Paris semble l’avoir oublié : L’histoire n’avance jamais mieux que lorsque à des circonstances exceptionnelles (de Gaulle & la France libre ) s’opposent des hommes providentiels ! Donald J. Trump, & Vladimir V. Poutine, sont-ils de ces hommes ? En attendant, côté français, l’absence d’hommes d’État (& de la géopolitique qui va avec) est de plus en plus criante…
Q. Premier sujet et non des moindres : quel regard portez-vous sur la Primaire des droites ?
Jacques Borde. (Soupir désabusé). Restons sur le versant géopolitique et géostratégique des choses, si vous le voulez bien. J’y vois deux choses, ou plutôt trois, choses notables :
Primo, l’élimination de Sarkozy, l’homme avec Cameron de la guerre en Libye. Bon débarras ! Ou plutôt, suite au prochain épisode : rappelons en effet que le président américain, Donald J. Trump, verrait bien l’ancien locataire de l’Élysée dans un box d’accusé pour sa responsabilité dans la via factis occidentalis en Libye et tout ce qu’elle a entraîné.
Soyons clair et précis : moi aussi !
Secundo, la mise à l’écart d’Alain Juppé. L’ancien mis en examen et condamné primus inter pares d’une droite qui n’en est pas une est trop proche du Jamiat al-Ikhwan al-Muslimin1 et de ses instances représentatives en France auprès desquelles il n’hésite pas de s’afficher. De ce fait, Juppé, n’en doutons guère, a tout pour être le continuateur des erreurs de l’administration Hollande sous un autre décor. Je lui souhaite donc une amère défaite dimanche prochain.
Q. C’est à ce point là ?
Jacques Borde. Oui, raisonnons toujours au plan géopolitique. Il serait dommageable pour les relations atlantiques qu’il nous faut restaurer au plus vite avec Washington, que l’homme présidant aux destinées de notre pays soit considéré par le US Department of Sate et le NSC comme frayant avec un Jamiat al-Ikhwan al-Muslimin demain en tête de liste des organisations terroristes d’une Amérique vraiment en guerre contre le terrorisme takfirî. Grosso modo, les mêmes raisons qui ont fait que des capitales de l’Orient arabe se retrouvent durablement ostracisées pour leur soutien au terrorisme. Pas vraiment de l’intérêt de la France !
Même si comparaison n’est pas raison, voyez le mal qu’ont fait à leur pays des hommes comme Morsi (Égypte) et Ahmadinéjad (Iran).
Q. Et Fillon ?
Jacques Borde. J’avoue ne pas être très conquis par l’homme. Certes Fillon, quelque part, est le moindre mal de cette Primaire. On l’a connu gaulliste prônant l’Europe de l’Atlantique à l’Oural du général ! Mais, alors, qu’est-il allé faire dans la galère du sarkozisme ?
Au plan géopolitique, le seul point positif que je vois dans son parcours est sa prudence cauteleuse quant au Russian bashing qui, à l’exception notable de du FN, a mobilisé l’ensemble de l’establishment politique français.
Cf. « Au lieu de recevoir Poutine avec des pincettes, le gouvernement français devrait faire preuve d’un peu de courage pour construire une relation de confiance avec la Russie ! ».
Or, renouer avec la Russie est l’un des points forts de l’agenda de Donald J. Trump et de son National Security Adviser, le lieutenant-général Michael T. Flynn2. Pas assez, à mon avis pour faire de Fillon l’homme qui redressera la France humiliée et outragée, mais suffisant pour souhaiter qu’il nous débarrasse de Juppé, l’homme à écarter à tout prix de l’Élysée.
Q. Mais ce que vous nous dites sur la mésentente entre Washington et Paris, ça n’est pas un peu exagéré ?
Jacques Borde. Non pas du tout. Surtout qu’il ne s’agit pas d’une mésentente entre Américains et Français mais, très précisément, d’un fossé creusé par l’administration Hollande, ou le régime de Paris si vous préférez, dans sa posture invraisemblable d’opposition au candidat républicain.
Y compris après sa victoire.
Ce qui, en passant, ressemble beaucoup à un déni de démocratie. Gabriel Matzneff évoque à son sujet « l’agressivité, la grossièreté et, osons le mot, l’imbécillité du discours télévisé » par lesquelles François Hollande a commenté la victoire du nouveau président des États-Unis, Donald J. Trump.
Q. Est-ce durable ?
Jacques Borde. Nous verrons bien. Mais tout se paye à un moment donné.
Vous noterez que Nigel Farage, qui était allé soutenir Donald Trump pendant sa campagne électorale3, vient d’expliquer au Daily Telegraph qu’il avait été reçu par Donald Trump « pendant 50 minutes » à la Trump Tower.
