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L'extrême droite peut-elle bloquer l'Europe ?
Une vague populiste et eurosceptique est attendue lors des européennes du 25 mai. Mais que pourra faire l'extrême droite si elle arrive en force au Parlement ?
"L'objectif des élus populistes et extrémistes est d'utiliser l'infrastructure du Parlement pour leur propagande. On les voit déjà à l'oeuvre, puisqu'ils sont entre 80 et 90 à siéger dans cette législature. Ils arrivent en séance plénière, font leur petit discours d'une minute, prennent leur indemnité journalière et ensuite ils disparaissent. On ne les voit plus. Ils ne travaillent pas." Martin Schulz a la dent dure avec l'extrême droite. Le candidat des socialistes européens à la présidence de la Commission européenne est aussi président du Parlement. Fort de son expérience, il conclut : "Les Le Pen et autres ne vont pas paralyser le Parlement, mais l'utiliser comme une caisse de résonance de leur propagande anti-européenne aux frais des contribuables européens. C'est moralement douteux."
Marine Le Pen a annoncé la couleur : "Nous allons au Parlement pour bloquer l'avancée de la construction européenne", déclare-t-elle à longueur d'interviews. Pour y parvenir, l'extrême droite devra réunir plusieurs conditions.
L'assiduité : le site Vote Watch Europe, qui fait référence en matière de classement des eurodéputés en répertoriant minutieusement leurs activités, est cruel pour les élus d'extrême droite, ainsi que pour certains élus de gauche comme Jean-Luc Mélenchon, qui font partie des lanternes rouges de cette assemblée. Un autre classement, de la Fondation Schuman, confirme ces mauvais résultats. Jusqu'à présent, les faits donnent raison à Martin Schulz.
Discours racistes
La capacité à former un groupe, c'est en général la ligne de défense de Marine Le Pen : "Non inscrits, les députés d'extrême droite ont moins de capacité à se faire entendre que ceux qui appartiennent à un groupe", dit-elle en substance. Marine Le Pen et le Néerlandais Geert Wilders ont donc pris les devants il y a plusieurs mois. Objectif : fédérer vingt-cinq députés (sur 751) de sept pays différents, seuil minimum pour fonder un groupe, ce qui offre moyens financiers, temps de parole garanti et participation à la "Conférence des présidents", l'organe qui définit l'agenda législatif du Parlement.
En novembre dernier, le FN, le PVV néerlandais, le Vlaams Belang belge, le FPÖ autrichien, la Ligue du Nord italienne, les Démocrates de Suède et le SNS slovaque annonçaient qu'ils s'étaient entendus pour aller ensemble au combat. Mais, aujourd'hui, le FPÖ n'évoque plus qu'un "accord de principe" qui n'a toujours pas été formalisé. En outre, ces partis n'ont pas réussi à s'entendre sur une tête de liste unique, comme les autres groupes traditionnels qui présentent un candidat pour prendre les commandes de la Commission européenne en cas de victoire aux élections du 25 mai. Enfin, si ces partis sont unis sur leur détestation du "monstre européen", leur programme et leur idéologie générale divergent sur l'euro, sur les relations avec les États-Unis et Israël, sur leur affichage aussi : le FN cherche à devenir fréquentable, ce qui n'est pas le cas du Vlaams Belang, qui continue à cultiver les discours racistes et l'appel à "l'explosion de la Belgique".
Détruire ensemble "le monstre de Bruxelles"
Reste le cas des europhobes britanniques, dont le parti-phare, Ukip, est crédité d'une victoire sans précédent au Royaume-Uni. Son leader flamboyant, Nigel Farage, ne manque pas une occasion de clamer, une pinte de "lager" à la main, qu'il veut faire sortir son pays de l'UE. Marine Le Pen aurait bien voulu compter avec lui. Mais Nigel Farage rejette toute alliance avec le FN du fait de son "antisémitisme inscrit dans son ADN". Jeudi, Geert Wilders a indiqué qu'il "essaiera[it] de réconcilier Farage et Le Pen" pour détruire ensemble "le monstre de Bruxelles".
À condition de réussir à former un groupe - et à le maintenir tout au long de la législature -, l'extrême droite peut avoir un impact significatif sur les politiques européennes, jugent deux chercheurs du European Council on Foreign Relations, qui évaluent à deux cents le nombre total d'élus "eurosceptiques" de droite et de gauche dans le futur Parlement. Leur étude sur "la montée de l'euroscepticisme et comment y répondre" pointe du doigt les domaines de la politique européenne qui pourraient en souffrir : la politique migratoire, la libre circulation, la gouvernance de la zone euro.
À ce sujet, les auteurs s'inquiètent : "Pour compléter l'Union économique et monétaire, il faut renforcer les pouvoirs de l'UE, voire faire adopter un nouveau traité. Mais la force des populistes pourrait décourager les dirigeants de céder plus de souveraineté à l'UE." Problème : les économistes s'entendent pour dire que la zone euro a besoin d'une gouvernance renforcée. Sauf, bien sûr, ceux qui souhaitent la disparition de la monnaie unique.
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