… une bonne guerre peut-être ? À n’en pas douter, Reccep Tayyip Erdoğan, a mené de main de maître sa gestion du vrai-faux putsch d’Ankara. Chapeau donc à cet exceptionnel homme d’État. Mais une victoire n’est rien si on n’en fait rien ? Que va donc faire le big boss de la Sublime Porte de son K.O technique face à la TSK ?
Beaucoup s’interrogent, à raison, sur l’impact du putsch d’Ankara sur la lutte contre DA’ECH ? En effet, dans une période aussi sensible, la question mérite d’être posée. Que va et que peut bien faire Ankara au moment où une partie de ses forces armées ont, pour ainsi dire, la lame du yatagan sur le col ?
Difficile à dire. C’est un peu l’histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein : cela dépend du point de vue où l’on se place.
Pour le Pr. Emmanuel Dupuy[1], interrogé par nos confrères de Sputnik, « De nombreux pays de l’UE se sont interrogés sur la capacité réelle d’Erdoğan de lutter contre DA’ECH. L’espace aérien est bloqué et les avions sont à a terre, cela aura des conséquences: il y aura un discrédit de l’appareil sécuritaire qui va se retrouver démembré; la plupart de ses généraux, les chefs de la 2ème et de la 3ème armée, le directeur de la Gendarmerie ont été arrêtés il y a donc toute une logique de repositionnement au sein de la hiérarchie militaire, qui va prendre du temps; et il faudra entrer dans la période des procès; la lutte contre DA’ECH ne semble pas être dans les prochaines semaines une priorité ».
Cette analyse me semble tout à fait appropriée à la situation, j’y ajouterai ceci : que compte faire Reccep Tayyip Erdoğan, de sa victoire contre l’ennemi intérieur ? Plusieurs possibilité s’offrent à cet habile manœuvrier de la chose géostratégique :
Garder le statu quo, et donc une TSK[2] peu sollicitée face à Al-Dawla al Islāmiyya fi al-Irāq wa al-Chām (DA’ECH)[3]?
Donc, peu de changements sur le terrain.
Ou, plutôt, passer à la vitesses au dessus vis-à-vis de DA’ECH ? Possible !
La chose aurait plusieurs avantages :
1- se concilier les bonnes grâces des États réellement en lutte contre la peste nazislamiste : Moscou et Téhéran. Ça tombe bien, ces deux-là ont apporté un soutien franc et massif à Ankara et à la reprise en main du régime national-religieux de l’AKP[4].
2- calmer l’ire occidentale. L’Ost occidentalo-centré contre DA’ECH, pour peu ardent qu’il soit, est néanmoins la carte officielle que l’Occident joue contre l’État islamique. Un pouvoir turc matraquant à outrance les Kamiz brunes de DA’ECH, ne pourra être critiqué pour ses bavures intérieures aussi vivement que s’il se croise les bras face aux périls takfirî.
3- se lancer dans une campagne contre DA’ECH fera oublier les coups portés contre les Kurdes de l‘Yekîneyên Parastina Gel (YPG)[5], qui, de toute manière, auront droit aux attentions (sic) d’Ankara.
4- la TSK est diminuée, certes, mais pas à genoux. Aller sus à DA’ECH sera une saine activité pour occuper des militaires pouvant se poser des questions.
5- idem pour la classe politique turque, aussi bien le Halkların Demokratik Partisi (HDP)[6], que le Cumhuriyet Halk Partisi (CHP)[7] et le Milliyetçi Hareket Partisi (MHP)[8], auront les plus grandes difficulté à protester contre quoi que ce soit, pris dans la vague d’un pium justumque bellum[9] contre l’horreur nazislamiste.
Ce d’autant que l’Ost contre l’ennemi kurde ne fait plus autant l’unanimité que par les décennies passées…
Gageons que président turc, Reccep Tayyip Erdoğan, va mener son affaire avec le sang-froid et l’âpreté qui caractérisent son pouvoir depuis quelques années déjà.
D’un point de vue plus général, voir la TSK se jeter à la gorge de l’ogre takfirî serait une un incontestable avancée sur le chemin de la paix au Levant. Sachant qu’un ennemi extérieur est un excellent facteur de cohésion nationale, espérons que c’est cette via factis là que choisira Erdoğan…
Notes
[1] Préside l’Institut Prospective & Sécurité en Europe (IPSE). Il fut conseiller politique du patron de la Task Force Lafayette (Forces françaises en Afghanistan) et chargé d’Études à l’Institut de Recherche Stratégiques de l’École militaire (IRSEM). [2] Türk Silahli Kuvvetleri (TSK, armée de terre turque). [3] Ou ÉIIL pour Émirat islamique en Irak & au Levant. [4] Adalet ve Kalkınma Partisi (AKP, Parti de la justice & du développement). [5] Unités de protection du peuple. [6] Parti démocratique des peuples, union des gauches. [7] Parti républicain du peuple, centre-gauche kémaliste. [8] Parti d’action nationale, droite nationale identitaire pan-touranienne. [9] Une guerre pieuse et juste, donc conforme au droit de la guerre dansl’ancienne Rome.TSK, DA’ECH, Erdoğan, YPG,