Thomas Demada, vous êtes un membre connu de la mouvance NR et vous venez de prendre au sein du MDI la responsabilité de sa branche "européenne". Pourquoi cela ? et qu’avez-vous l’intention d’y faire ?
Pour être précis, je n’ai pas "pris" cette responsabilité, j’ai simplement répondu favorablement à la proposition du noyau initial du MDI (qu’on ne présente plus, au moins au lecteur assidu de Voxnr). Qu’il n’y ait pas de malentendu, ce n’est pas de ma part une coquetterie sémantique : depuis les débuts des "damnés de l’impérialisme", il était question d’une section destinée aux Européens. Reste que ce pendant blanc posaient quelques problèmes : il ne devait pas constituer un "boulet" pour le reste du MDI ou végéter à l’état de symbole. Bref, il ne devait ni être trop lourd, ni trop léger…
De mon côté, je m’étais toujours intéressé à Kémi Séba et à ses mouvements successifs. J’avais même été l’un des premiers à obtenir avec lui une entrevue à bâtons rompus, déjà "à l’époque" mise en ligne sur Voxnr et publiée dans Résistance (un reportage d’Envoyé Spécial le filma d’ailleurs avec un exemplaire de ce journal entre les mains). Quelques temps plus tard, le Mouvement des Damnés de l’Impérialisme répondait à l’un de mes vœux les plus chers : l’apparition d’un véritable mouvement communautaire en France, c'est-à-dire un mouvement des communautés, logiquement opposé à l’assimilation.
Alors pourquoi ne pas m’y être engagé de suite ? Je vais être tout à fait franc : par une élémentaire (et réciproque) prudence. Kémi Séba et ses camarades faisaient le tour de la mouvance nationaliste française, j’en attendais leur conclusion et l’orientation qui s’en dégageraient. Elle ne m’a pas déçu : tout en reconnaissant la légitimité des identités du vieux continent, ils ont affiché la volonté de rompre avec tout ce "folklore" que trimballent les nationalistes depuis l’après-guerre. Qu’on ne se méprenne pas : je ne juge pas le cœur du combat (il est excellent) mais les formes et les orientations passéistes qui les matérialisent. Il faut avouer que coupé du débat démocratique et confiné dans un ghetto, le "mal natio" a toutes les chances de sévir encore longtemps… Je suis moi-même conscient de combien il m’a marqué… De leur côté, j’espère et je pense que Séba et les siens ont constaté que mon intérêt pour les luttes de libération nationale était autre chose qu’une diversion, un nationalisme de substitution ou un moyen de piloter la colère des minorités.
Je dois - à ce titre - avouer la dette énorme que j’ai contracté auprès de l’idée nationale révolutionnaire. C’est elle qui m’a dégagé de l’opposition stérile nationalisme/internationalisme et autochtones/immigrés. "Avec les immigrés, contre l’immigration" est un concept qui date déjà du mouvement Troisième voie et des années 70, le MDI "francophile" ne fait que pousser le raisonnement jusqu’au bout… Avec Michael Guérin sur la Liste antisioniste et ma modeste personne au MDI : on peut dire que le nationalisme-révolutionnaire porte encore quelques fruits…
Quant à "mon" action pratique au sein du MDI, j’espère justement qu’elle sera la moins personnelle et la plus collective possible. Je n’ai pas les talents et la faconde d’un Kémi Séba. Mon camarade et collègue "francophile" Stéphane Audace se révèle d’ailleurs un meilleur porte-voix que moi. C’est là justement que réside mon intérêt politique : je suis un Français lambda, travailleur précaire et père de famille modeste issu d’une petite banlieue de province. Je montre ma tête, j’affiche mes idées tout en bossant dans le socio-éducatif, milieu peu propice aux idées nationales comme chacun sait. Avec un minimum d’efforts et un courage homéopathique, on peut donc vivre avec ses convictions, vivre ses convictions. Si l’extrême gauche m’a appris une chose : c’est le "dans le peuple comme un poisson dans l’eau" de Mao. C’est avec les puissants qu’il faut être subversif, pas avec les passants. Le MDI Français et Européen va travailler et nos identités redeviendront légitimes, pas sur les écrans ou dans les urnes, mais chez les gens, y compris ceux qui relèvent d’une autre identité…
Vous avez été pendant quelques temps un cadre d’Égalité et réconciliation. Pourquoi l’avoir quitté et qu’à le MDI de plus ?
