Rappelez-vous le coup lépreux de Timisoara en 1989. Les plus jeunes de mes lecteurs liront Wikipédia. J’avais vingt-sept ans, ça m’a bien écœuré cette fin du communisme. On déterre quelques cadavres d’un cimetière ; puis on raconte 24h sur 24 que Ceausescu et sa femme ont personnellement massacré quinze mille Roumains qu’ils auraient laissés les entrailles à l’air libre.

Tout le monde gobe tout. Après on découvre que c’est faux mais on s’en fout, comme l’opinion hébétée. Comme dit Bloy, le bourgeois (homme de la Fin des Temps) avale tout, même la merde. C’est comme dans le film Gone girl de David Fincher. On gobe n’importe quel storytelling car comme dit la journaliste je vais où va l’histoire. Plus le storytelling débecte, plus le gros public accroche.

Rappelez-vous le Koweït en 1991. On découvre que les soldats irakiens surgissent dans les hôpitaux et mettent à mort 500 bébés koweïtis (ou 300 millions, je ne sais plus). Une infirmière témoigne en chialant, et c’est la fille de l’ambassadeur koweïti qui vient bouffonner en racontant des âneries. La petite chipie éplorée étudiait le théâtre et voulait travailler à Hollywood.

On découvre le pot aux roses et on s’en fout. Les guerres d’Irak ont fait pourtant trois millions de morts et de déplacés.

Cela me rappelle ce que disait Marx : dans le monde capitaliste et bourgeois, le crédit a remplacé le credo. La foi chrétienne évanouie, toute référence à la vérité a fichu le camp. On fait crédit à Reuters et aux journaux, et n’importe quel prétexte suffit pour déclencher la guerre du capital : les atrocités russes, les atrocités syriennes, les atrocités du Kaiser, les atrocités des Boers (parqués en famille dans les camps, merci John Bull !), les atrocités espagnoles, les atrocités… Elles défilent à la vitesse du bandeau devant l’humanité avachie par la presse et le spectacle de marionnettes décrit par Platon il y a vingt-cinq siècles et industrialisé depuis (République, 514b).

Les armes chimiques de la Syrie : elles aussi en auront causé des morts ! On en fait beaucoup de bruit pendant trois heures (Voltaire, dans Candide XXX), on dévaste un pays, puis on oublie. Quand les USA ont attaqué l’Espagne pour lui voler Cuba et les Philippine, ils ont inventé la bombe dans l’USS Maine posée par les espagnols. C’était un accident…

On gobe n’importe quoi, on ne vérifie rien, on justifie tout. Jacques Merlino (voyez mon texte sur fr.sputniknews.com) s’est révolté lui, ce qui arrive parfois à une journaliste-système (Arnett de CNN). Il montra que les viols des Serbes étaient une invention basée sur trente témoignages. Le reste était du vent recyclé pour écraser la Serbie et relancer l’OTAN et sa guerre mondiale interminable. Bill Bonner a expliqué qu’il est important pour les Etats-Unis, pour les Maîtres du Monde, de bombarder du terroriste (quoique…), mais surtout les ennemis des terroristes. Il ne faut surtout pas que cette guerre puisse prendre fin.

Si la guerre contre la Russie cessait ! Si la guerre contre la Syrie cessait ! Si la guerre contre le terrorisme cessait ! Rendez-vous compte enfin, que deviendraient les Barbie de la télé, leurs experts, les soldats de plomb de l’Otan, que ferait la police anti-terroriste ?

Donc en rester à la loi de Charles Beard :

La guerre sera perpétuelle pour que la paix soit perpétuelle.

Les experts. On y revient. Debord dans ses Commentaires :

« L’incertitude grandit, à tout propos, quand l’imposture générale du spectacle s’enrichit d’une possibilité de recours à mille impostures particulières. Un crime inexpliqué peut aussi être dit suicide, en prison comme ailleurs ; et la dissolution de la logique permet des enquêtes et des procès qui décollent verticalement dans le déraisonnable, et qui sont fréquemment faussés dès l’origine par d’extravagantes autopsies, que pratiquent de singuliers experts. »

Il ajoutait aussi Debord que la situation actuelle est pire que la stalinienne :

« … malgré les complicités de toutes sortes qu’il a pu trouver hors des frontières de son empire, il restait une vaste zone du monde inaccessible à sa police, où l’on riait de ses impostures. Le spectaculaire intégré a fait mieux, avec de très nouveaux procédés, et en opérant cette fois mondialement.

L’ineptie qui se fait respecter partout, il n’est plus permis d’en rire ; en tout cas il est devenu impossible de faire savoir qu’on en rit ».

En effet il n’est plus possible de rire des larmes chimiques. Vous êtes taxé de théoricien de la conspiration, on vous asperge au Decodex, on vous surtaxe un peu plus en attendant de vous envoyer à Guantanamo écouter CNN et France 24 en boucle toute la journée.