Des élections peuvent se passer de deux manières : dans la dignité ou dans la boue. Le cru 2017 en aura écœuré plus d’un. Tant la peur de perdre – pl us ses prébendes que de simples voix, à l’évidence – aura été tenace pour certains, la boue aura tout envahi, tout sali ? RetEx sur une semaine où rien ne nous aura été épargné.
« …Entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi ; et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé ; avec tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses ; avec les huit mille Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l’un des nôtres. Entre, avec le peuple né de l’ombre et disparu avec elle – nos frères dans l’ordre de la Nuit… ».
André Malraux, Discours du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon, 19 décembre 1964.
Que vous inspire cette élection ?
Jacques Borde. Quelque part, beaucoup de lassitude et quelques bouffées de colère et de honte.
Faute d’arguments solides, certains ont décidé de faire les poubelles de l’Histoire, sans se rendre compte que pour donner des leçons de probité, il faut, de son côté, avoir les mains propres et une vision honnête et moins biaisée de l’Histoire.
À quoi faites-vous allusion ?.
Jacques Borde. À toute une série de dérapages qui me font dire que la classe politique est tombée bien bas, happée par la peur du vide de perdre ses prébendes et ses combines. Et, qui sait de devoir rendre des comptes à un moment donné. Quelque part, faire des risettes à des agents dormants des filiales les plus troubles du Jamiat al-Ikhwan al-Muslimin1, c’est aussi s’approcher dangereusement de l’intelligence avec l’ennemi…
Et où certains font-ils les les poubelles de l’Histoire ?
Jacques Borde. (Soupir) Où ils peuvent ! Accuser le FN d’être lié à… l’Attentat du Petit Clamart est d’une uchronie insupportable mais qui en dit long sur le bagage historique ce deux qui y font référence. Rappelons simplement que :
1- L’Attentat du Petit-Clamart2, est l’action du groupe dit OAS-Métropole/OAS-CNR dirigé par le lieutenant-colonel Bastien-Thiry, qui visait à assassiner le général de Gaulle, alors chef de l’État, le 22 août 1962.
2- Le Front national pour l’unité française (FNUF, ou son acronyme raccourci par commodité dès l’origine, FN) est lancé le 5 octobre 1972, lors d’une réunion Salle des horticulteurs à Paris. La constitution légale du parti date, elle, du 27 octobre 1972, jour du dépôt légal à la Préfecture de Paris de ses statuts qui entérinent la nomination de Jean-Marie Le Pen, ancien député poujadiste, comme président dudit FN par Ordre nouveau (ON), sa principale instance constitutive.
Donc n’en déplaise à Emmanuel Macron et à son staff : dix ans séparent l’Attentat du Petit Clamart de la création du FN !
Vous savez bien que ce dont on parle c’est de la filiation entre les idées du FN et celles des partisans de l’Algérie française. Voire pire ?
Jacques Borde. Oui, évidemment. Sauf que nous ne sommes plus, là, dans les années 60. Et que le FN, bien qu’il comptât des partisans de cette Algérie Françaises n’en fera pas un des fondamentaux du FN. Quant à d’autres accusation encore plus absurde :
1- la 2ème Guerre mondiale s’arrête en 1945 !
2- le Reich hitlérien a disparu, aussi, à cette date.
Donc, là, 27 ans séparent le FN de la disparition de l’Allemagne nazie…
Et, au niveau des cadres ?
Jacques Borde. Oui, il y eut au FN des cadres passés par la collaboration. Et Bousquet ? Un accordéoniste sans doute ? Il avait ses entrées à l’Élysée. Ce malgré un passé plutôt pesant :
1- secrétaire général de la police du régime de Vichy, sous le gouvernement du traître Pierre Laval, du 18 avril 1942 au 31 décembre 1943.
2- organisateur de la Rafle du Vél’d’Hiv (juillet 1942), où plus de 13.000 Juifs sont arrêtés par la police française pour être remis aux autorités d’occupation.
3- dirige également la police française aux côtés de l’occupant lors de la Rafle de Marseille, en janvier 1943.
Curieusement, lorsque Olivier Mazerolle demande (on se demande bien pourquoi) à Marine le Pen d’évoquer la Rafle du Vél’d’Hiv, il s’abstient d’évoquer celui avait l’amitié de François Mitterrand, icône de la gauche. Alors, désolé, cette affaire, c’est un peu celle de l’arroseur arrosé.
Que voulez-vous dire ?
Jacques Borde. Au-delà des dates, il tout de même fallu attendre l’arrivée de la gauche aux affaires en 1981 pour voir accéder à la magistrature suprême quelqu’un qui, sous Vichy, a été décoré de la Francisque.
Collaboration, nous dit-on ! Sauf que le FN a compté dans ses rangs de très nombreux Résistants et déportés. Quelques noms, si vous le voulez bien :
– Rolande Birgy, ancienne de la JOC (1928), membre du Sillon catholique (1930), de la CFTC (1929) et du MRP (1945), résistante (Réseau Valette d’Osia), Croix du Combattant volontaire de la Résistance, titre de Juste parmi les Nations décerné par l’État d’Israël, en 1984).
– Jean-Charles Bloch, Croix de Guerre, Président du Comité des Français Juifs.
– Roger Bloch (Var), commerçant (ER), Croix du combattant 1939-1945, médaille des opérations de sécurité en Algérie, Reconnaissance de la Nation pour faits exceptionnels.
