Le Roi est mort ! Vive le Roi a-t-on envie de dire. C’est peu de le dire : la passation du relais entre François Hollande & Emmanuel Macron, s’est faite avec la même emphase & la pompe médiatique que la Kermesse héroïque de la Pyramide du Louvre. Mais fêter sa victoire, par ailleurs de plus en plus contestée sur les réseaux sociaux, ne veut pas dire l’asseoir dans la durée. C’est donc au pied du mur qu’on jugera le Macron… 1ère Partie.
Q. Que vous inspire l’élection d’Emmanuel Macron ?
Jacques Borde. Rien de bien précis pour l’instant. C’est au pied du mur qu’on voit le maçon. J’attends donc pour me faire une idée plus précise. Apparemment, accoucher d’un gouvernement n’a pas été aussi facile que l’ont cru nos gazetiers. Mais, l’administration Macron prenant ses marques semble, d’entrée, plus solide que celles égrainées tout au long du mandat Hollande.
Q. Alors, que vous inspire son programme ?
Jacques Borde. (Soupir) Pas grand-chose non plus, à vrai dire. Selon l’aphorisme de ce cher Edgard Faure, repris par Charles Pasqua, Les promesses n’engagent que ceux à qui elles sont faites !, je me garderai bien d’en déduire quoi que ce soit.
Ce qui, quelque part, commencerait plutôt à me rassurer, c’est que président élu, Emmanuel Macron, semble, à peine posé dans les ors élyséens, verser plus dans la normalité que dans la transgression.
Q. Que voulez-vous dire par là ?
Jacques Borde. Que son parti En Marche fait dans le très classique pour le moment :
1- arrangement entre amis, que ce soit avec les Républicains, le MODEM (ou, à titre personnel, Manuel Valls) ;
2- parachutages en série ;
3- apparition de sa belle-fille en suppléante surprise ;
4- et last but not least, Premier ministre pur produit du système. Notamment connu de ses petits camarades députés pour son absentéisme et ses rares propositions. La vraie question le concernant étant : Édouard Philippe passera-t-il le banc d’épreuves des législatives ?
Sans parler d’une foultitude de vieilles barbes remontant des profondeurs du marigot. Les éléphants du PS, mutans mutandis, ont tout pour être désormais les hippopotames d’En Marche. Partageant cet insigne honneur avec d’autres gloires de l’UMP. Pardon des Républicains…
Du Ve République pur jus. Bon pour les choses sérieuses, comme l’a dit une de mes amis sur la Toile : « On va voir si le budget de la Défense augmente ou si on est juste dans la com ».
Effectivement…
Q. Je ne vous sens pas très emballé ?
Jacques Borde. Lorsqu’on parle des questions de Défense, justement, rappelons que nos propres capacités d’équipements reposent beaucoup sur nos capacités d’exportation. Or, des rumeurs nous arrivent de Nouvelle-Dehli quant à une éventuelle remise en cause du contrat des Rafale indiens. Pas très heureux comme départ si cela devait se confirmer.
Heureusement, il y a nos petits camarades de DCNS qui, eux, engrangent de vrais contrats avec une régularité de métronome.
Q. Un mauvais départ pour l’administration Macron ?
Jacques Borde. N’allons pas trop vite. Il s’agit, avant tout de rumeurs. Donc, restons prudents.
Côté positif, le patron de Dassault, Éric Trappier, d’affirmer, lors d’un entretien accordé à nos confrères de Sud-Ouest, que Dassault pourrait conclure cette année deux ventes majeures en Asie. Mais, pas si vite que ça, en fait.
« Après le contrat signé en Inde, portant sur la livraison de 36 avions Rafale, et la commande de 24 de ces appareils par l’Égypte et de 24 autres par le Qatar, nous devrions bientôt conclure un quatrième contrat à l’étranger, mais ce sera plutôt pour 2018 » a, en effet, déclaré le pdg de l’avionneur, présent à Mérignac (Gironde) pour les 80 ans de la Base aérienne militaire 106.
Petite parenthèse à laquelle vous ne couperez pas à propos de la 106 : c’est depuis l’aérodrome de Bordeaux-Mérignac que le Général de Gaulle quitta la France le 17 juin 1940, pour l’Angleterre en compagnie de son aide de camp, le lieutenant Geoffroy de Courcel, ce à bord d’un appareil de la Royal Air Force (RAF). L’aéronef était celui du brigadier-général Edward L. Spears, représentant personnel en France de Winston Churchill.
Q. Auprès de qui ces futures ventes ?
Jacques Borde. D’abord, la Malaisie, puis l’Inde.
« Nous sommes notamment en négociation avec la Malaisie pour 18 avions, mais aussi avec l’Inde pour un deuxième contrat pour 36 Rafale supplémentaires. Les besoins en Inde sont immenses. Ainsi pour la Marine il est question de 57 avions (…). L’Asie sera stratégique pour nous dans les années à venir, et en particulier l’Inde »1 a affirmé le pdg de Dassault.
