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L'état inquiétant du réseau ferré francilien
Un rapport interne à la SNCF pointe un niveau de sécurité très défaillant dans le secteur de Paris Nord.
Le réseau ferroviaire de Brétigny-sur-Orge (Essonne) était «dans un état de délabrement jamais vu ailleurs», selon l'expression des experts judiciaires mandatés par les juges d'instruction en charge de l'affaire (Le Figarodu 7 juillet). Ces spécialistes chevronnés et indépendants relevaient aussi des problèmes de sécurité à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis). Mediapart enfonce le clou. Le site d'information a dévoilé vendredi un audit interne de la SNCF réalisé fin 2012 sur le secteur Paris Nord, une zone regroupant quatre départements.
Il relève notamment des manques importants dans la maintenance et note que les trois quarts des chantiers inspectés présentent des risques pour la sécurité du personnel. «Le niveau de sécurité opérationnel de l'infrapôle de Paris Nord est apprécié comme étant très éloigné de l'objectif», concluent les auditeurs. La SNCF a reconnu, vendredi, que «l'audit est mauvais» mais qu'un nouveau bilan, réalisé en octobre 2013, «montre que certains domaines étaient en progression, d'autres moins».
L'audit révélé n'étonne pas du tout un syndicaliste SNCF. «Le réseau en Ile-de-France est le plus abîmé de tout le pays car c'est le plus chargé. D'un train toutes les dix minutes on est passé à un train toutes les deux minutes. Imaginez ce que cela représente! Les rails sont très sollicités», explique-t-il. Sans oublier que le réseau a été pensé dans les années 1970-80 et que «depuis rien n'a été fait, à part augmenter considérablement le trafic», ajoute un autre. Mais personne ne veut arrêter les trains. C'est pourquoi les jours fériés sont mis à profit. Lors des ponts du mois de mai, neuf appareils de voie ont été remplacés en région parisienne.
Usure du matériel
«Le tollé chez les voyageurs si on bloquait le trafic d'une ligne de RER pendant six mois pour tout remettre à neuf! Sans compter que d'autres moyens de locomotion comme le covoiturage se mettraient aussitôt en place, ce qui ne serait pas du goût de la SNCF», analyse encore un syndicaliste. Et de citer des exemples récents d'incidents sur le réseau Ile-de-France. Ainsi mercredi dernier: une rupture de rail sur la ligne C qui a bloqué la circulation. En cause, l'usure du matériel. Ce dernier a été remplacé dans la nuit. «Mais c'est une broutille, c'est un incident courant. C'est comme un accident de la route: la circulation est bloquée pendant un moment et puis elle reprend après», tempère un cheminot. Les ruptures de rail se produisent plus souvent l'hiver quand il fait froid et ne peuvent pas faire dérailler un train, assure un cheminot. Jeudi: deux «incidents électriques» sur la ligne D à Paris Nord et dans le secteur de Saint-Denis ont contraint la SNCF à arrêter la circulation. Ces incidents sont liés à des défauts d'isolement et interviennent souvent avec un épisode de pluie après une période de sécheresse. Les secteurs Paris Nord, Paris Est et Austerlitz (partie ligne C) sont souvent le théâtre d'incidents électriques à cause du vieillissement des installations. La SNCF a prévu de les moderniser.
Manque de maintenance
Pierre Morange, député UMP des Yvelines et maire de Chambourcy, a été rapporteur d'une commission d'enquête parlementaire relative aux modalités, au financement et à l'impact sur l'environnement du projet de rénovation du réseau express régional d'Île-de-France. L'enquête a été remise en mars 2012. Elle relève notamment: «Le réseau francilien connaît une obsolescence croissante de l'infrastructure et des matériels mis en œuvre ; sa régularité de fonctionnement, la ponctualité des dessertes et, plus généralement, ses conditions de circulation se sont dégradées. Aux lourds investissements d'origine ont insuffisamment succédé les dépenses d'entretien et de modernisation, non seulement des matériels roulants mais aussi des voies et des équipements nécessaires à une bonne marche d'ensemble.» Pierre Morange dénonce «du matériel dépassé avec des aiguillages datant des années 1930-40, comme dans le film La Bataille du rail». Et il ajoute: «L'accident de Brétigny traduit une absence de politique de maintenance du réseau.»
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