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Israël : le Likoud sous pression
Danièle Kriegel |
International
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Les Israéliens votent mardi prochain. Des législatives très serrées qui se résument à une seule question : pour ou contre Benjamin Netanyahu ?
Oublié, l'effet du discours de Benjamin Netanyahu au Congrès américain. À quatre jours du scrutin, les sondages donnent une légère avance au "Camp sioniste" sur le Likoud. Pas de quoi pavoiser pour la liste de centre gauche dirigée par Yitzhak Herzog et Tzipi Livni. Mais le début d'un coup de blues chez pas mal de responsables de la droite nationaliste. Leur principale inquiétude : que leur électorat traditionnel déserte en allant voter pour d'autres formations du bloc de droite ou, pire encore, en choisissant de bouder les urnes. Aujourd'hui, pour les plus pessimistes, le risque est réel de voir le parti tomber en dessous de la barre des 20 mandats. Et Benjamin Netanyahu, dans tout cela ? Eh bien, il contre-attaque en adoptant une double tactique. D'abord faire peur à ceux de ses électeurs qui auraient décidé d'aller voir ailleurs. D'où cet avertissement qu'il ne cesse de marteler : "Ne pas voter pour le Likoud, c'est donner le pouvoir à Yitzhak Herzog et Tzipi Livni."
Autrement dit, selon lui, la gauche qui formerait une coalition avec les partis arabes et mettrait en danger la sécurité d'Israël. Il est donc dans l'urgence. Et alors que, depuis le début de la campagne électorale, on ne l'avait n'avait guère vu que dans quelques clips vidéo ou, au plan international, au Congrès américain, le voilà de retour sur le terrain. Rencontres avec les militants. Meetings, congrès ou visites dans des fiefs qui lui étaient traditionnellement acquis comme le grand marché de la Jérusalem juive, Mahane Yehuda, ou la ville de Netanya, la station balnéaire au nord de Tel-Aviv dirigée depuis plus de dix ans par la très Likoud Miriam Feirberg. Pour mieux faire monter la mayonnaise, il évoque un complot financier et médiatique préparé à l'étranger pour faire tomber le gouvernement Likoud. C'est avec cet argument qu'il ouvre les rencontres de militants. C'est aussi ce qu'il explique dans des interviews accordées à des journaux de droite. Retrouvera-t-il ainsi la faveur de son public et du même coup démentira-t-il les propos d'une personnalité Likoud qui a tenu à garder l'anonymat ? "Le problème, ce n'est pas le Likoud. Tout simplement, les gens ne veulent pas voter Netanyahu..." Difficile de prédire quoi que ce soit. Quatre jours dans cette région du monde, c'est très long.
"Ces sujets que je ne saurai voir"
Quels ont été les mots-clés du paysage médiatique israélien durant cette campagne électorale par rapport à celle de 2013 ? Autrement dit, de quoi a-t-on parlé ou n'a-t-on pas parlé ? Selon Ifaat, un observatoire du discours médiatique, le record revient à la personne de Sarah Netanyaho : + 313 % par rapport à 2013. Vient ensuite la résidence officielle du Premier ministre à Jérusalem : + 214 %. En troisième position, la pauvreté : + 71 % et le logement : + 36 %, avec, en parallèle, la disparition du terme "Classe moyenne" qui avait fait, il y a deux ans, les belles heures de la campagne de Yaïr Lapid, le dirigeant de Il y a un avenir. En nette dégringolade également, le mot chômage : - 46 %. En revanche, en ce qui concerne le conflit israélo-palestinien ? Là, c'est carrément la désaffection : - 58 % pour le Hamas, - 49 % pour le processus de paix et - 26 % pour les Palestiniens.
À ce propos, la quasi-totalité des partis à droite comme à gauche s'en tiennent dans ce domaine à des généralités reflétant leurs convictions respectives. Pour la droite nationaliste, et les sionistes religieux, pas question de renoncer à un pouce de la terre d'Israël. À gauche, les dirigeants du "Camp sioniste" restent dans un flou artistique en mettant l'accent sur leur capacité à gérer la sécurité des Israéliens, tout en réaffirmant qu'il n'est pas question de diviser Jérusalem. Rien sur la politique de colonisation. Et juste la volonté affirmée de reprendre les négociations avec les Palestiniens. La seule formation à évoquer la paix, c'est Meretz, le petit parti à la gauche des travaillistes. Une formation qui, au vu des sondages, pourrait bien disparaître de la scène parlementaire. Une partie de son électorat pourrait choisir de voter utile en donnant le plus de mandats possible au "Camp sioniste" pour faire tomber Netanyahu.
