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Les 4 vérités de Louis-Ferdinand Céline

On fête Céline, plus grand écrivain et poète français du siècle dernier (ce siècle-ci n’existe pas, vous ne voyez pas ?), au moins pour son Voyage si prémonitoire, dont la moitié de phrases sont des vers libres.

Mais j’ai envie de citer les pamphlets.

Car les meilleures pages des pamphlets le rapprochent des écrivains et philosophes critiques de notre vieille et décevante modernité. Ils sont tirés pour l’essentiel des Beaux draps, le meilleur et le moins agressif de ses pamphlets gentiment diabolisés.

Comme René Clair ou Charlot, Céline dénonce la « Standardisation robotisation insensibilisation nivellement artistique ».

Sur la robotisation, et longtemps avant nos chaînes info :

Depuis la Renaissance l’on tend à travailler de plus en plus passionnément pour l’avènement du Royaume des Sciences et du Robot social. Le plus dépouillé… le plus objectif des langages c’est le parfait journalistique objectif langage Robot…

Il ajoute à ce sujet, toujours dans Bagatelles, pamphlet qui va du conte de fée au souvenir de Genève ou Moscou :

La cause me paraît entendue, Renaissance, naturalisme, objectivisme, surréalisme, parfaite progression vers le Robot.

Ailleurs Céline dira justement qu’Amyot (le traducteur de Plutarque) a défait Rabelais. C’est la défaite du ventre et du français populaire au détriment du français de cour, de traduction.

Sur les excursions, le tourisme, la promenade pathétique du dimanche, sur la culture bagnole en somme, il écrit drôlement :

Pauvre sagouin tout saccagé d’expulsions de gaz, tympanique partout, tambour brimé de convenances, surpasse un moteur en péteries, d’où l’innommable promenade, de sites en bosquets du dimanche, des affolés du transit, à toutes allures d’échappements, de Lieux dits en Châteaux d’Histoire. Ça va mal !

La sottise des temps (après Hollande, Fillon ?) lui inspire ces propos presque eschatologiques :

Une telle connerie dépasse l’homme. Une hébétude si fantastique démasque un instinct de mort, une pesanteur au charnier, une perversion mutilante que rien ne saurait expliquer sinon que les temps sont venus, que le Diable nous appréhende, que le Destin s’accomplit.

Car en bon anarchiste Céline comprend que le problème ce n’est pas le pouvoir ou les partis politiques ; c’est le citoyen des temps modernes :

Voici l’homme fou à ligoter, citoyen grisé de conneries qu’a perdu tout sens du ridicule. Il sait plus ce qu’il fait, ce qu’il ne fait pas. Il a plus que des velléités, des ébauches, des bribes, il sait plus rien entreprendre, il comprend plus rien. Il a perdu ses racines. Il est l’homme des publicités, rincé, délavé, chiffe crâneuse.

L’homme des pubs est aussi une machine politique à revendiquer des « droits » :

Ils veulent rester carnes, débraillés, pagayeux, biberonneux, c’est tout. Ils ont pas un autre programme. Ils veulent revendiquer partout, en tout et sur tout et puis c’est marre. C’est des débris qu’ont des droits. Un pays ça finit en “droits”, en droit suprêmes, en droits à rien, en droits à tout, en droits de jaloux, en droits de famine, en droits de vent.

Monde moderne, monde sans rêves et sans efforts. Voici les lignes impeccables que ce monde ci, consumériste et nihiliste, lui inspire :

Le monde est matérialiste, le plus menu peuple compris. Il croit plus à rien qu’au tangible. C’est comme ça l’Instruction Publique, l’évaporation des Légendes. Ils veulent plus se remettre en route avant qu’on ait réglé les comptes. Nôtre société elle veut plus rien foutre, elle veut plus se fatiguer du tout. Elle se les retourne de plus en plus. Elle s’effondre dans tous les coins.

C’est qu’en effet, « ça rend pas bon la mécanique ça rend prosaïque et cassant. »

Bien avant Internet ou la télé, Céline constate que du fait de cette mécanisation-massification les carottes sont cuites en matière d’art, de culture et de goût du public, comme on dit :

Le goût du public est tout faux, résolument faux, il va vers le faux, le truqué, aussi droit, aussi certainement que le cochon va vers la truffe, d’instinct inverti, infaillible, vers la fausse grandeur, la fausse force, la fausse grâce, la fausse vertu, la fausse pudeur, le faux bonhomme, le faux chef-d’œuvre, le tout faux, sans se fatiguer.

Enfin, même sur l’antisémitisme, un Céline déchaîné écrit ces lignes apaisées et décalées :

Bouffer du juif ça ne suffit pas, je le dis bien, ça tourne en rond, en rigolade, une façon de battre du tambour si on saisit pas leurs ficelles… Tout le reste c’est du rabâchis, ça vous écœure tous les journaux, dits farouchement antisémites, qu’est-ce qu’ils cherchent au fond ?

On pourrait répondre à Céline : ils cherchent à gagner de l’argent, l’antisémitisme ayant été un marché littéraire énorme en France et en Europe, et ce durant plus d’un siècle (40 000 titres).

Et quant à la littérature :

Le « Livre » ce n’est pas très sérieux… C’est un sujet bien accessoire… un divertissement je l’espère… Tout le monde parle de « littérature ».

Sa conclusion ? Il faut apprendre le rigodon.

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