Des travées de Bruxelles aux séances du Conseil de sécurité des Nations-unies, la bien-pensance munichoise se retrouve dans une triple détestation (par ordre alphabétique) : Assad, Poutine & Trump. Tout ceci serait du plus haut comique si cela ne passait pas par le soutien à l’ennemi du genre humain qu’est le nazislamisme du Takfir. Une mobilisation Ad Majorem djihadi gloriam en quelque sorte !
Avant d’entamer cet entretien, vous me disiez être surpris par le culot de certains media ?
Jacques Borde. Oui. Et pas qu’un peu. Dimanche [18 décembre 2016], prenant mon café matinal, je mets BFM.TV et, là, j’en apprends de belles !…
Quoi donc ?
Jacques Borde. Pfff ! Dans le désordre :
1- le camp du mal – odieux Russes, infâmes Iraniens et cruelle Jayš al-’Arabī as-Sūrī (AAS1, la vilaine soldatesque du encore plus vilain président Bachar el-Assad), confondus – assiégerait 40.000 civils, tous innocents comme l’agneau pascal bien évidemment, dans Alep-Est. Comment BFM.TV a pu évaluer le nombre de civils en question ? Mystère et boules de gomme.
2- le camp du mal, là les Russes seuls, bloque les résolutions salvatrices proposées par le camp du bien (Paris, of course) devant permettre l’évacuation des 40.000 civils d’Alep-Est mentionnés ci-dessus.
3- encore et toujours, Brita Hajj Hassan nous est présenté comme maire d’Alep-Est. Ce qu’il n’a jamais été. Le bonhomme n’est d’ailleurs même pas Alépin !
Et tout ceci ne tient pas la route ?
Jacques Borde. Évidemment que non ! Avant de me lire je vous conseille vivement de regarder la vidéo de Bassam Tahhan, interrogé par Frédéric Saillot le 10 décembre 2016. Elle vous éclairera davantage que mes propos :
1- en l’absence de sources indépendantes sur place, personne ne peut évaluer le nombres de civils encore présents dans Alep-Est ;
2- Pas un mot, pas une allusion quant aux derniers miliciens pro-wahhabites, essentiellement les reliquats encore en état de se battre d’Al-Jayš al-Fateh (Armée de la conquête)2, qui empêchent, par les combats retardateurs qu’ils mènent encore, l’évacuation des derniers civils ?
3- les Russes ont, certes, posé leurs vetos aux résolutions concoctées au Quai d’Orsay. Mais Paris (notamment) a fait de même avec toutes les résolutions russes, y compris lorsque soutenues pas des pays de la région comme l’Égypte. Seule différence entre les deniers textes : l’arrêt des opérations militaires contre les groupes terroristes exigée, on se demande bien pourquoi, par les Occidentaux.
4- évidemment, sur BFM.TV, pas un mot sur les atrocités en série des Sonderkommandos nazislamistes. Comme celles dénoncées par Mariam Abdul Gani, mère de trois enfants recueillies par Sputnik. Cf. « Les terroristes ont introduit des châtiments pour les hommes soupçonnés de lien avec les troupes gouvernementales ou opposés à leurs actions. Il était impossible de les dissuader, ils tuaient, crucifiaient des personnes, traînaient dans les rues de la ville des gens dénudés ».
5- évidemment, sur BFM.TV encore, pas un mot non plus sur la liesse de la majorité des habitants des quartiers d’Alep, Est et Ouest, libérés de l’emprise ou des tirs délibérés de miliciens nazislamistes d’Al-Jayš al-Fateh sur des cibles civiles. Foules à comparer aux images passant en boucles des quelques centaines d’opposants (ou supposés tels) et de l’ultra-gauche antisémite se réunissant qui à Paris, qui à Lyon.
Quid, alors, des derniers civils encerclés à Alep-Est ?
Jacques Borde. Là encore, nous somme en plein dans le Propaganda staffel dicté par les sponsors wahhabites des Sonderkommandos nazislamistes. Mais ce récit fantasmagorique ne tient pas la route un seul instant…
Vous en êtes sûr ?
Jacques Borde. Oui. Comme l’a rapporté Bruno Guigue3 « Les médias parlent de 100.000 personnes qui seraient recluses dans le dernier réduit »rebelle », mais sans nous expliquer comment elles peuvent contenir dans trois kilomètres carrés ! ». Idem, si vous parlez des derniers 40.000, leur périmètre ayant été réduit par les troupes de l’AAS. Le pire étant encore que « Plus les heures passent, en réalité, et plus ce dernier bastion de fanatiques se vide de ses civils, et plus les gouvernements occidentaux, relayés par leurs perroquets médiatiques, s’en affligent ».