– Claude Brabant (Cher), ancien combattant, réfractaire au STO, évadé de France (1943), .
– Jean-Louis de Camaret (Vaucluse), Médaille militaire, Croix de Guerre 39-45 avec citations, Croix du Combattant volontaire de la Résistance, ancien membre des réseaux de la France combattante et des FFI.
– Robert Hemmerdinger, médaillé de la Résistance, médaille de la France Libre, Croix de guerre, Président du Comité National des Français Juifs, Commandeur de la Légion d’honneur, Grand officier de l’ordre national du Mérite.
Mais, Macron et la gauche ne font que commémorer ?
Jacques Borde. Oui. Mais d’une bien curieuse manière ! J’y vois là l’exploitation biaisée et malhonnête de la Mémoire. Combien de visite à Oradour dans tout le quinquennat d’une gauche officielle aux racines douteuses ? Je trouve donc ces compassions surfaites un peu trop people, un peu trop sélectives. Et pourquoi entre ces deux tours ? À moins qu’il s’agisse, quelque-part de ne pas s’aliéner un vote communautariste (sic) né sur les bancs de l’UOIF…
De quoi parlez-vous ?
Jacques Borde. De l’hommage de la gauche étatique à Brahim Bourram, victime de Skins, au cours d’un défilé du 1er mai du FN. D’où ils avaient été exclus manu militari par le DPS mais pas interpellés pour autant par la police…
Je note que le ministre de l’Intérieur, Mathias Fekl, a, à juste raison, relevé que les terroristes urbains du 1er mai 2017, n’ont rien à voir avec les manifestants, syndicalistes et autres. Alors quel rapport entre Brahim Bourram et le FN ?
Mais, si le sens de l’hommage est si évident, pour les hommes politiques présents à cette occasion, je m’interroge sur le peu d’intérêt que suscite d’autres morts, beaucoup plus nombreux, hélas… mais, apparemment, moins dignes de compassion…
Des commémorations sélectives, vous voulez dire ?
Jacques Borde. Oui, tout à fait ! Un peu trop non ? Mais, de manière hallucinante et inexplicable, où sont passées les victimes de la terreur takfirî ?
– Ilan Halimi, assassiné après un martyre de 3 semaines parce que juif et seulement parce que juif (2006) ;
– Montauban et Toulouse en 2012, 7 morts dont 3 soldats puis 3 enfants et un instituteur juifs assassinés, parce que juifs et seulement juifs, par Mohamed Merah ;
– 7 janvier 2015, attentat contre Charlie Hebdo, 17 morts ;
– 8 janvier 2015, assassinat d’une policière municipale ;
– 9 janvier 2015, l’Hypercacher : 4 morts assassinés parce que juifs et seulement parce que juifs ;
– 20 juin 2015, un homme décapité dans l’Isère, crime revendiqué par Al-Dawla al Islāmiyya fi al-Irāq wa al-Chām (DA’ECH)3 ;
– 13 novembre 2015 au Bataclan de Paris, revendiqué par DA’ECH : 130 morts, 413 blessés dont une centaine en état d’urgence absolue, qui garderont des séquelles ineffaçables pour le reste de leurs vies ;
– 13 juin 2016, couple de policiers égorgés à Magnanville, laissant deux jeunes enfants dont l’un a assisté au supplice de sa mère ;
– 14 juillet 2016 : ceux de l’attentat avec camion de Nice, revendiqué par DA’ECH : 86 morts et 434 blessés ;
– 26 juillet 2016, décapitation du prêtre dans son église de Saint-Étienne-du-Rouvray (76), revendiqué par DA’ECH ;
– 20 avril 2017, policier tué sur les Champs-Élysées, deux autres blessés et une touriste allemande, revendiqué par DA’ECH ;
Et qui sait demain ce CRS qui lutte entre la vie et la mort, attaqué à l’engin incendiaire par des miliciens d’ultra-gauche antisémites, alliés objectifs de DA’ECH !
Et, à vos yeux ces choix sont révélateurs ?
Jacques Borde. Ils sont pour le moins inquiétants.
Ces centaines de morts et de blessés sont donc moins importants que Brahim Bourram, parce que ceux qui l’instrumentalisent s’imaginent que le symbole et le parti qu’il espèrent en tirer, est plus important que les faits eux-mêmes.
Nos récupérateurs de symboles, comme à Oradour-sur-Glane, ou à propos de la Rafle du Vél’d’Hiv, sont indignes, ne serait-ce que pour la façon dont sont détournés ces événements épouvantables, alors même que parmi les complices et responsables des drames de ces temps de pénombre dont nous ont arraché le générale de Gaulle et « Jean Moulin », et « son terrible cortège », on retrouve ceux qui :
1- ont voté les pleins pouvoirs à Pétain et appartenaient à la majorité SFIO au pouvoir ;
2- siégeaient à Vichy et étaient, numériquement, plus Socialistes ou socialisants que de droite.
Dimanche prochain, nos compatriotes jugeront sur le fond. Alors s’ils doivent se souvenir qu’ils le fassent en ayant en mémoire de ce qui s’est vraiment passé.
Notes
1 Ou Association de la Confrérie des musulmans, autrement dit les Frères musulmans (FM).
2 Désigné par ses auteurs sous le nom d’Opération Charlotte Corday.
3 Ou ÉIIL pour Émirat islamique en Irak & au Levant.