Les prix du pétrole ont dégringolé de plus de 30 % depuis juin. Un choc économique de grande ampleur qui pourrait durer. Explications.

C'est une petite révolution silencieuse. Depuis juin, les cours du pétrole s'effondrent. Le baril de Brent, le brut de la mer du Nord, est passé de 115 dollars à près de 72 dollars aujourd'hui. Une baisse de plus de 36 % ! Le Point.fr décrypte les causes et conséquences d'un véritable contrechoc pétrolier que personne n'avait vu venir.
Un épisode temporaire ou durable ?
"Lorsque le prix du baril de Brent avait atteint le niveau record de 145,4 dollars, la crainte du pic pétrolier (déclin durable de la production du pétrole) était sur toutes les bouches et de nombreux experts s'attendaient à un prix du baril qui puisse rapidement atteindre 200 dollars." Le rappel de Christopher Dembik, économiste chez Saxo Banque, est cruel. Et montre qu'en matière de prix de l'or noir, rien n'est jamais écrit à l'avance.
La tendance actuelle a d'abord été interprétée par les marchés comme la simple conséquence du ralentissement de l'économie mondiale, en Europe et en Chine. Une crainte renforcée par les doutes sur la réalité de la vigueur de la reprise américaine. Lorsque la croissance diminue, la demande d'énergie baisse, ce qui pèse sur les prix.
Mais l'ampleur de la chute, malgré les signaux positifs de l'économie américaine, a ensuite imposé une nouvelle interprétation, plus structurelle celle-là : la dégringolade des cours serait surtout due à l'apparition d'une surproduction, ou du moins de l'anticipation par les investisseurs d'une surproduction durable. C'est l'hypothèse soutenue par les économistes de la banque d'affaires américaine Goldman Sachs, souvent épinglée pour son influence sur les marchés des matières premières.
La forte hausse de la production américaine, liée au boom du pétrole de schiste, l'apaisement des craintes autour de la production russe et irakienne, l'augmentation de celle du Nigeria, de l'Iran et de la Syrie, la réticence de l'Organisation des pays exportateurs de pétroles (Opep) à couper dans ses volumes, tout concourt à faire baisser les prix.
Certains pointent des raisons plus géopolitiques, comme une entente supposée entre les États-Unis et l'Arabie saoudite pour faire baisser le cours de l'or noir, destinée à sanctionner la Russie, dont les recettes publiques dépendent pour moitié des revenus du pétrole et du gaz. Les prix du pétrole pourraient donc continuer à osciller autour du niveau actuel.
Quelles sont les conséquences pour l'économie mondiale ?
La plupart des économistes considèrent que la chute des prix a un effet globalement positif, de quelques dixièmes de points de croissance. La chute des prix bénéficie clairement aux pays importateurs, en particulier les économies développées. Mais elle pèse aussi sur les pays exportateurs, surtout les plus dépendants, comme la Russie.
En Europe, la baisse de l'euro limite l'effondrement des prix du pétrole, ce qui atténue la baisse réelle, mais tempère le risque déflationniste encouru par la zone euro. L'effondrement des prix de l'énergie a en effet tendance à se répercuter sur les prix des produits, ce qui pourrait inciter entreprises et consommateurs à reporter leurs achats dans l'espoir de les payer moins cher plus tard. Une spirale qui pourrait se répercuter à son tour sur les prix de vente des entreprises et, à terme, sur les salaires.
Et pour la France et les Français ?
Selon Coe-Rexecode, un cabinet d'études économiques proche du patronat, la facture énergétique de la France devrait diminuer de 5 milliards d'euros.
Le consommateur figure parmi les premiers bénéficiaires, grâce à la baisse du prix des carburants et du fioul de chauffage, voire du gaz, indexé sur les prix du brut. Depuis le début de l'année, le gazole a chuté de 12,5 centimes à quasiment un euro par litre ! C'est le niveau le plus bas depuis décembre 2010. La tendance est la même pour l'essence sans plomb, même si l'essentiel du prix dépend du niveau des taxes.