Dans un rapport sur les pensions des fonctionnaires, la Cour des comptes plaide pour la création d’une caisse de retraite pour les fonctionnaires de l’Etat, comme il en existe une pour les collectivités locales et les hôpitaux.
Les candidats à la primaire de la droite vont avoir de la lecture. Dans le rapport qu’elle publie ce jeudi matin sur « les pensions de retraite des fonctionnaires », la Cour des comptes s’est penché de façon très détaillée sur l’intérêt et la faisabilité d’une disparition du régime des agents de l’Etat avec un alignement des règles sur celles du privé ; une mesure qui les séduit tous. Et son constat ne plaide pas en faveur d’un tel bouleversement.
Les magistrats de la rue Cambon se sont penchés sur deux scénarios. Celui de la table rase, défendu par Nicolas Sarkozy, François Fillon ou Bruno Le Maire, où tous les fonctionnaires en activité basculeraient tout de suite dans le régime général, et celui, plus soft, d’une réforme ne s’appliquant qu’aux nouveaux embauchés dans la fonction publique, défendue par Alain Juppé.
Au-delà même de leur interrogation sur l’« acceptabilité sociale » de tels bouleversements, leur conclusion est que les inconvénients l’emporteraient sur les avantages pour les employeurs publics eux-même.
Premier scenario : celui d’une affiliation des fonctionnaires en activité aux régimes de retraite du secteur privé (base plus complémentaires). Elle « entraînerait une baisse immédiate des taux de contributions à la charge de l’Etat et des employeurs territoriaux et hospitaliers », note le rapport. Il évalue à 28 milliards d’euros les économies que les trois employeurs publics pourraient réaliser. Très séduisant sur le papier. Sauf que l’Etat, comme les collectivités locales et les hôpitaux devront continuer à payer les pensions des fonctionnaires déjà retraités, soit 58 milliards d’euros.
Plus d’inconvénients que d’avantages
Enfin, « au final, les régimes de base et complémentaires des salariés du secteur privé pourraient s’avérer perdants, en raison de la démographie du secteur public [moins de cotisants par retraité dans le public que dans le privé], après avoir été gagnants au cours d’une première phase ». Résultat : il faudrait envisager le versement par les employeurs publics d’une soulte. A tout cela s’ajoute des problèmes pratiques, comme le fait que le calcul de la pension sur les 25 meilleures années et celui des points de retraite complémentaire imposerait de connaître l’intégralité des salaires perçus au cours de la carrière, primes comprises, information dont ni l’Etat, ni la Caisse de retraite des hôpitaux et collectivités locales ne disposent.
Le second scénario, plus soft, d’une intégration des seuls nouveaux entrants dans la fonction publique comporte lui aussi plus d’inconvénients que d’avantages, note la Cour des comptes qui note qu’« il serait coûteux pour les employeurs publics car la période de transition serait très longue ». Ces derniers devraient en effet accroître progressivement leur contribution au régime spécifique qui subirait un effet de ciseau redoutable avec baisse des cotisations et hausse des prestations au fur et à mesure des départs en retraite des fonctionnaires restés dans le régime public. « Or, dans le même temps, les employeurs publics devraient cotiser aux régimes de droit commun au titre des nouveaux recrutés, certes à un niveau moins élevé que pour les régimes de la fonction publique ».
Les magistrats de la rue Cambon ont calculé qu’il « y aurait donc un surcoût croissant pendant 40 ans, jusqu’à 34 milliards d’euros (valeur 2015), puis décroissant dès lors qu’il n’y aurait plus de nouveaux retraités » dans le régime des fonctionnaires et que donc les pensions à servir baisseraient. Une soulte pourrait être envisagée de la part des régimes du privé encaissant pendant 40 ans des cotisations sans verser de prestations, mais elle n’intègrerait pas « le coût des avantages spécifiques de retraite dont bénéficient les fonctionnaires » et serait difficilement calculable pour les régimes de retraite complémentaire.
« Complexe et coûteux »
La cour examine enfin la troisième option parfois avancée quand on parle d’intégration au régime général : celle d’un adossement, qui consiste à isoler une part de cotisation pour financer la part de retraite correspondant aux droits équivalents à ceux du privé, l’employeur public finançant les droits supplémentaires. Mais outre que cela supposerait qu’on puisse reconstituer les droits dans le privé, ce qui n’est pas possible, l’Etat « devrait verser une soulte très élevée ». du fait de sa situation démographique.
« Un tel scénario de réforme, techniquement complexe et financièrement coûteux, n’aurait de véritable portée que s’il s’accompagnait d’une décision d’alignement, éventuellement progressif mais maintenu dans la durée, des règles [du public sur le privé] », prévient le rapport qui rappelle qu’il y a eu un précédent : celui des industries électriques et gazières où il n’en a en définitive rien été.
Pour le statu quo
Mais si elle rejette les solutions radicales, la Cour des comptes n’en défend pas pour autant le statu quo. Elle loue les « réformes significatives réalisées à compter de 2003 » qui ont permis une progression de la convergence entre public et privé et plaide pour des évolutions « plus aisées à mettre en oeuvre » qui s’inscrirait « dans leur continuité ».
Concernant la gouvernance et le pilotage, les magistrats de la rue Cambon plaident pour la création dans les trois ans d’une caisse de retraite pour l’Etat comme il en existe déjà une pour les agents des collectivités locales et les hôpitaux, dont ils souhaitent améliorer l’efficience.
Sept leviers
Un sujet explosif, comme la proposition d’allonger de 5 à 10 ans de la période de référence pour le calcul de la retraite.
Les Echos