Le Brexit était un fantasme de fin du monde. Mais on a vu et on verra qu’avec le Brexit, les risques de crise systémique étaient très faibles. Il n’en serait pas de même avec la sortie d’un ou plusieurs pays de la zone euro.
La zone euro ne fonctionne pas ou en tout cas ne fonctionne pas de la manière dont devrait fonctionner une union monétaire. Avant 2008, les pays du « Nord » ne font qu’accroître leurs excédents extérieurs compte tenu de leur modèle de spécialisation économique industrielle tandis que les pays du « Sud » accroissaient leurs déficits compte tenu de leur modèle de spécialisation économique basé sur des services souvent non exportables.
La hausse de l’endettement extérieur des pays déficitaires de la zone euro fut facilitée justement par l’absence officielle du risque de change. Mais en 2008-2010, la crise se manifeste par un endettement extérieur insoutenable caractérisé dans des pays comme la Grèce, le Portugal et l’Espagne par l’incapacité à exporter suffisamment. L’arrêt du financement des déficits extérieurs par l’épargne des pays du nord de la zone euro va obliger les pays du sud à résorber les déficits de la balance des paiements.
On connait la suite avec une chute violente de l’activité et une explosion des déficits publics – aggravés par les sauvetages bancaires par les Etats – qui nous amèneront à la crise des dettes souveraines d’Europe du sud en 2011-2012. Aujourd’hui, la mobilité du capital ne circule toujours pas au sein de la zone euro comme le montre la balance des soldes des banques centrales nationales de la zone euro à la BCE – système TARGET .
Les dangers d’une sortie unilatérale de la zone euro
Le problème, c’est que cette zone euro qui fonctionne mal existe toujours, car une sortie unilatérale d’un pays de la zone euro serait un désastre pour le pays en question et provoquerait une crise systémique. Imaginons l’Italie sortant de la zone euro. On peut dès lors anticiper une nouvelle Lire italienne baissant de 20 à 30% vis-à-vis de l’euro, ce qui conduira l’Etat à faire défaut sur sa dette libellée en euro détenue par des investisseurs non italiens, et entraînera un véritable un choc systémique pour les banques de la zone fortement détentrice de titres d’état italiens.
À l’autre extrémité, imaginons l’Allemagne sortant de la zone euro. On peut, dans ce scénario, anticiper sans mal un nouveau mark allemand s’appréciant de 20 à 30% vis-à-vis de l’euro, ce qui conduira à des pertes colossales sur les actifs libellés en euros détenus par les banques et investisseurs institutionnels allemands.
Rien à voir avec les fantasmes sur le Brexit
Effectivement, on ne doit pas confondre sortie de l’Union européenne et sortie de l’euro. Dans le cas de la Grande-Bretagne, il existait déjà une monnaie nationale, et quand bien même la chute du sterling a été sévère, le financement du déficit extérieur britannique par les non-résidents ne semble pas, pour l’heure, poser de problèmes insurmontables.
Alors est-ce à dire que quelque chose qui ne fonctionne pas existera toujours ? Bien entendu non, car des pouvoirs politiques, ici ou là, peuvent mettre un terme à l' »aventure » de l’euro ou, à tout le moins le déstabiliser fortement. Spéculer sur le fait qu’une sortie serait tellement catastrophique qu’aucun pouvoir politique n’oserait l’envisager serait particulièrement dangereux. Spéculer également sur le fait que la présence de BCE en tant qu’acheteur en dernier ressort de dettes publiques de pays de la zone euro (QE, OMT…) empêchera toute implosion de la zone euro est également très dangereux.
En tout cas pour l’heure, c’est l’Italie qui risque d’occuper le devant de la scène des marchés financiers. En cas de victoire du « non » au référendum sur la réforme du Sénat , fin novembre en Italie, il faudrait envisager une longue période de blocages politiques avec une démission de Matteo Renzi suivie d’élections anticipées. Nous rentrerions dans une période de fortes incertitudes surtout si les partis populistes « anti-euro » sont en bonne position dans les sondages et agitent le spectre d’un référendum sur la sortie de l’euro.
Les Echos