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Nice vu par Trump

Après Damas & Moscou qui ont tenu à partager notre deuil suite au drame de Nice, que peut-on penser du sort qui nous frappe hors de l’hexagone, notamment outre-Atlantique ? Côté républicain, Trump vient de nous révéler le fond de sa pensée. Toujours aussi décapant le bonhomme…

| Q. Que pensez-vous des propos tenus par Trump quant à la responsabilité de la France dans le terrorisme qui nous frappe ?

Jacques Borde. J’ai écouté, comme vous je suppose, les propos de Donald J. Trump, lors de son passage à Meet the press, une des émissions les plus regardées de NBC. Interrogé sur le terrorisme en France et en Allemagne, Trump, qui s’exprimait avant le passage de Manuel Valls, sur BFM-TV, parle carrément de mettre en place un « contrôle extrême » des Français arrivant dans son pays.

| Q. Mais, pourquoi ?

Jacques Borde. Parce que, selon lui, la France a été « infectée par le terrorisme ». Or, si la France est touchée de la sorte, Donald Trump considère que les autorités en sont responsables. « Et vous savez quoi? C’est leur faute. Parce qu’ils ont laissé des personnes entrer sur leur territoire (…). Nous devons êtes intelligents et nous devons être vigilants et nous devons être forts », nous dit Trump, qui, s’il ne s’embarrasse pas de circonvolutions et autres figures de style inutiles, met bien le doigt là où ça fait mal ; ce qui nous arrive est aussi de notre faute. Enfin, de la faute de ceux qui nous dirigent.

| Q. Et vous ne trouvez pas le constat de Trump un peu sévère ?

Jacques Borde. Pourquoi sévère ? Arrêtons de nous défausser de nos si flagrantes fautes de ce leadership que le candidat républicain compte restaurer s’il est élu : gouverner c’est prévoir ! Trump est logique, quelque part : la France, vue des USA, est bien une passoire à takfirî ! Trump président aura-t-il vraiment le choix à face à l’incurie de nos administrations successives ? S’il accède à la Maison-Blanche, son devoir sera de protéger les Américains pas les Français ou les Patagons…

Notez, par ailleurs, la logique et la suite dans les idées dont fait montre Donald J. Trump : dans son discours prononcé lors de la Convention républicaine de Cleveland, il avait averti que les États-Unis devraient « suspendre immédiatement l’immigration de toute nation exposée au terrorisme jusqu’à ce que des mécanismes de contrôle efficaces aient été mis en place ».

À cet égard, pourquoi notre pays devrait-il bénéficier d’un traitement de faveur ? Rappelons que depuis la Guerre de Syrie, l’affaire libyenne, l’éclosion d’Al-Dawla al Islāmiyya fi al-Irāq wa al-Chām (DA’ECH)[1], le terrorisme creusant méthodiquement son sillon dans notre sol, cela fait cinq ans que nous faisons fausse route. Pourquoi, des Américains devraient-ils payer pour l’accumulation de nos erreurs ?

| Q. Donc, là, vous donnez raison à Trump ?

Jacques Borde. Hélas, oui, mais ai-je bien le choix ?

D’une manière générale, c’est exactement ce que je vous ai déjà dit : des autorités – civiles, politiques, militaires, paramilitaires, élues pas élues – sont responsables de ce qui se passe dans le territoire qu’elles ont ou qu’elles prétendent avoir sous leur contrôle.

Trump, quant à lui, estime l’administration française n’a pas été à la hauteur de la tâche :

1- c’est son droit de le penser et de le dire.

2- quelque part, sa réflexion ressemble quand même bigrement à ce que pense la majorité de nos concitoyens.

3- il en tire les conclusions qui lui semblent les plus justes.

Des conclusions qui, semble-t-il, sont partagées par de plus en plus de gens. Et pas n’importe qui, évidemment…

| Q. Et, qui donc ?

Jacques Borde. Le Renseignement algérien notamment. Ainsi, Louise Dimitrakis cite une source proche des SR, qui affirme qu’« ...au DRS[2], nous avons prouvé que des personnes dangereuses établies en France qui ont fait des voyages réguliers en Syrie et en Irak n’ont jamais été fichées par les services français. Certains éléments dangereux ont été même relâchés et pas du tout inquiétés en dépit de nos mises en garde. Les Français ne maîtrisent pas les tenants et aboutissants du processus de radicalisation dont font l’objet les potentiels terroristes. Et en plus, il y un maillon faible qui compromet la coopération entre les SR et les services de sécurité. C’est ce qui  explique que des actions aussi incroyables et éclatantes comme celles de Nice peuvent survenir sans que personne ne puisse s’en rendre compte »[3].

Le navrant dans tout ceci est que la France a cruellement besoin des l’expertise d’autres SR. Et tout particulièrement, de ceux de l’autre côté de la Grande bleue. Et quand des alliées commencent à ne plus se faire confiance…

| Q. Cela pourrait avoir des conséquences ?

Jacques Borde. Oui, bien sûr. Si comme l’affirme encore la source de Louise Dimitrakis, les SR algériens « estomaqués par leur manque de coordination et leur passivité face a de nombreux profils suspects appartenant à des cellules terroristes dormantes », « considèrent leurs interlocuteurs français comme de moins en moins fiables »[4], ils pourraient cesser de nous donner des infos pertinentes.

