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Ukraine : pour Kiev, le référendum dans l'Est est une « farce »
Pour le gouvernement ukrainien, le référendum d'autodétermination qui s'est tenu, dimanche 11 mai, dans les régions de Donetsk et Lougansk est nul et non avenu. Mais comment prétendre qu'il n'a pas existé ?
Le chef de l'administration présidentielle, Serguiï Pachynski, a dénoncé, dimanche, une consultation illégale, « une tentative sans suite de tueurs et de terroristes de couvrir leurs activités » par un voile de légitimité institutionnelle. M. Pachynski précisait que ceux qui ont dirigé ce vote seraient poursuivis en justice, ainsi que les officiels qui auraient « participé à cet acte criminel ». Lundi, le président par intérim, Olexandre Tourtchinov, évoquait « une farce sans aucune conséquence juridique ».
Kiev affirme que l'armée va poursuivre son « opération antiterroriste », de basse intensité, dans ces deux régions de l'Est. Mais nul n'espère mater la rébellion avant la présidentielle du 25 mai. Le nombre de morts civils qu'un tel mouvement impliquerait, le maigre capital politique dont le gouvernement intérimaire dispose et la menace d'une intervention de l'armée russe, toujours stationnée près de la frontière, rendent une solution militaire impossible.
Kiev se prépare donc à une phase de latence et à s'accommoder de l'existence d'une « république » sécessionniste au statut imprécis, dans les faits et dans l'idée que s'en font ses habitants — ceux qui ont participé au vote et les autres.
"Une table ronde avec les régions de l'Est"
Kiev espère que le scrutin du 25 mai permettra au pays de se doter d'un pouvoir légitime. Pourtant, la campagne électorale passionne peu les Ukrainiens et le scrutin risque de ne pas se tenir dans les deux régions de l'Est. Le 7 mai, Vladimir Poutine avait envisagé pour la première fois de reconnaître l'élection présidentielle. Il affirmait cependant qu'elle « ne résoudrait rien » si Kiev ne mettait pas un terme à ses opérations militaires pour engager un « dialogue » avec les séparatistes. Une exigence inacceptable pour Kiev.
M. Tourtchinov a affirmé samedi qu'il souhaitait une table ronde pour discuter avec des représentants des régions de l'Est, à l'exclusion des séparatistes armés. Qui pourrait s'y présenter ? « Ceux qui, à l'est, sont prêts à parler, n'ont aucun contrôle sur ceux qui tiennent les armes », résume Olexandre Souchko, directeur de recherche à l'Institut de coopération euro-atlantique de Kiev.
Or les députés locaux du Parti des régions, formation atomisée de l'ancien président Viktor Ianoukovitch, sont aux abonnés absents. Certains sont poursuivis par la justice, d'autres soupçonnés d'entretenir les troubles. Des élus régionaux et municipaux pourraient s'exprimer. Ils ont parlementé dans diverses localités avec les rebelles. Mais ces derniers n'ont pas été sensibles à leurs arguments, exigeant les registres électoraux et l'accès à divers lieux publics pour organiser le vote.
Le double jeu de Rinat Akhmetov
Enfin, le principal acteur économique de l'Est, l'oligarque Rinat Akhmetov, a provoqué de nouvelles sueurs froides à Kiev, samedi. Le groupe Metinvest (acier et mines), compagnie dont il détient la majorité des parts, a demandé à l'armée ukrainienne de cesser de combattre dans les villes, après des heurts violents à Marioupol. Il annonçait le déploiement dans cette cité portuaire, dès dimanche, d'une milice constituée d'ouvriers métallurgistes. L'oligarque s'était pourtant prononcé contre l'usage de la force et l'intervention militaire.
M. Pachynski a dénoncé « une provocation ». Une nouvelle fois, M. Akhmetov est soupçonné de double jeu, cherchant à conforter ses affaires en renforçant le détachement de la région vis-à-vis de Kiev.
Pour mobiliser les électeurs de l'Est, le gouvernement tente de donner des gages en matière de décentralisation. Il s'agirait de leur offrir une autonomie, notamment en matière budgétaire et politique. Les questions culturelles, linguistiques et de l'enseignement pourraient également être mises sur la table.
Kiev a lancé cette réflexion dès le début du mois d'avril. Il s'est prononcé en faveur d'un référendum national sur le sujet. Mais le pouvoir a du mal à se faire entendre. « C'est pourtant la seule réponse, avec des législatives anticipées à l'automne. Mais une réforme institutionnelle prendra deux ans au moins. Rien ne peut être fait en deux semaines », analyse Valeriy Tchalyi, directeur adjoint du centre d'analyse Razumkov. Sur le terrain, les séparatistes de Donetsk et de Louhansk, eux, ont déjà mis en musique le modèle « fédéraliste » défendu par Moscou, et perçu à Kiev comme une tentative de démembrement de l'Etat ukrainien.
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