Pas de débat sur le budget de la Défense
Autre paradoxe du débat électoral : alors que l'accent est mis sur la vie chère et la dégradation de la santé publique, du système éducatif en raison des coupes sombres dans les budgets des ministères concernés, on n'entend rien sur le budget de la Défense qui, pour cette année, se monte à 65 milliards de shekels (un peu plus de 15 milliards d'euros). Une hausse de plus de 6 milliards de shekels (1,410 milliard d'euros) par rapport à 2014.
"Zone militaire interdite", a titré ironiquement un supplément économique avant de révéler que les responsables militaires attendaient en piaffant le prochain Premier ministre à qui ils entendent demander une rallonge de plus de 5.5 milliards de shekels (1 milliard 300 millions d'euros). " Lorsqu'il était ministre des Finances, Benjamin Netanyahu avait estimé que l'on pouvait réduire de 10 % le budget de la défense sans pour autant mettre en danger la capacité opérationnelle de Tsahal", écrit le journal, avant d'ajouter : "Or, 10 %, cela représente 6 à 7 milliards de shekels, c'est-à-dire exactement la somme nécessaire à l'éducation, la santé publique et les infrastructures pour réduire le fossé avec les pays développés." Mais le sujet reste tabou. Et même les formations qui ne cessent de s'en prendre à la politique sociale du gouvernement Netanyahu rechignent à évoquer la nécessité de couper dans les dépenses militaires.
Scandales
Au chapitre des polémiques et autres déclarations scandaleuses, le pompon est revenu cette semaine à Avigdor Lieberman, le ministre des Affaires étrangères et patron du parti russophone d'extrême droite Israël notre maison. Évoquant les citoyens arabes d'Israël, lors d'un meeting électoral dans un établissement d'enseignement supérieur, il a eu ces propos : "Ceux qui sont de notre côté méritent beaucoup, mais ceux qui sont contre nous méritent de se faire décapiter à la hache. Il y va de notre survie ici." Les protestations des dirigeants de la liste arabe unifiée, de l'Autorité palestinienne mais aussi de la ligue anti-diffamation n'ont eu aucun effet. Pas d'excuse de la part de monsieur Lieberman. Un simple haussement d'épaules du style "qu'ils aillent au diable".
Autre scandale : le clip électoral du Likoud posté il y a un peu plus d'une semaine. En scène, trois acteurs. Deux jouant le rôle d'employé ou de syndicaliste de deux sociétés publiques, les ports et l'office de radiodiffusion ; le troisième incarnant un ancien responsable d'une compagnie de téléphonie mobile. À côté d'eux, un quatrième comédien portait l'uniforme du Hamas. Incrusté, le message du spot : "Bibi a réussi à vaincre les monopoles et le Hamas." Des employés du service public comparés au mouvement islamiste de Gaza ! Malgré le retrait du spot, la colère gronde, que ce soit à la Histadrout, la grande centrale syndicale, ou chez les salariés incriminés. Dans certains ports, les appels à voter contre Benjamin Netanyahu le 17 mars prochain se multiplient.
Le moment noir de la liste arabe unifiée
La liste arabe unifiée a aussi connu son moment noir. C'était ce mardi, lorsque son porte-parole Raja Za'atra, qui participait à un débat organisé par l'association des étudiants de l'université de Bar Ilan, a comparé le mouvement sioniste à Daesh. "De qui pensez-vous que Daesh a appris ses méthodes ? Regardez ce que le mouvement sioniste a fait en 1948. Le viol, le pillage, le meurtre... exactement les mêmes choses..." Et, en dépit des huées venues de la salle, Za'atra a continué : "Daesh est le partenaire stratégique de la politique anti-paix de l'État d'Israël." Là encore, pas d'excuses de la part de l'intéressé. Il assume totalement ses déclarations. À droite comme à gauche, les condamnations se sont multipliées. Quant à la liste arabe unifiée, elle a parlé d'une réponse à une provocation venue d'un des participants au panel tout en réaffirmant sa condamnation absolue de Daesh.
Mais la dernière polémique a été créée par monsieur Netanyahu lui-même. Sous la pression des sondages, il a fini par faire ce qu'il déteste : accorder des interviews à des chaînes de télé israéliennes. Mais il a refusé de répondre aux questions de Raviv Drucker, le correspondant politique de la chaîne 10, dont il ne supporte pas les critiques. L'interview a donc été annulée. Et sur la chaîne 2, il a expliqué qu'il choisissait de répondre à qui il voulait. Intervenant tout de suite après son adversaire, Yitzhak Herzog a déclaré : "Je ne crains pas d'être interviewé par des journalistes extrêmement critiques. La liberté de la presse, c'est l'essence même de la démocratie."
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