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Epargne : faux gagnants et vrais perdants
Guillaume Maujean |
Société
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A l’heure du bilan, les épargnants qui se pencheront sur l’année 2014 auront sans doute en tête la célèbre phrase de Talleyrand : « Quand je m’examine, je m’inquiète. Quand je me compare, je me rassure… » Car, quel que soit l’angle par lequel on regarde ce millésime, ce sont toujours les mêmes thématiques qui reviennent : taux d’intérêt extrêmement bas, pression déflationniste, absence de rendement… La crise qui s’étend depuis sept ans maintenant n’a pas « épargné » les épargnants. Les dépôts à vue n’offrent quasiment plus aucune rémunération. Les livrets font à peine mieux. Si l’Etat devait appliquer à la lettre la formule de calcul du taux du Livret A, celui-ci tomberait ainsi à… 0,5 %. Pas étonnant qu’il ait subi une véritable hémorragie au cours des six derniers mois, au profit notamment du plan d’épargne logement (PEL), qui offre par les temps qui courent un bon rendement sans risque. Mais le grand gagnant de l’année est sans conteste l’assurance-vie, qui a retrouvé son titre de « placement préféré des Français » en 2014, avec une collecte de 21,3 milliards d’euros à fin novembre. Les rendements des fonds en euros ne sont guère attractifs : ils devraient continuer leur déclin vers 2,5 %, contre 3,6 % il y a à peine quatre ans. On en revient à la maxime de Talleyrand : la performance n’est pas brillante, mais reste supérieure à celle des livrets et de l’inflation, désormais quasi nulle. Avec la garantie du capital et une fiscalité toujours attractive, l’assurance-vie en euros est devenue le couteau suisse patrimonial des ménages : elle leur sert à la fois de produit d’épargne, de complément de retraite et d’outil de transmission. C’est ainsi que l’univers déflationniste est en train d’ancrer les mauvaises habitudes des Français en matière d’épargne. On les sait assez frileux, obsédés par la préservation du capital. Très réticents à prendre un peu plus de risques au moment de placer leur argent, quand les faibles rendements des comptes sur livret ou des fonds en euros commanderaient plutôt de se tourner vers la Bourse ou les fonds en « unités de compte ». On peut le comprendre après des années de crise financière pendant lesquelles les mouvements de mauvaise humeur se sont multipliés sur les marchés. On peut le comprendre aussi en raison de la fâcheuse tendance des pouvoirs publics à surtaxer les revenus du capital. Mais le résultat est là. L’épargne abondante des Français – près de 16 % de leurs revenus disponibles, un des taux les plus élevés au monde – est beaucoup trop investie dans l’immobilier, les comptes à court terme ou les fonds garantis. Il serait temps que Bercy lance un vrai plan de relance des produits d’épargne longue, qui viendrait doper le financement en fonds propres de nos entreprises et de l’économie réelle.
Guillaume Maujean est Rédacteur en chef "Finance et Marchés"
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