Une large majorité des personnes interrogées par l'Ifop pour EY et Acteurs publics se disent favorables à des réformes dans la fonction publique, mais restent attachées au statut et à la sécurité de l’emploi pour les fonctionnaires. Les sapeurs-pompiers, les personnels de santé et les militaires sont plébiscités.
Il était utile, avant de demander leur sentiment aux Français sur les pistes de réforme concernant le statut des fonctionnaires, de s’interroger sur la cote d’amour de chacune des trois fonctions publiques. C’est la fonction publique hospitalière qui recueille le plus d’avis positifs : 86 % des personnes interrogées par l’Ifop pour Acteurs publics et EY en ont une opinion positive (pour 22 % d’entre elles, elle est même “très bonne”), un taux qui descend à 60 % quand on évoque la fonction publique territoriale, et à 46 % lorsqu’il s’agit de la fonction publique d’État. Si les personnels des hôpitaux bénéficient d’une bonne image auprès de toutes les catégories de la population, ceux des collectivités locales suscitent des réactions plus contrastées : ainsi, 71 % des proches de la gauche ont une opinion favorable de la fonction publique territoriale, contre 49 % des sympathisants de droite seulement.

Quand bien même celle que l’on rattache à l’État figure comme la plus mal aimée des fonctions publiques, différentes professions qui en dépendent jouissent d’une très bonne image auprès des Français. C’est le cas des militaires ou encore des personnels pénitentiaires (84 %), des douaniers (81 %) ainsi que des policiers et gendarmes (78 %).
Attachement au statut de la fonction publique
Invités à donner leur avis sur différentes pistes de réforme concernant la fonction publique, les Français interrogés s’accordent très majoritairement sur quelques options qui permettraient de flexibiliser son organisation et ses rapports avec le reste de la société. Ainsi, 89 % adhèrent à l’idée d’un développement des passerelles entre la fonction publique et le privé. Dans une logique assez proche, 81 % soutiennent une simplification du recours aux contractuels. S’ils sont très majoritairement prêts à ces évolutions, les interviewés se montrent, dans le même temps, fréquemment attachés à certaines caractéristiques fondamentales de la fonction publique : maintien d’un statut particulier, du concours comme voie privilégiée de recrutement des agents.


Les réformes les plus radicales, ou les plus polémiques, sont parmi les moins soutenues par l’opinion, quand bien même on trouve systématiquement une majorité pour exprimer son adhésion. Il en va ainsi de l’idée de réserver le statut de la fonction publique aux missions régaliennes (64 % des interviewés sont d’accord avec cette proposition) ou encore de celle consistant à revenir sur la sécurité de l’emploi des fonctionnaires (60 % l’approuvent).
Au final, les Français expriment un attachement fort à la fonction publique, notamment quand ils parviennent à en identifier concrètement l’apport pour la collectivité (il en va ainsi des professions de la santé ou de la sécurité, très bien jugées), tout en appelant de leurs vœux des réformes allant dans le sens d’un rapprochement de la fonction publique avec le salariat privé, dans le respect de certains principes essentiels garantissant l’égalité d’accès à la fonction publique et la neutralité dans son action.


Damien Philippot,
directeur des études politiques au département “Opinion et stratégies d’entreprise” de l’Ifop
Sondage Acteurs publics/Ernst & Young réalisé par l’Ifop pour l’Observatoire des politiques publiques auprès d’un échantillon de 977 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas (sexe, âge, profession de l’interviewé) après stratification par région et catégorie d’agglomération. Les interviews ont eu lieu par questionnaire auto-administré en ligne (CAWI – Computer Assisted Web Interviewing) du 7 au 9 octobre 2014.
L’expertise d’EY
L’enjeu ne semble pas tant de supprimer le statut de la fonction publique que de l’adapter à l’évolution de ses missions.
L’État est le premier employeur du pays. Avec les collectivités et les établissements hospitaliers, on pourrait, par provocation, dire que la sphère publique est la première entreprise de France. Mais une entreprise qui poursuit un double objet social : celui, très mis en avant actuellement, de créer les conditions de la croissance par des politiques efficaces d’éducation, de logement, de sécurité, ou d’investissement… et celui, tout aussi essentiel, d’assurer un modèle social réduisant les inégalités et garantissant la cohésion sociale.
Pour accomplir ses missions, l’État dispose d’effectifs conséquents – 20 % des emplois – et de statuts spécifiques, dont la pertinence est régulièrement remise en question.
Notre Observatoire témoigne de l’attachement des Français à la fois au statut (68 % des personnes interrogées) et à la neutralité qu’il garantit, et de leur volonté de le voir évoluer en le réservant aux missions régaliennes (64 %), en l’ouvrant au privé (89 %) et en le modernisant.
De fait, l’enjeu ne semble pas tant de supprimer le statut de la fonction publique que de l’adapter à l’évolution de ses missions.
Alors que le gouvernement a lancé une nouvelle revue des missions, le premier défi consiste à doter les administrations d’une véritable politique de gestion des ressources humaines capable de conduire une analyse de l’adéquation entre ressources-compétences et missions, d’impulser les adaptations requises (formation, mobilité, recrutement) et de développer une véritable réflexion prospective autour des métiers de demain.
Le second défi consiste à améliorer les parcours – une priorité pour 85 % des sondés – pour passer d’une gestion d’effectifs à une gestion des carrières et des compétences. Il faut accompagner, par une gestion RH plus individualisée et par des formations régulières, les agents dans la construction progressive de compétences adaptées aux missions conduites, valorisant leur savoir-faire et garantissant leur performance. Il est ensuite indispensable d’assurer, grâce à la réduction des effectifs, des évolutions salariales encourageant l’engagement et la prise de responsabilité. L’accent doit enfin être mis sur la gestion de hauts potentiels formés dans les meilleures écoles de la République, mais qui quittent trop souvent prématurément le service public (gestion de vivier, diversité des parcours).
Le troisième défi – plus difficile à relever en période de faible croissance et de réduction des effectifs publics – consiste à décloisonner. Décloisonner en interne pour favoriser les passerelles entre les trois fonctions publiques et au sein même de chacune d’entre elles. Avec un chantier à la fois réglementaire et managérial : la diversité des expériences doit être davantage encouragée, et doit même conditionner l’accès à certains postes de responsabilité. Mais pour 89 % des personnes interrogées, la première réforme à engager porte sur le décloisonnement externe et le développement de passerelles public-privé. Tout en restant attachés au concours, les Français en appellent à une plus grande fluidité entre ces deux composantes essentielles de la société : un accès plus simple aux emplois publics « génériques » pour lesquels les compétences attendues sont identiques à celles des emplois privés, une capacité du public à recourir à des expertises pointues venues du privé, et plus encore, une plus grande interpénétration de ces deux sphères pour un enrichissement mutuel.
C’est une révolution des métiers qui doit s’engager. C’est par les femmes et les hommes que commence la modernisation de l’action publique.
Arnauld Bertrand, associé EY responsable des activités secteur public
Arnaud Lize, directeur EY en charge de l’offre de services RH publiques