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Blocages : «La question de réquisitionner les raffineries est compliquée»
Propos recueillis par Syrielle Mejias |
Intérieur
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François Taquet, professeur en droit social, explique les limites de l'intervention des autorités en cas de mouvement social.
Barrages, blocages, réquisitions, droit de grève... Professeur en droit social et avocat spécialisé en droit du travail, François Taquet précise de quelle manière l'Etat a le droit d'intervenir ou pas.
L'Etat peut-il lever par la force les blocages devant les raffineries ou les dépôts pétroliers ?
FRANÇOIS TAQUET. Oui, les forces de l'ordre ont la possibilité de débloquer les dépôts ou les raffineries lorsque les camions qui approvisionnent les stations-service ne peuvent plus y accéder et ce au nom de la liberté du travail. C'est ce que tentent de faire les pouvoirs publics aujourd'hui. Ce principe a été rappelé par l'Organisation internationale du travail (OIT) : « Le seul fait de participer à un piquet de grève et d'inciter fermement, mais pacifiquement, les autres salariés à ne pas rejoindre leur poste de travail ne peut être considéré comme une action illégitime. Il en va autrement lorsque le piquet de grève s'accompagne de violences ou d'entraves à la liberté du travail par contrainte exercée sur les non-grévistes [...] »
L'Etat a-t-il également le droit de réquisitionner les raffineries ou les dépôts ?
La réponse est ici plus compliquée. Certains partis ont réclamé une réquisition des employés dans les raffineries en grève, comme cela s'était produit en 2010. Sur le plan juridique, le problème est de savoir si le secteur pétrolier fait partie des secteurs stratégiques qui autorisent l'Etat à procéder à des réquisitions. Dans certains secteurs, comme les hôpitaux, il n'y a pas de doute. Mais qu'en est-il des raffineries ? Rien ne semble l'interdire dès lors que sont caractérisés de possibles troubles à l'ordre public. En 2011, l'OIT avait toutefois adressé des remontrances à la France, mais sans condamner cette procédure comme le laisse entendre la CGT. Elle avait simplement demandé « au gouvernement de privilégier, à l'avenir [...] », une concertation entre syndicats et patronat afin que l'Etat ne fasse pas appel à cette méthode « par voie unilatérale ». Il serait judicieux que le législateur s'empare de cette question afin de fixer des règles claires et simples.
Enfin existe-t-il une spécificité du droit de grève dans les centrales nucléaires ?
Sur ce point, une décision du Conseil d'Etat de 2013 est très claire : les dirigeants d'EDF ont la faculté de limiter le droit de grève dans les centrales nucléaires lorsqu'il s'agit d'éviter l'interruption de l'approvisionnement du pays en électricité. Un précédent existe déjà en la matière (2009).
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