Qu’elle soit rose, bleu pâle ou vert écarlate, la primaire a tout de la cuite de trop d’une démocratie ivre morte.
Dans la Ve République de De Gaulle, hors élections sénatoriales et référendums, on élit un Président pour 7 ans, des députés pour 5 ans, des maires et des conseillers généraux pour 6 ans. Soit, en moyenne, deux votes tous les trois ans. Les taux d’abstention tournent alors autour de 20 %.
Au gré d’une certaine euphorie démocratique, les consultations se sont multipliées avec des succès souvent mitigés.
Dix référendums nationaux depuis 1958. Deux se sont soldés par un échec, en 1969 sur la réforme du Sénat et la régionalisation, et en 2005 sur la Constitution européenne. La réponse du pouvoir est révélatrice : en 1969, de Gaulle a perdu, il démissionne ; en 2005, le peuple a mal voté, on le démissionne. Chirac reste en place et, en 2008, Sarkozy fait adopter le traité de Lisbonne par une Assemblée élue et malléable.
Depuis, nos Présidents se sont bien gardés de consulter le peuple. Trop dangereux…Royal a fait campagne en 2007 sur le thème de la démocratie participative, idée merveilleuse qui voudrait que chacun puisse donner son avis sur tout. Avec 46,94 % des voix, elle a réalisé le plus mauvais score d’un candidat de gauche au second tour de l’élection présidentielle depuis 1965… Record à battre !
L’enthousiasme soulevé par les promesses d’un Sarkozy en 2007 ou d’un Hollande en 2012 ressemble à une coupable ivresse, mais la gueule de bois qui s’ensuit, surtout pour ceux qui y ont cru, n’en est que plus douloureuse.
Dans la Ve République de Hollande, avec les députés européens, les conseillers régionaux et le quinquennat, on vote en moyenne plus d’une fois par an. 1,6 fois plus que sous de Gaulle, et les taux d’abstention vont d’environ 20 % aux présidentielles à 60 % aux européennes.
Ainsi, pendant le quinquennat qui se termine, on aura voté tous les ans, sauf en 2013 et 2016. En 2013, le mariage et la Manif pour tous, notamment, ont suscité des débats de fond et des mobilisations militantes.
2016 s’annonçait palpitante. On aurait voulu rêver d’action gouvernementale, d’une opposition proposant des solutions, de débats de fond dans les médias.
Mais du point de vue d’un gouvernement pilotant à vue en fonction des sondages et des faits divers, l’année 2016 risquait d’être dangereuse en révélant le vide de son action. Il est plus facile de faire de nouvelles promesses en vue de la prochaine présidentielle que de mettre en œuvre les précédentes.
Quelle recette allait-on donc nous servir pour nous focaliser sur le combat électoral de demain plutôt que d’analyser les réalisations et les responsabilités d’hier ? Pour réenchanter une démocratie moribonde, les appareils partisans veulent soigner le mal par le mal : si les élections ne mobilisent plus, inventons-en une nouvelle – la primaire ! Les socialistes et les écologistes avaient montré la voie en 2011, nos libéraux de centre et droite, toujours imaginatifs, suivent l’exemple en 2016.
Comme prévisible, cette primaire ressemble plus à un combat d’ego, à un exercice de show-biz, à un concours de déclarations d’intentions qu’à un débat d’idées sur les enjeux graves qui conditionnent l’avenir de la France, livrant un spectacle vain et pitoyable.
La dernière cuite d’une Ve République hors d’haleine ? Pas sûr…
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