Accueil ACTU Europe Wagenknecht : Nous ne défendons pas l’Allemagne en Afghanistan ou en Syrie

Wagenknecht : Nous ne défendons pas l’Allemagne en Afghanistan ou en Syrie

La campagne pour le Bundestag (2017) bat déjà son plein

À Merzig, Sahra Wagenknecht aime la nature idyllique de la Sarre. « C’est l’exact opposé de Berlin la trépidante, l’endroit idéal pour se détendre les nerfs » dit-elle. Avec Oskar Lafontaine son mari elle y fait beaucoup de vélo. « Quand nous avons le temps, nous faisons un bon 100 km par jour à bicyclette ». Merzig, petite ville à la frontière avec la France est devenu le nouveau port d’attache de cette femme de 47 ans, née à Iéna, dont la circonscription électorale est à Düsseldorf et qui conduit la campagne de La Gauche pour le Bundestag. Dans un café près de l’Hôtel de ville, elle résume ses buts pour l’année électorale qui arrive.

Berliner Morgenpost – Mme Wagenknecht, vous et votre co-président Dietmar Bartsch avez été pendant longtemps comme Tom et Jerry. Seriez-vous une candidate susceptible de remporter l’élection au Bundestag ?

Sahra Wagenknecht – Nous faisons campagne avec succès pour le Bundestag depuis plus d’un an à présent. La Gauche est plus haut dans les sondages qu’elle ne l’a été depuis 2013, malgré la force de l’AfD [Alternative für Deutschland, parti d’extrême-droite, NdT]. Le climat, à l’intérieur de notre « Fraktion »  s’est aussi amélioré. Il y a une relation de confiance entre Dietmar Bartsch et moi-même ; nous travaillons bien ensemble. C’est une condition préalable pour la réussite d’une campagne électorale.

B.M. – Quels sont les buts du parti Die Linke ?

S.W. –  Mon souhait, pour l’élection au Bundestag est très clairement que les mêmes vieilles antiennes de la grande coalition soient balayées pat les urnes et que la question sociale soit enfin remise sur le tapis. Il y a des années que les inégalités ne font que croître en Allemagne, des années que beaucoup de gens n’arrivent plus à vivre de leur travail et que de plus en plus de personnes âgées subissent l’humiliation de la pauvreté.

Mais voter AfD ne changera rien à tout cela, parce que l’AfD veut un état social faible et des privatisations. Un bon résultat à deux chiffres pour Die Linke mettrait les autres partis, en particulier le SPD, sous pression, les obligerait à s’occuper finalement des intérêts sociaux de la majorité.

B.M. – Vous comptez une fois de plus sur une augmentation des impôts. Que faut-il qu’il arrive avant que Die Linke pense à soulager les citoyens et les entreprises ?

S.W. – Nous réclamons une réduction des impôts pour la majorité des citoyens, notamment pour ceux à revenus moyens ou faibles. Il est scandaleux qu’un impôt de 24% frappe des revenus de 1140 € par mois, tandis que des groupes comme Apple, Amazon ou Starbuck sont imposés, comme ailleurs en Europe,  à 0,005%.

Il est parfaitement compréhensible que les gens se sentent pris à la gorge par une politique comme celle-là. Nous voulons que les grandes compagnies et les super-riches paient un impôt approprié. Nous réclamons, entre autres choses, qu’une taxe soit appliquée aux millionnaires et que soient imposées aussi les successions très importantes.

Il y a des années que le SPD combat ses propres électeurs.

B.M. – D’après les sondages, même une triple alliance rouges-verts-verts ne marchera pas. Quelles perspectives de pouvoir envisagez-vous ?

S.W. – Elle ne marchera pas parce que la politique du SPD, depuis des années, a été de combattre les intérêts de ses propres électeurs. Pourquoi des salariés et des retraités choisiraient-ils un parti qui est responsable de la création de tout un secteur à revenus faibles et qui a détruit le système statutaire des retraites ? Sigmar Gabriel s’est récemment battu comme un lion pour l’accord d’Assurance Groupe CTE. En matière d’impôt sur les successions, il n’a pas été dérangé le moins du monde par Horst Seehofer. Tant que le SPD ne fera pas savoir clairement qu’il veut autre chose que toujours-plus-de-la-même-chose, les électeurs le fuiront.

B.M. – À quelles conditions accepteriez-vous de coopérer avec le SPD et les verts ?

S.W. – La direction fondamentale de la politique doit changer : le SPD et les verts font partie du honteux cartel qui a détruit la sécurité sociale. Nous voulons restaurer la sécurité sociale d’État. Nous n’avons aucun besoin d’une baliverne à la  Riester qui n’enrichit que l’industrie financière,  mais de retraites légales suffisantes [La Riester–Rente est une épargne privée subventionnée par l’État et déductible des revenus.NdT]. Tout le monde doit y contribuer, y compris les indépendants, les fonctionnaires et les politiciens.

