Macron prétend amener en politique de nouveaux visages. Pour ne changer que les apparences, on peut lui faire confiance. Mais quel est son projet ?
En contournant au mieux les vestiges de la droite et de la gauche institutionnels, Macron veut faire passer la caste oligarchique à la domination en régie directe sur la France. Il s’agit donc de mettre au pouvoir directement les hommes de la caste financière, atlantiste, mondialiste, alignée sur Bruxelles, qui dirige notre pays depuis 1983.
En court-circuitant une classe politique disqualifiée, le projet Macron est le projet bobo d’une société toujours plus « cool » dans le discours, mais toujours plus violente à l’égard des victimes de la mondialisation. C’est le projet Terra Nova, de longue date préparé, et qui trouve, enfin, grâce à la décrépitude du hollandisme, une fenêtre de tir pour s’imposer de manière totalitaire.
Les chaines seront dorées, mais d’autant plus soudées. « Il y a une chose pire encore que l’infamie des chaînes, c’est de ne plus en sentir le poids », écrivait Gérard Bauër. Emblématique des hommes gravitant autour de Macron est Daniel Cohn-Bendit, le créateur du libéralisme-libertaire, l’auteur du Grand Bazar. Dommage : Richard Descoings, autre intéressant spécimen de la post-modernité, n’est plus là pour illustrer l’état d’esprit macronien, qu’il avait si parfaitement préfiguré par ses orientations pédagogiques et politiques, et par son intolérance vis-à-vis de tous les rebelles à la mondialisation et à la pensée unique.
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Parmi les macroniens, on trouve aussi d’anciens gauchistes, des ex trotskistes en général. Ce n’est évidemment pas la critique de la marchandise qui les anime, mais leur vieille obsession d’en finir avec les identités de tous les peuples. Entre l’individu et l’humanité, rien ne doit s’interposer, aucune médiation. Les peuples n’existent pas. Macron parle d’ailleurs de « peuple de France », pas de peuple français. Pour les macroniens, « peuple de France » est du reste encore trop. Il y a pour eux, en France, avant tout des « gens ». Tout ce qu’on demande à ces gens, c’est d’être éco-responsables, branchés, de refuser les « crispations » identitaires, le « repli frileux » sur soi. Il s’agit d’être « ouvert sur l’ouverture ».
« Comment pouvez-vous voter Marine Le Pen dans un pays où il y a tant de cimetières de 14-18 », osent dire les macroniens. Ah bon, Marine Le Pen veut donc annexer la Sarre, la rive gauche du Rhin, comme en 1920 ? Et les macroniens se prétendent gens sérieux ! Ils caricaturent le patriotisme, le légitime souci de pérennité nationale en nationalisme agressif.
Les gauchistes reconvertis, désormais négateurs de la diversité des peuples, sont en tout cas parfaitement en phase avec les autres libéraux, mondialistes et adeptes de la religion du profit qui soutiennent Macron. Les gauchistes anti-staliniens sont devenus anti russes : c’est la perspective d’un monde multipolaire qu’ils ne supportaient pas. Du gauchisme, ils ont gardé le pire, et ont oublié le rejet de la domination de l’argent. C’est la « queue d’extrême gauche de la bourgeoisie », comme disait très bien Engels. Et les voilà derrière Macron (à côté – qui l’eut cru ? – des descendants de leurs anciens ennemis communistes, Robert Hue et Pierre Laurent).
A l’élitisme républicain à l’école, ils opposent une école au rabais, dans laquelle, depuis longtemps, la lecture des journaux de la caste médiatique a remplacé la culture générale, « discriminatoire ». A l’égalité, les démagogues pédagogistes, macronisés comme des poisons dans l’eau, opposent la diversité, pourvu qu’elle soit réduite à ses signes extérieurs. A la fraternité, ils opposent la lutte contre les discriminations, et même la discrimination positive, c’est-à-dire la détestation du peuple et de son sens traditionnel de l’effort. Au sérieux, au goût du travail bien fait, ils opposent le clinquant, le milieu de la publicité, les « communicants ». Ils ne produisent aucune richesse, mais savent piller les richesses des autres. Ils mondialisent à tout va. Ils poussent aux grandes migrations. Ils font l’éloge de la « mobilité ». Leur idéal, ce sont les gens « qui bougent ». Mais la mobilité subie n’est que du déracinement. Ou de la déportation. Macron dit aux ouvriers qui perdent leur travail qu’il va les aider à retrouver un « job ». Du reste, si ces travailleurs avaient un peu d’ambition, que diable, ils auraient cherché depuis longtemps à devenir milliardaires. On a rarement vu tel mépris de classe. Un trader ne peut comprendre un travailleur. Ils n’ont tout simplement aucune valeur en commun.
Macron ? Son ami, c’est la finance. Qu’il soit avant tout un produit marketing du Capital, en tout cas son instrument, c’est certain. « Un putsch du CAC 40 », a dit Aude Lancelin. Reste que les macroniens ont un projet précis d’accentuation de la déconstruction de notre nation, de liquidation de sa souveraineté, de bradage de nos dernières libertés, et de liquidation de notre civilisation. Attention : il y a hold-up sur la démocratie. Ceux qui croient que Marine Le Pen en sera la seule victime se trompent du tout au tout.
Article paru sur bvoltaire et remanié pour voxnr le 29 avril 2017