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Trump invité à Astana ! Une idée (intéressée) de… Erdogan ?

Avant même d’être en poste, le président américain, Donald J. Trump, aura été invité par Moscou à participer aux négociations de paix sur la Syrie à Astana. Une excellente idée au demeurant, mais, sans doute soufflée par le président turc, Reccep Tayyip Erdoğan, à ses nouveaux amis russes. Mais aussitôt rejetée par les Iraniens…

Plusieurs sources ont prêté au ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, l’idée d’inviter Donald J. Trump à participer aux négociations de paix sur la Syrie, prévues pour le 23 janvier 2017 à Astana, capitale du Kazakhstan.

Techniquement parlant, l’offre tient parfaitement la route, c’est, en effet, l vendredi 20 janvier que Teflon Trump a prêté serment. Donc, le 23, rien ne l’empêche de faire de sa venue à Astana son premier geste fort de politique internationale…

Lors d’un point de presse, le17 janvier 2017, Lavrov a accueilli favorablement la volonté de Trump de donner la priorité à la lutte contre le terrorisme et à ses manifestations au Levant, et, du coup, souhaité que l’administration Trump ne perde pas de temps et accepte l’invitation de se joindre au Sommet d’Astana.

« A l’heure actuelle, nous préparons la rencontre d’Astana. Nous jugeons correct d’y inviter des représentants de l’ONU et de la nouvelle administration américaine, d’autant plus que la rencontre est fixée au 23 janvier », a déclaré Sergueï Lavrov au cours de sa conférence de presse.

« Nous estimons que la nouvelle administration pourrait accepter cette invitation en envoyant pour la représenter les experts du niveau qu’elle jugera nécessaire. Ce sera le premier contact officiel, pendant lequel on pourra entamer le dialogue sur la façon de rendre plus efficace la lutte contre le terrorisme en Syrie », a indiqué Lavrov. « Il est tout à fait réaliste de donner un souffle nouveau à ces mécanismes, d’autant plus que, contrairement à ce qui était le cas jusqu’à présent, la nouvelle administration des États-Unis, à en juger par ses déclarations, se propose de lutter contre le terrorisme d’une manière sérieuse », a ajouté le ministre.

Mais pourquoi une telle précipitation de la part d’un homme d’ordinaire aussi cauteleux que Lavrov ?

Au-delà des spéculations autour de « supposés accords » passés entre Poutine et Trump, certains commentateurs évoquent en filigrane le rôle d’Ankara.

Où est-on de la situation en Syrie ?

Les choses bougent indéniablement. Ainsi, pour la première fois, des appareils russes et turcs – respectivement, 4 Su-24M Fencer, 4 Su-25SM3 Frogfoot et 1 Su-34 Fullback, côté russe, et 4 F-16C/D Falcon et 4 F-4E Phantom II, côté turc – ont conduit leur première mission conjointe près d’Al-Bab dans la province d’Alep.

Bien que la trêve entrée en vigueur le 19 décembre 2016 soit malmenée par les terroristes qui font (et feront tout) pour la faire capoter, les pourparlers auront bien lieu.

Or, à l’orée du Sommet d’Astana, la partie turque n’est pas au mieux de sa forme diplomatiquement parlant, se sentant :

1- plutôt affaiblie par la série de revers géostratégiques subis ces derniers temps en Syrie ;

2- plutôt seule autour de la table de négociations. Même Riyad aurait l’intention d’y faire les yeux doux à Moscou et s’y rendra sans se soucier des desiderata de la Turquie.

Certaines sources ont pu relever l’insistance d’Ankara pour que Washington soit aussi présent aux pourparlers d’Astana, où, croient les Turcs, la balance tend, en raison du poids de Moscou et de Téhéran, plutôt à pencher en faveur du camp pro-Assad.

