Le congrès de l'Assemblée des départements de France (ADF), réuni à Pau, a confirmé que la partie d'échecs entre gouvernement et conseils généraux était en train de tourner à l'avantage des élus, Manuel Valls leur ayant répété jeudi que la suppression des conseils généraux n'était plus de saison.

Beaucoup de questions sur l'avenir des départements restent toutefois sans réponse, ont déploré les élus, au premier jour de ce congrès qui se tient dans une ambiance "un peu morose", a relevé Stéphane Troussel, président de la Seine-Saint-Denis.
Outre "les incertitudes" sur l'avenir de cette collectivité créée sous la Révolution française, un bouleversement politique pourrait sortir des élections départementales de mars, alors que la gauche est aujourd'hui majoritaire dans 60 des 101 départements. Le leader de la droite dans les départements, Bruno Sido (UMP), a souhaité "l'alternance dès le mois de mars prochain".
Le Premier ministre avait annoncé dans sa première déclaration de politique générale en avril "la suppression" des conseils généraux "à l'horizon 2020". Devant l'hostilité, y compris au sein de sa propre majorité (chez les radicaux de gauche notamment), il a promis en octobre le maintien de "la moitié au moins" des conseils généraux.
Manuel Valls n'a pas repris ce chiffre devant les élus. "Après 2020 (...), le cadre départemental pourra évoluer. Nous devons le faire sereinement, et par étapes".
Le président de l'ADF, Claudy Lebreton, lui avait sèchement répliqué par avance. "Personne ne sait aujourd'hui qui sera président de la République en 2017, quelle sera la majorité et le Premier ministre. Il n'est pas utile de parler de l'après-2020, sauf à vouloir tirer des plans sur la comète", a-t-il asséné dans un entretien à Sud-Ouest.
Entre-temps, les notables locaux, de gauche comme de droite, ont repris la main. La discussion du projet de loi sur les régions au Sénat en a été la démonstration.
Fidèle à son "discours de vérité", le Premier ministre a reconnu que "des hésitations, des annonces ont troublé", les imputant aux "contradictions au sein même" du PS. "Cela, a-t-il dit, a sans doute empêché qu'un projet clair soit proposé aux Français" en la matière.
- Il a 'un peu mangé son chapeau' -
Il s'est efforcé de "rassurer" des élus encore inquiets. La France a "besoin de cet échelon intermédiaire" qu'est le département, qui exerce "des compétences de proximité, de solidarité tout à fait essentielles", a déclaré Manuel Valls.
Tout y est passé: une collectivité qui investit "plus de 10 milliards d’euros" chaque année, "en première ligne pour assurer le maillage des services publics", "pilier des politiques de solidarité entre les âges", entre autres.
Manuel Valls a même lâché un peu de lest sur le plan financier, proposant notamment de "pérenniser le fonds de solidarité" créé pour soulager les budgets sociaux des départements, grâce au maintien du droit de relever à 4,5% les droits de mutation à titre onéreux (DMTO).
Il a "un peu mangé son chapeau", confiait le directeur général d'un département de l'ouest de la France. "Le rapport de forces a un peu changé", selon Stéphane Troussel.
Longuement et chaleureusement applaudi, M. Lebreton - à la tête des Côtes-d'Armor - a martelé que "le conseil général n'est pas une collectivité dépassée et du passé". Témoin, son action pour "développer le numérique partout sur les territoires". Pour M. Sido, le département "est synonyme d'efficacité, de proximité et surtout d'adaptabilité".
Poussés par des vents désormais plus favorables, les conseillers généraux, s'ils sont "d'accord pour que les régions pilotent les compétences stratégiques", veulent garder la responsabilité des collèges surtout, et des routes, promise aux régions. Mais Manuel Valls ne s'est pas aventuré sur ce terrain.
"A cinq mois des élections, une ligne claire doit être précisée", avait demandé le chef du groupe de gauche à l'ADF, André Viola (Aude). Sinon, "comment se porter candidat et défendre un projet cohérent?"