quoi. L’establishment séoudien place de l’argent offshore, c’est son droit le plus strict. À se demander si certains n’ont pas des arrières pensées à ce sujet.

| Q. Lesquelles ?

Jacques Borde. Oh, vous avez le choix : les rivalités régionales, les rancœurs de certains cercles étasuniens qui ne partagent pas (pas plus que moi d’ailleurs, mais ça n’est pas le sujet) toutes les vues et les choix de l’administration Salmān au plan géostratégique. Mais il est important de ne pas tout mélanger…

| Q. Que voulez-vous dire ?

Jacques Borde. Critiquer des choix de l’administration Salmān ne doit pas nous conduire à menacer la stabilité du Royaume. Pas plus que celle de ses voisins, Iran compris. C’est pour ça que je félicite Russes et Séoudiens de se parler directement, malgré des approches respectives difficiles à concilier.

Donc se livrer à des jeux, médiatiques (ou autres) ou du Saudi bashing est, et je pèse mes mots, une ânerie sans fond. Cela n’apportera rien de bon.

| Q. Pourquoi ?

Jacques Borde. Parce que nous avons besoin de partenaires, pardi ! Et quand je dis nous c’est tout le monde. À commencer par les Américains qui ont totalement sous-évalué les inquiétudes séoudiennes dans leur traitement de la question iranienne. Gouverner c’est prévoir !

Par ailleurs, et pour être concret, ça n’est pas la Wallonie (avec tout le respect que je porte à nos amis d’Outre-Quiévrain) qui va financer le pont sur la Mer Rouge. Entre autres….

[À suivre]

Notes

[1] Chto dielat ?, traité politique écrit par Vladimir Ilitch Lénine en 1901 et publié en 1902.

[2] Un des prestataires du Front national en matière de com.

[3] Contre près de 1.000 Français, ce qui rapporté à la population des deux pays ne plaide pas en notre faveur.

[4] Rappelons, cependant, que le calamiteux Petro Oleksiovytch Choco Porochenko est, avant tout, un homme d’affaires.

[5] Cas évoqué ci-après.

[6] De Gaulle.

[7] Et pas à 12% d’opinions favorables.

[8] Enseigne le droit à l’Université de l’Utah.

[9] Et, probablement quelques autres…

[10] C’est de Gaulle qui traitait les Nations-unis de machin.

Panama Papers, ICIJ, Mossack Fonseca, UBS, HSBC,

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