D’où l’idée du président turc, Reccep Tayyip Erdoğan, et de son ministre turc des Affaires étrangère, Mevlüt Çavuşoğlu, d’ajouter un couvert : celui de Donald J. Trump, dont ils supposent qu’ils sera moins enclin que Poutine et Lavrov à faire la part belle aux revendications de Bachar el-Assad. Une présence US qui devrait, aussi, accaparer une partie du temps des Séoudiens, on ne cours jamais aussi bien deux lièvres qu’un seul !

Cette insistance se fait en dépit de certaines réticences à Washington, où Obama se retirant, les équipes du US Department of State sans ligne directrice affirmée se montrent assez peu enthousiastes à se plonger aussi vite dans le bain syrien.

Par là, Ankara entend aussi restaurer, via cette manœuvre, ses relations nettement distendues ces derniers temps avec Washington. Au fond, être là pour tenir la main diplomatiquement aux diplomates US, voire à Trump lui-même : quelle occasion de renouer avec une Amérique débarrassée du pusillanime Obama et du roué Kerry ?

Autre raison qui expliquerait l’obstination turque à voir les représentants des USA à la table des négociations serait le souci que se fait la Turquie pour ses relations avec la nébuleuse nazislamiste dont Ankara ressent de plus en plus les coups sur son propre sol. Erdoğan aimerait faire comprendre aux terroristes takfirî de tous poils qu’il a soutenus depuis six ans qu’il n’a pas tant que cela changé son fusil d’épaule et qu’il n’a pas quitté le camp d’un Occident acheté par les sponsors du terrorisme pour celui des Iraniens et des Russes.

En fait, à Astana, Erdoğan tentera d’y mener un difficile jeu à trois bandes.

1- d’un côté, Ankara se dit garant de l’application d’une trêve qui, in fine, ne fait pas tant son affaire que ça et, en l’absence des Américains, devra y donner des signes de sa bonne volonté aux Russes et aux Iraniens.

2- un officier supérieur syrien impliqué dans les négociations dans le cadre de la trêve a été tué par des snipers, de, nous dit-on, Jabhat an-Nusrah li-Ahl ach-Chām1 ; Mais, rien n’est moins sûr et cet assassinat, on ne prête qu’aux riches, fait planer des doutes sur la réelle volonté d’Ankara de mettre un terme à la crise syrienne. Se retrouver face aux seuls Russes et Iraniens n’est pas le meilleur scenario pour les diplomates de la Sublime porte.

3- Erdoğan de continuer ses opérations militaires en s’appuyant sur ses propres troupes de la Türk Kara Kuvvetleri2 et ses (nouveaux) proxies de l’ASL. Là encore, aborder le sujet face au seul binôme irano-russe pourrait s’avérer délicat. Et, la présence d’une tierce partie (les États-Unis) moins à même de s’offusquer de la via factis turque pourrait aider Ankara à ne pas se retrouver trop isolé.

En fait, Ankara est inquiet du piège, initialement tendu à Damas, et dans lequel la Turquie a fini elle-même par tomber : l’émergence d’un État kurde à ses frontières sud. État peuplé, d’abord, de kurdes syriens puis, plus tard, de Kurdes turcs.

D’où sans doute cette idée d’avoir les Américains sous la main pour :

1- savoir ce que la nouvelle équipe a dans la tête :

2- tenter de les influencer.

À noter que l’Iran, principal soutien régional du régime syrien, s’est dit « hostile » à la présence des États-Unis à Astana.

« Nous sommes hostiles à leur présence [les États-Unis] et nous ne les avons pas invités », a déclaré le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, cité par l’agence Tasnim. « A ce stade, il faut garder le cadre tripartite, tout élargissement peut augmenter les risques d’échecs. Notre politique n’est pas d’ajouter d’autres pays à ce stade », a précisé, de son côté, le porte-parole de la diplomatie iranienne, Bahram Ghassemi, dont le pays parraine ces pourparlers avec la Russie et la Turquie.

Un contre deux ! Alors : les Américains ce lundi à Astana ?

Notes

1 Ou Front pour la victoire du peuple du Levant, ou de manière abrégée Front al-Nosra.
2 Ou Forces terrestres turques.

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