À quoi bon, en effet, perdre leur temps dans des échanges si, de leur point de vue, nous n’en faisons rien de sérieux. Peut-être serait-il temps de prendre, de notre côté, les décisions qui s’imposent…

Et, si j’étais un de nos responsables politiques ou diplomatiques j’éviterais de montrer sur des grands chevaux aux propos, pour acérés qu’ils puissent nous sembler, de Trump ou des SR algériens.

| Q. Pourquoi ?

Jacques Borde. Parce qu’au lieu de m’offusquer, je m’interrogerai sur leur (possible) pertinence et surtout, je réfléchirai aux vraies solutions à mettre en place avant que d’autres pays, gros fournisseurs en contingents touristiques, ne se posent les mêmes questions…

| Q. Et, alors, que pensez-vous des prises de positions des uns et des autres, en France, je veux dire ?

Jacques Borde. Que, de toute évidence, les actes valent mieux que des paroles ! Or, en France, c’est bien là que le bât blesse !

Encore un exemple : on note, parmi les députés qui ont voté contre la fermeture des mosquées radicales takfirî, la présence de… Malek Boutih, connu sur les plateaux TV pour son intransigeance vis-à-vis du djihâdisme. J’attends avec quelque curiosité ses explications quant à ce l’on pourrait interpréter comme un double standard !

Idem pour Sarkozy ou Guéant, le double inculpé, pardon… mis en cause, dans quelques.  affaires. Etc., etc. !

| Q. Vous trouvez notre stratégie contre le terrorisme trop décousue ?

Jacques Borde. Oui. Mais ce que je crois surtout c’est que nous n’avons toujours pas de réelle stratégie contre qui que ce soit. Nous frappons à droite et à gauche. Avec un prix de plus en plus lourd à payer…

| Q. Nice, évidemment…

Jacques Borde. Pas seulement. Voyez la Libye : qu’est-on encore allé faire dans cette galère ? Trois de nos valeureux soldats à porter au champ d’honneur. Et pourquoi au juste ?

| Q. Sinon, comment expliquer la résilience de DA’ECH et les fréquents et brusques retraits des pro-Damas, face aux djihâdistes takfirî, pourtant moins lourdement équipés ?

Jacques Borde. Plusieurs choses sont à prendre en compte :

Dans leur immense majorité, les combattants takfirî ne sont pas des jeunes radicalisés jetés sans préparation dans d’âpres combat. Al-Dawla al Islāmiyya fi al-Irāq wa al-Chām est une armée avec des effectifs entraînés et bien préparés.

| Q. À quel niveau ?

Jacques Borde. Je pense que le niveau de l’engagé takfirî moyen doit être assez proche de celui de la troupe de l’Al-Jayš al-’Arabī as-Sūrī (AAS)[5] à laquelle il est confronté. De plus, beaucoup de ces combattants sont très aguerris et ont une expertise similaire à celle de nos forces spéciales. Et une formation très axée sur la guerre asymétrique ; donc très adaptée à la guerre qu’ils mènent. Il faut se méfier des idées reçues, mais, se tromper de la sorte dans nos estimations, n’est pas une nouveauté ? Surtout au Levant.

| Q. À quoi pense-vous ?

Jacques Borde. J’ai souvent à l’esprit, mes lectures sur les guerre israélo-arabes. Notamment celle de la guerre qui a conduit à l’indépendance et à la naissance de l’État hébreu. Celle-ci fut la plus dure qu’ont connu les Israéliens. En témoigne le Ô Jérusalem d’Élie Chouraqui, plutôt bien fait dans l’ensemble, sur cette période de sang et de larmes. On y voit de jeunes rescapés, à peine arrivés des camps de la mort, être hâtivement formés puis expédiés se battre contre la Légion arabe[6], l’un des, si ce n’est le meilleur corps d’élite de l’époque. Qui croyez-vous étaient les mieux préparés ? Si la lutte pour la Route de Birmanie[7] et autour de Latroun fut si âpre et coûteuse[8] ça n’est pas sans raisons.

Mais je crois vous en avoir parlé à plusieurs reprises…

Notes

[1] Ou ÉIIL pour Émirat islamique en Irak & au Levant.

[2] En fait, le DSS (Département de surveillance & de sécurité), qui a remplacé le Département du Renseignement & de la Sécurité (DRS) fin janvier 2016.

[3] http://www.mondafrique.com/defaillances-securitaires-de-france-inquietent-lalgerie/.

[4] http://www.mondafrique.com/defaillances-securitaires-de-france-inquietent-lalgerie/.

[5] Armée arabe syrienne.

[6] En fait Al-Jayš al-’Arabī.

[7] Axe de  ravitaillement entre la bande côtière d’Israël et la Jérusalem juive, construite par l’armée israélienne en 1948, nom adoptés en souvenir de la véritable route de Birmanie.

[8] Les Israéliens y ont perdu de nombreux soldats et aucun des cinq assauts n’a permis de prendre cette position stratégique qui empêchait le ravitaillement de Jérusalem-Ouest.

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