Nous avons grand besoin de retrouver des allocations de chômage décentes. Et, en plus de cela, le jeu des emplois temporaires et des contrats spéciaux doit cesser. En politique étrangère, l’Allemagne devrait en revenir à sa politique traditionnelle de dégagement…

B.M. – Qu’entendez-vous par là ?

S.W. – Rechercher un équilibre des intérêts au lieu de participer à l’escalade des conflits par le réarmement et la guerre. La soi-disant guerre contre le terrorisme n’a pas rendu ce monde plus paisible. Au contraire, elle a fini par renforcer le terrorisme et par l’amener en Allemagne. Sortir la Bundeswehr d’Afghanistan et de Syrie serait le meilleur moyen d’assurer notre sécurité.

B.M. – Vous ne semblez pas près de gouverner.

S.W. – Quoi ? Pendant plus de 40 ans, la République Fédérale d’Allemagne s’est très bien trouvée de garder les soldats au pays. Pour Willy Brandt, la guerre était l’« ultima irratio »,donc pas un chemin à suivre pour la politique. Si le SPD qualifie aujourd’hui cette position de « non gouvernementale », cela ne prouve que sa propre décrépitude.

L’Allemagne ne se défend pas en Afghanistan

B.M. – Faudrait-il qu’il y ait un accord signé sur le retrait de la Bundeswehr de toutes ses opérations à l’étranger pour qu’un gouvernement de coalition puisse être mis sur pied ?

S.W. – Si nous aidons des pays pauvres après une catastrophe, si nous allons forer chez eux des puits ou construire des écoles, parfait. Mais il n’y a pas besoin de la Bundeswehr pour cela. L’Agence Fédérale pour le Secours Technique, qui est mieux équipée, y suffirait. Die Linke ne soutiendra jamais l’effort militaire de la Bundeswehr. Il est d’ailleurs contraire à laLoi fondamentale. La tâche de la Bundeswehr est de défendre l’Allemagne. L’Allemagne ne se défend pas au Mali, ni en Afghanistan, ni en Syrie.

B.M. – Est-ce que Sigmar Gabriel candidat SPD à la chancellerie serait un argument pour ou contre une alliance gouvernementale rouges-rouges-verts ?

S.W. – Si j’étais un dirigeant du SPD, j’accorderais quelque attention au résultat des élections U.S. Les Démocrates ont fait obstacle à Bernie Sanders, qui avait un profil de gauche, pour se retrouver in fine avec l’incroyable naufrage de Hillary Clinton. Clinton s’est fait la championne de l’arbitraire, de la vénalité et de l’indifférence aux divisions sociales du pays. Beaucoup de gens ont choisi de voter Trump parce qu’ils ont voulu désélectionner ce toujours-plus-de-la-même-chose. Je pense que le SPD devrait prendre cela au sérieux.

B.M. – Qui est le Bernie Sanders du SPD.

S.W. – Eh bien… Si M. Gabriel voulait se donner la peine de le chercher ! Dans un grand parti comme le SPD, il doit bien y avoir d’authentiques sociaux-démocrates qui soient crédibles aux yeux des électeurs. Sigmar Gabriel, pour sa part, est responsable des choix politiques du SPD depuis le tournant de millénaire, c’est-à-dire responsable de son alignement sur les économiquement puissants et de l’abandon de ses électeurs traditionnels.

B.M. – Certaines déclarations de Die Linke pourraient provenir d’AfD. Essayez-vous de reconquérir les électeurs qui ont émigré vers l’extrême-droite populiste ?

S.W. – Bien sûr. Nous voulons gagner chaque électeur que les injustices grandissantes ont mis en colère. Le fait que l’AfD ait capturé ce genre d’électeurs vient seulement de ce qu’il prétend se préoccuper de leurs intérêts sociaux. Mais si vous jetez un œil au programme de l’AfD, il ressemble plutôt à l’aile économique du CDU/CSU ou du FDP. Merkel a offert beaucoup d’électeurs à l’AfD avec sa politique désordonnée sur les réfugiés. Il serait irresponsable de composer avec cela.

B.M. – Vous-même avez dit, après les événements de la nuit du Nouvel An à la Gare Centrale : « Quiconque abuse de ses droits d’invité les perd. » Ça aussi pourrait avoir été dit par le président d’Afd Petry.

S.W. – … ou par un des politiciens du SPD ou du CDU/CSU, qui ont tous dit la même chose. Je n’ai pas répété cette phrase, parce qu’elle a été mal comprise. Mais l’exigence que quiconque vit en Allemagne, qu’il soit réfugié ou natif, doit respecter les lois, n’appartient pas à l’AfD mais à la raison.

Original: Berliner Morgenpost
Traduit de l’anglais par c.l. pour Les Grosses Orchades

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