Évidemment, pas un mot non plus sur nos media des succès russes à Alep-Est. Soit près de 3.500 Contras pro-wahhabî qui ont préféré la reddition à une mort quasi-assurée et 4.500 autres qui ont chois d’évacuer via le corridor humanitaire… russe. Un total de 9.500 individus présentant un danger réel pour la population ont bel et bien quitté Alep-Est. Bon vent !
Et, au niveau onusien, que prévoient les textes en cas de blocage au Conseil de sécurité ?
Jacques Borde. En fait pas grand-chose.
Pour le reste, l’Assemblée générale – pour peu qu’elle s’y prête, ce qui n’est pas acquis – peut également prendre des mesures en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix ou d’acte d’agression, lorsque le Conseil de sécurité des Nations-unies, n’a pas pu agir en raison de l’opposition d’un membre permanent. Aux termes de la Résolution 377 (V) intitulée L’union pour le maintien de la paix4, l’Assemblée peut examiner immédiatement la question afin de faire aux États-membres les « recommandations appropriées sur les mesures collectives à prendre pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ».
Tout ceci n’ira pas bien loin. Sauf si quelque acteur décidait de se passer de l’aval de l’ONU pour frapper la Syrie. Mais qui ? Avec quels moyens ? Et sur quel prétexte, à la fin ?
L’imbrogio humanitaire ?
Jacques Borde. Sauf que que, là encore, media et chefs de guerres occidentaux nous racontent des bobards…
Qui donc au juste ?
Jacques Borde. La liste est, malheureusement, assez longue. Citons le US Secretary of Defense sortant, Ashton Baldwin Ash Carter, pour qui « La communauté internationale, les Nations-unies essaient de fournir de l’aide humanitaire (…) Mais cela n’a pas été possible à cause du régime et des Russes qui n’ont pas autorisé à y procéder ».
Et, c’est faux ?
Jacques Borde. Ce qui prétend Carter. Oui, à 200% !
Primo, notons que la « communauté international », désolé, ça n’existe pas ! Ce qui existe ce sont des États, des ONG et des instances internationales qui, éventuellement, mettent la main au portefeuille ou fournissent matériels, équipements sanitaires ou vivres, suivant leurs compétences respectives.
Secundo, quitte à parler de l’un de ces acteurs, si l’en en croit le directeur régional pour le Moyen-Orient de la Croix-Rouge, Robert Mardini (apparemment inconnu de BFM.TV), non seulement l’action humanitaire sous égide russe est bien réelle à Alep, mais, qui plus est, elle est à vaste échelle.
En effet, qu’a dit très précisément Mardini à ce sujet ? Qu’« Une dizaine de collègues du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), des centaines de volontaires du Croissant-Rouge syrien, 13 ambulances, quatre véhicule du CICR et plus de 20 bus ont effectué ces évacuations d’Alep-Est vers l’ouest et les zones rurales, où les gens ont pu recevoir un traitement ».
Propos qui rejoignent ceux de Jan Egeland5, qui se félicitant de la coopération russe lors du retrait des combattants d’Alep, affirmait recevoir « … de l’aide 24 heures sur 24 de la part des militaires russes et nous pensons que nous pourrons surveiller et assister les évacuations ».
Mais, en ce moment, c’est plutôt la guerre des résolution ?
Jacques Borde. Aussi. En fait, comme l’a noté Sputnik, « C’est un jeu à somme nulle, ou presque, qui s’est tenu samedi 8 octobre à l’ONU au centre duquel la ville d’Alep assiégée, affamée et bientôt pulvérisée continue de payer le prix du sang. Le Conseil de sécurité examinait lors d’une réunion d’urgence deux résolutions distinctes d’inspirations franco-espagnole et russe ».
Mais, dès avant les votes, Vitaly Tchourkine, le représentant russe près l’ONU, avait prévenu que tout cela n’était qu’« une vaste mise en scène (…), un spectacle étrange car tout le monde sait pertinemment qu’aucune des deux résolutions ne passera ».
Et, c’est très exactement ce qui s’est passé. Et c’est bien pour ça qu’Occidentaux et Russes ont fini par accoucher d’une résolution, certes un peu bancale, mais qui a le mérite d’exister.
Notes
1 Armée arabe syrienne.
2 Coalition articulée autour d’an-Nusrah li-Ahl ach-Chām (Front Al-Nosra), le bras armé d’Al-Qaïda en Syrie. Se compose, pour être complet, de : Ahrār ach-Chām (Mouvement islamique des hommes libres du Cham), Jund al-Aqsa (Les soldats de Jérusalem), Liwāʾ al-Haqq, Jayš al-Sunna, Ajnad ach-Chām et de la Légion de Cham.
3 Chargé de cours à l’Université de la Réunion. Il est l’auteur de cinq ouvrages, dont Aux origines du conflit israélo-arabe, L’invisible remords de l’Occident, L’Harmattan, 2002.
4 Adoptée en novembre 1950
5 Conseiller pour les questions humanitaires en Syrie près l’ONU.