Voxnr – Emprise

Le triomphe du marché et le crépuscule des antisystèmes

 

 

La plupart des antisystèmes attendaient l’écroulement du système ou des USA : et les gauchistes de faire l’éloge de la Russie, de l’Iran, de la Corée ou de Cuba pendant que les extrêmes-droitiers encensent Donald Trump. Or on voit que ces faux ennemis se soumettent au système et tentent de s’arranger avec lui. Je ne suis plus le seul antisystème à tonner contre le leurre de Poutine et de la Russie.

On voit aussi que le système triomphe partout et que, nulle part, même en cas de vote populiste italien, on menace une organisation bureaucratico-technologique sans laquelle on reviendrait à l’âge de pierre, pour reprendre la formule célèbre du colonel Kilgore. L’amitié russo-israélienne et la complicité sino-russe en matière de business (Poutine régale sa Sibérie aux chinois) devrait aussi en calmer quelques-uns. Le capital triomphe partout et avec lui le remplacement des peuples et la liquidation de la culture et de la planète terre.

Le système-dollar est peut être un scandale mais il est la base du système-dette US qui a permis l’enrichissement-destruction-pollution de la Chine et du reste de l’ex-tiers-monde. John Buchan le révèle discrètement dans la Centrale d’énergie :

 

« You forget one thing, » I said— »the fact that men really are agreed to keep the machine going. That is what I called the ‘goodwill of civilisation.' »

« You have put your finger on the one thing that matters. Civilisation is a conspiracy. What value would your police be if every criminal could find a sanctuary across the Channel, or your law courts, if no other tribunal recognised their decisions? Modern life is the silent compact of comfortable folk to keep up pretences.

 

J’imagine mal une vie en dehors de l’euro et du dollar, une vie où il faudrait sans risque de se faire égorger découper un morceau de sa pépite d’or pour aller acheter des asperges. Il vaudrait mieux les cultiver, mais où, et comment les protéger ? Et combien de gens serez-vous disposés à tuer pour les protéger vos asperges – ou vos enfants, chers collapsologues ?

 

Les Etats-Unis ou la France peuvent avoir tous les déficits et la dette qu’ils veulent, on s’en foutra aussi. Le journaliste très America First John Flynn annonçait l’écroulement de l’empire endetté déjà dans les années… cinquante, alors que la dette US était de… 250 milliards et pas de 21000 (milliards). A quand le million dont les marchés se ficheront encore ?

 

Céline a défini la méthode moderne :

 

« C’est une affaire de travail, une application de mois… peut-être d’années… On arrive à tout… comme dit le proverbe espagnol : « Beaucoup de vaseline, encore plus de patience, Eléphant encugule fourmi. »

 

Ce que l’on voit aussi avec la pitoyable Cuba et la Corée c’est que ces pays, comme le Vietnam d’ailleurs, se sont sacrifié pour rien (comme l’Irlande catho) et ont imposé des générations de flicage et de frugalité à des populations primitives qui attendaient gentiment, comme tout le monde, d’être américanisées (métro, boulot, réseaux sociaux) ! Alors que la grosse partie de la peuplade deviendrait obèse et bien soumise, une petite partie de cette population pourrait alors comme en France ou en Amérique devenir antisystème et « tonner contre » le système ! Tonner contre, Flaubert se moquait déjà de cette habitude dans son dico des idées reçues, qui montrait déjà que le système éducatif moderne fabriquait du mécontent à la chaîne, industriellement. Voyez encore ce qu’en disait Gustave Le Bon dans sa Psychologie du socialisme :

 

« A la foule des inadaptés créés par la concurrence et par la dégénérescence, s’ajoutent chez les peuples latins les dégénérés produits par incapacité artificielle. Ces inadaptés sont fabriqués à grands frais par nos collèges et nos universités.»

Il est temps de comprendre que ce monde, s’il peut encore empirer, n’est pas réformable, qu’il est simplement le produit de la rapacité et de la paresse humaine, du hasard aussi des trouvailles scientifiques (cf. mon texte sur Willis Collier et l’air conditionné). La solution de salut doit être personnelle et consiste dans l’oubli du politique, du leurre géostratégique, dans un devenir-artiste ou un accomplissement spirituel qui tournera le dos aux mass-médias. Et ce système capitaliste beaucoup moins bête que les antisystèmes avait prévu le truc en promouvant le développement personnel dans sa littérature d’aéroport.

Guy Debord l’a dit, il y aura un marché pour tout : « l’insatisfaction elle-même est devenue une marchandise dès que l’abondance économique s’est trouvée capable d’étendre sa production jusqu’au traitement d’une telle matière première. »

 

 

Sources