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FN: une précampagne à pas feutrés

Pendant que la gauche et la droite sont en surchauffe, Marine Le Pen se met en ordre de bataille. Les contours de l’organigramme pour 2017 se précisent et la discrétion médiatique de la candidate se révèle stratégique.

Flatter Marine Le Pen est un art difficile ; pour rendre l’exercice un tant soit peu remarquable, il y faut parfois la fougue et les lettres du député Bleu Marine Gilbert Collard. Nous sommes le 8 novembre : au sous-sol d’un grand hôtel parisien, le Front national organise une convention sur «la France, civilisation mondiale au XXIe siècle». Face au public et à sa championne, l’avocat monte dans les tours : «Comme le contraste fait voir la couleur chez Rembrandt, le silence de Marine fait voir la nullité des autres, déclame-t-il. Avoir inventé le retrait politico-médiatique comme mise en évidence d’une culture du vide, c’est déjà un acte révolutionnaire !» Quelques minutes auparavant, le directeur de campagne, David Rachline, avait fait plus sobre : «Pendant que nos adversaires s’écharpent sur leur bilan, nous travaillons.»
Compromis

Drôle de précampagne. Au Front national, on a maintenu cet automne une ligne adoptée plus tôt dans l’année : celle d’un (relatif) retrait médiatique, censé donner à Marine Le Pen la stature présidentielle que lui refusent encore tant d’électeurs. L’effet de contraste doit jouer à fond entre une gauche au tapis, une droite en pleine mêlée et un FN studieux, rassemblé, responsable – vous avez dit «gaullien» ? Pour le monde extérieur, voilà donc plusieurs semaines que l’ordinaire du parti consiste en de lénifiantes «conventions» thématiques : s’y dévoile par petites touches un programme qui sera intégralement publié début 2017.

Deux événements devraient tout de même rompre cette monotonie, mercredi : d’une part, l’officialisation de l’organigramme de campagne, c’est-à-dire de la petite équipe qui se substituera pour quelques mois aux instances officielles du FN et qui, pour partie, préfigure sans doute la direction frontiste de demain (lire ci-contre). D’autre part, l’ouverture du siège de campagne, rue Saint-Honoré à Paris. Tout proche de l’Elysée, le lieu apparaît surtout comme un compromis entre une adresse parisienne et le siège du FN à Nanterre – sans parler du domicile privé de Marine Le Pen, lui aussi en banlieue ouest. C’est tout ? Oui ou presque. Des déplacements de terrain que la candidate avait promis de multiplier, on n’entend plus parler. Quant au blog «Carnets d’espérances», lancé en février et censé représenter un lien direct entre la candidate et son public, il n’est quasiment plus alimenté depuis l’été.
Mouvance

Et pourtant, le Front national et sa candidate restent au centre du débat public. Comme si le mécanisme, désormais amorcé, s’entretenait sans grande intervention de la principale intéressée. L’une après l’autre, les enquêtes d’opinion confirment les chances de Marine Le Pen de parvenir, et largement, au second tour de la présidentielle. «Dans nos enquêtes, nous testons une dizaine de configurations différentes pour le premier tour, explique Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’Ifop. Aucune ne donne Marine Le Pen éliminée dès ce stade.» Parmi ses concurrents, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé ou encore Emmanuel Macron font chacun de leur capacité à «battre Marine Le Pen» un argument de poids en leur faveur. Un climat encore renforcé par la victoire de Donald Trump, qui rend particulièrement concrète la perspective d’un triomphe du populisme droitier dans une grande puissance occidentale.

Si la comparaison n’est pas sans intérêt, elle a aussi ses limites. Donald Trump était le candidat d’un parti institutionnel qu’il a subverti par ses outrances et son discours anti-élites. Marine Le Pen est la candidate d’un parti antisystème qui, pour l’emporter, a choisi de s’acclimater à certains codes du système en question. Baptisé «dédiabolisation», ce calcul est plus que jamais à l’ordre du jour. Et se trouve désormais soutenu par une droite en pleine surchauffe qui contribue, à sa façon, à normaliser le discours mariniste. «En 2007, Sarko a siphonné les voix de Le Pen. En 2017, ce sera l’inverse, promet Sébastien Chenu, un proche de la candidate. Il nous fabrique de nouveaux électeurs à chaque fois qu’il ouvre la bouche. Ses militants sont si survoltés que si ce n’est pas lui qui gagne la primaire…»

Symbole de ce jeu à front renversé : la demande de destitution de François Hollande un temps agitée par la droite et que Philippot s’est payé le luxe d’écarter, estimant que c’était là «jouer avec les institutions pour des raisons internes». A quoi s’ajoute une mouvance ultra-droitière, autour d’Eric Zemmour et de Philippe de Villiers, qui réussit à donner une audience nationale à un discours nettement plus radical que celui du FN – lequel s’en trouve mécaniquement recentré. Pour le Front, voilà qui vaut bien de remplacer quelque temps le bruit et la fureur par le silence et l’ennui.

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