Une durée à comparer aux « 7 à 8 minutes » que Donald J. Trump a consacré à s’entretenir (par téléphone) avec François Hollande, selon les propres termes de l’Élysée, importe-t-il de préciser.
À notre connaissance, les deux hommes ne se sont pas parlé depuis. Cela va finir par être embarrassant à la longue.
Q. Certains craignent même une présidence US revancharde ? Et des initiatives qui pourraient pénaliser la France.
Jacques Borde. (Soupir) Alors ce serait plus que d’ordinaire ! Car, l’hegemon étasunien ne nous a guère épargné ces dernières décennies. Trump, a contrario, semblerait avec son America First nettement moins entreprenant que ses prédécesseurs.
Pour le reste, excusez-moi de le dire ainsi, ceux qui nous sortent ce genre d’ânerie, devraient mettre un terme à leurs pratiques onanistes ! Ce à quoi Donald J. Trump ne ressemble pas le moins du monde, c’est bien à un revanchards, enfin !
Ne vient-il pas d’inviter le turbulent (mais démocratiquement élu) président philippin Rodrigo Rody Duterte, à sa prestation de serment en janvier 2017 ? Et son Assistant to the President for National Security Affairs, le lieutenant-général Michael T. Flynn, pour aussi dur qu’il puisse paraître à la masse des imbéciles qui le découvre, nous vient tout droit du camp démocrate. Beaucoup semblent l’oublier.
Q. Mais quelles relations internationales à avoir face à cette Amérique d’abord de Trump qui marque un recentrage certain ?
Jacques Borde. Pour la France, vous voulez dire ? Redescendre de notre piédestal droit-de-l’hommiste et, excusez les termes, cesser d’enc… des mouches. En fait, nous sommes à la croisée des chemins. D’autoroutes à quatre voies même.
Ou comme le dit, sur son blog, Caroline Galactéros, « Les relations internationales ont besoin d’une refondation en profondeur sur un double socle réaliste et éthique, de retrouver un cadre de jugement et d’action en matière diplomatique qui soit légitime et accepté par tous. On en est très loin. L’interventionnisme moralisateur des années 1990 et 2000 a provoqué des désastres insondables et manqué son objectif affiché d’une démocratisation du monde »4.
Quant à la France, elle « a ici un rôle éminent à jouer. Si elle cesse de vendre son âme pour un plat de lentilles, de prendre parti dans des querelles confessionnelles ou politiques qui ne sont pas les siennes, et si elle s’emploie à consolider les États, en premier lieu le sien, au lieu de fomenter leur abaissement sans même mesurer »l’effet boomerang » sanglant de cette politique inconséquente sur son propre territoire »5.
Mais ne rêvons pas, sur ce terrain-là, rien n’est à espérer avant les présidentielles de 2017. Dans le meilleur des cas. Sinon…
Q. Mais, nous Français, sommes-nous toujours à côté de la plaque ?
Jacques Borde. Plus que jamais, hélas. Deux éléments viennent encore de nous rejeter sur le bas-côté de l’Histoire en marche :
Primo, le rejet de la CPI par une première vague d’États, dont la Russie. L’absence de réaction de Washington n’arrangeant rien à l’affaire. De mémoire, les chambres US n’ont jamais ratifié quoi que ce soit à son sujet et donc la CPI et ses règles ne s’appliquent pas dans le cadre juridique fédéral US. On peut pronostiquer, sans grand risque, que le président Donald J. Trump aura d’autres chats à fouetter que se muer en défenseur d’une CPI à l’agonie.
Secundo, la politique de la chaise vide adoptée par Donald J. Trump, vis-à-vis de la COP22 qui, à ses yeux de climato-sceptique (opinion que je partage sans équivoque), n’est que le prolongement de la COP21 initiée par François Hollande. Autrement, rien qui vaille d’être soutenu, vu de Washington et de la nouvelle administration qui s’installe…
À noter également l’absence de son auguste prédécesseurs, le sémillant Barack H. Obama, pourtant parti faire ses adieux un peu partout. Décidément, les produits made in Hollande n’attirent pas le chaland.
Il est plus que temps de tourner la page…
Notes
1 Ou Association de la Confrérie des musulmans, autrement dit les Frères musulmans (FM)..
2 Ancien directeur, de 2012 à 2014, de la Defense Intelligence Agency (DIA, Agence du Renseignement militaire), répond aux besoins du président des États-Unis, du US Secretary of Defense, du Joint Chiefs of Staff (JCS, Comité des chefs d’état-major interarmées).
3 Lors du meeting de Saint Louis (Missouri).
4 Bouger les lignes.
5 Bouger les lignes.