Q. Qu’en pensez-vous ?
Jacques Borde. Avec les Indiens, on ne sait jamais trop où on en est ! Certes, les besoins confondus tant de la Bhāratīya Nau Sēnā (marine indienne) que de la Bhāratīya Vayu Sēnā (armée de l’Air) sont énormes, mais la concurrence est aussi féroce entre :
1- le F/A-18E/F Super Hornet ;
2- une version dédiée du Lockheed Martin F-16 Fighting Falcon Block 702 ;
3- la version navalisée du JAS 39 Gripen, la bataille va être rude !
Je pense qu’à tout prendre, le contrat le plus assuré pourrait bien être celui de la Tentera Udara DiRaja Malaysia (TUDM)3. Mais même là, ne mettons pas la charrue avant les bœufs…
Q. Pourquoi donc ?
Jacques Borde. Parce que les Malaisiens ont, en cette affaire-là, exprimé des besoins précis. Ce que l’on appelle le MRCA Replacement program portait initialement sur le rééquipement de trois squadrons, avec entre 36 à 40 appareils. Le tout entrant dans un budget de 3 à 6 Md de Ringgit (de 1,84 Md$US à 2,46 Md$US). Même si Kuala Lumpur a quelque peu revu ses ambitions à la baisse, avec le Rafale, nous serions loin du compte, en terme de nombre d’appareils.
Q. Et qui voyez-vous au final ?
Jacques Borde. Les Malaisiens ont limité leur short list aux appareils occidentaux : Eurofighter Typhoon, Dassault Rafale, F/A-18E/F Super Hornet et Saab JAS 39 Gripen. Or, en terme de rabais, je n’en vois que deux qui pourraient faire l’effort nécessaire :
1- Boeing dont le F/A-18E/F Super Hornet, est, certes, relativement cher, mais qui pourrait faire un gros effort pour rafler la mise. Ces ventes au rabais (sic) permettant de ne pas fermer les chaînes de montage pour sortir un appareil amorti depuis des années ;
2- Saab, qui avec son JAS 39 Gripen, a déjà grillé la politesse à des concurrents à plusieurs reprises. En faisant des offre fermes et en assurant des livraisons en temps et en heure.
Q. S’il y a des perspectives assurées quant à nos ventes d’armes, en revanche, au plan opérationnel, la situation de notre parc d’hélicoptères est indiscutablement alarmante ?
Jacques Borde. Je confirme ! Je vois que vous avez lu le papier de notre excellent confrère Michel Cabirol. Oui, en effet, ce dernier parle de « la très médiocre disponibilité des flottes d’hélicoptères militaires français – Alouette III, Gazelle, Fennec, Tigre, Cougar, Puma, EC 725 Caracal, Dauphin, Lynx, NH90 NFH (version marine), NH 90 TTH (version terrestre) »4.
Une analyse que partagent, c’est à noter, tant des élus de droite que de gauche.
Ainsi, pour le député Les Républicains (LR), Philippe Vitel, « Seuls cent hélicoptères décollent au quotidien, pour un contrat opérationnel de 149 machines »5. Et si « L’aérocombat s’est imposé comme une capacité déterminante dans le succès des opérations, tant conventionnelles que spéciales, mais nos capacités en la matière sont limitées par la faible disponibilité de nos hélicoptères, résultat de défaillances dans l’organisation de leur maintien en condition opérationnelle »6, avait estimé en octobre 2016 le député (PS) François Lamy.
Q. À vous entendre, rien ne va ?
Jacques Borde. C’est un peu ça, hélas ! Jusqu’au flamboyant Tigre, dont la « disponibilité atteint péniblement 25,6% en 2016, après être tombée à 21,4% en 2015 pour un âge moyen de 5,5 ans à fin 2016 (59 appareils en service). C’est à peine croyable… Pourtant, le coût du MCO en crédits de paiement en faveur du Tigre s’est élevé à 88,6 millions d’euros en 2016. Soit en moyenne 1,5 million par appareil en 2016. Cher, très cher. Pour le Tigre, les visites périodiques devraient normalement durer 183 jours mais elles durent en réalité 383 en moyenne »7.
En fait, comme le souligne sans fard, Cabirol, « Il est temps de trouver des solutions pour améliorer significativement la disponibilité des hélicoptères de l’armée française. D’autant que le rôle des hélicoptères dans les opérations extérieures est de plus en plus important »8. Car, comme le répète le chef d’État-major de l’armée de Terre, le général Jean-Pierre Bosser, « aujourd’hui, sans hélicoptère, il n’y a pas d’opération »9.
Là, encore, le Macron est au pied du mur…
[à suivre]Notes
1 Air & Cosmos .
2 Le constructeur US étant prêt à consentir une usine d’assemblage sur le site de Bengalur, pour un contrat portant, rappelons-le, sur 200 appareils. Là encore c’est l’arrêt de nos chaînes de Mirage 2000 qui nous coûte cher, très cher…
3 ou Royal Malaysian Air Force, RMAF, soit Force aérienne royale de Malaisie.
4 La Tribune .
5 La Tribune .
6 La Tribune .
7 La Tribune .
8 La Tribune .
9 La Tribune .