Là encore et sans vouloir pinailler : cadre est un bien grand mot. J’ai eu de menues responsabilités dans l’Est de la France et sur la toile. Outre l’habituel quotidien militant, mon travail le plus concret a été d’animer et gérer le forum « boîte à idées » des « soraliens » et d’organiser la venue d’Alain Soral à Nancy. Mais vu les quelques passages cataclysmiques que ce dernier a achevés en province, ce n’était peut-être pas une si mince affaire que ça…
J’avoue être dispersé et sans doute candide, mais je reste foncièrement attaché aux idées. Il ne faudrait pas croire que je serais passé de l’assimilation aux communautés (et donc de E&R au MDI) par un dépit militant. Primo, j’ai continué au sein d’E&R à défendre le MDI et son meneur et ce malgré les antipathies que ce soutien pouvait engendrer (on me qualifiait alors fréquemment de « différentialiste »). Je tiens à préciser que je n’étais pas le seul et, compte tenu de la pression générale, ce n’était pas anodin. Secundo, contrairement à une opinion courante, Soral a toujours laissé planer le flou sur les notions de ré-enracinement et d’assimilation, insistant selon l’auditoire sur une thématique ou l’autre. Ce qui explique d’ailleurs en partie que, malgré des déclarations sincères, la "mouvance Dieudonné" soit systémiquement ramenée par les médias au communautarisme. Cela tient aux qualités et aux défauts du polémiste Soral. J’irai même jusqu’à dire qu’il a les défauts de ses qualités : une intelligence vraie et débridée, mais trop débridée, au point de tourner à la filouterie et l’opportunisme idéologique.
Il serait fastidieux de développer, surtout les autres différents portant sur la praxis (copinages douteux, culte du chef, intellectualisme, etc…). Mais disons que sur la seule "question" palestinienne, quelques camarades et moi-même avons assisté à un grand numéro d’équilibriste. Après avoir affirmé que nous n’avons pas à être anti-sionistes "parce que l’on ne s’excuse pas d’avoir été les plus forts" (sic), il prétend désormais trouver des solutions à la lutte d’émancipation des Palestiniens… Le boxeur Soral se montre également un excellent gymnaste, spécialiste du grand écart. Ce qui ne retranche rien au rôle important de ses (premières) vidéos dans une certaine "conscientisation". Il a incontestablement amené aux identités un nouveau public et une audience fraîche, mais il reste un "homme de spectacle", un homme usé et dépité, dont le combat part d’une frustration. Pour les idées, ce n’est jamais un très bon terreau. Il souffre aussi du culte (très répandu, y compris à l’extrême droite) de la "gauche historique". Oubliant ou omettant que dans le sionisme, le colonialisme et la négation des identités, cette gauche socialiste tient un rôle de tout premier plan…
Le MDI offre lui toutes les qualités (mais aussi toutes les difficultés et les défis) d’une formation qui part de la base, pour la base et par la base. Sans vouloir mesurer la radicalité au casier judiciaire (ce qui ferait de Francis Heaulme ou de Marc Dutroux de grands résistants au Système), l’acharnement judiciaire qui poursuit les interventions de Kémi Séba est tout de même révélatrice…
Vous êtes connu pour collaborer au site Voxnr.com et au mensuel Résistance. Or certains animateurs les plus connus de ces médias soutiennent le Front national et plus particulièrement Marine Le Pen. N’y a-t-il pas une contradiction dans vos fréquentations ?
Il y en a une, énorme même, enfin si l’on croit que le Système est un gros verrou qui ne s’ouvre avec une seule clef. Moi, je ne crois pas au grand complot ou la grande cause unique ; je ne crois donc pas plus à une solution monolithique et miraculeuse. L’intérêt de l’équipe éditoriale de Voxnr est justement son aspect trans-courant et trans-clivage. On y trouve des textes du monde entier et de tous les bords politiques.
Marine le Pen est la fille d’un professionnel de la politique, dans l’excellent sens du terme. Elle s’inscrit donc dans une louable tradition familiale, mais en même temps elle est consciente que le Front National, s’il veut survivre, a besoin d’une sérieuse mise à jour. Simplement, ces solutions ne sont pas les miennes. Pas parce que j’aurais une analyse ou une hauteur de vue supérieure à la sienne, mais parce que je ne suis pas du monde de Marine Le Pen. Elle fait de la politique par le haut, je milite en bas ; et le poser franchement n’a rien d’insultant, pour personne. Je suis persuadé que le monde politicien n’a plus de légitimité et ne bénéficie que d’un pouvoir secondaire face aux décideurs économiques. Bolloré n’est pas l’ami de Sarko, c’est le président de la République qui est un obligé de la « bollocratie »… Je reconnais par contre à la benjamine Le Pen le louable effort d’aller vers les usines en crise, et ce malgré l’hostilité des syndicats. J’en ai trop vu (dans tous les extrêmes) qui parlaient de socialisme sans jamais avoir rien connu ou rien vu du travail…
Je tiens en guise de conclusion à saluer Héry du MDI, dont le travail et la solidarité ont permis de concrétiser cette branche européenne. Pour finir un salut respectueux aux « maîtres des lieux » : Christian Bouchet et Gilbert Damiani, dont la patience (à mon égard) n’a pas été la moindre qualité.