« Ces anges me révélèrent toutes choses
et me donnèrent l’intelligence de ce que j’avais vu,
qui ne devait point avoir lieu dans cette génération,
mais dans une génération éloignée, pour le bien des élus »
Le Livre d’Enoch.
Prométhée a connu un énorme succès, rapportant 500 millions de dollars en salle, plus gros succès commercial de Scott depuis Gladiateur, et ce film est appelé à inspirer de nouvelles générations de plus jeunes spectateurs – avec une touche « illuminée » en plus, bien dans le ton de l’époque. Prométhée fait bien sûr allusion au mythe des géants fondateurs et instructeurs, les ingénieurs, comme on les appelle dans le film. Scott reprend ici une mythologie scientifique mise à la mode par les écrits d’Erich von Daniken. Ingénieur spatial (?), Daniken s’appuyait sur les révélations de la Bible et en particulier du livre d’Ezéchiel (chapitre I) :
« 16 L’aspect et la structure des roues étaient comme l’apparence d’une chrysolithe ; et il y avait une même ressemblance pour les quatre, et leur aspect et leur structure étaient comme si une roue eût été au milieu d’une roue.
17 En allant, elles allaient sur leurs quatre côtés ; elles ne se tournaient point quand elles allaient.
18 Et quant à leurs jantes, elles étaient hautes et terribles, — et leurs jantes, à toutes les quatre, étaient pleines d’yeux tout autour.
19 Et quand les animaux allaient, les roues allaient à côté d’eux ; et quand les animaux s’élevaient de dessus la terre, les roues s’élevaient.
20 Là où l’Esprit devait aller, là ils allaient, là [leur] esprit tendait à aller ; et les roues s’élevaient auprès d’eux, car l’esprit de l’animal était dans les roues. »
L’existence des Nephilim est un fait avéré par la Bible. Ils sont les Géants des légendes (ou d’ailleurs…), descendants des impayables annunaki ou des veilleurs (dans le roman de Clarke 2001, le singe initiateur est d’ailleurs dénommé moonwatcher, veilleur de lune) et ils rêvent des filles des hommes (que veut vraiment dire ce passage d’ailleurs ?) ! Citons ces lignes célèbres (Gn, 6) :
« 1 Et il arriva quand les hommes commencèrent à se multiplier sur la face de la terre et que des filles leur furent nées, que les fils de Dieu virent les filles des hommes, qu’elles étaient belles, et ils se prirent des femmes d’entre toutes celles qu’ils choisirent.
3 Et l’Éternel dit : Mon Esprit ne contestera pas à toujours avec l’homme, puisque lui n’est que chair ; mais ses jours seront cent vingt ans.
4 Les géants étaient sur la terre en ces jours-là, et aussi après que les fils de Dieu furent venus vers les filles des hommes et qu’elles leur eurent donné des enfants : ceux-ci furent les vaillants hommes de jadis, des hommes de renom. »
Bien entendu elles ont été maintes fois commentées ; mais ce qui nous intéresse c’est ce que Prométhée – qui rend hommage au titan qui déroba le feu et qui est mis à l’honneur dans toute la culture occidentale, d’Eschyle au Rockefeller Plaza en passant par Shelley. Les géants sont cités plus loin dans la Bible, dans le Livre des Nombres (xiii, 32-33) :
« 32 Mais les hommes qui étaient montés avec lui, dirent : Nous ne sommes pas capables de monter contre ce peuple, car il est plus fort que nous.
33 Et ils décrièrent devant les fils d’Israël le pays qu’ils avaient reconnu, disant : Le pays par lequel nous avons passé pour le reconnaître est un pays qui dévore ses habitants, et tout le peuple que nous y avons vu est de haute stature.
34 Et nous y avons vu les géants, fils d’Anak, qui est [de la race] des géants ; et nous étions à nos yeux comme des sauterelles, et nous étions de même à leurs yeux. »
On sait la dette biblique des récits de science-fiction : on citera Dune comme cela en passant. On peut lire sur le web les passionnants textes de Ciremya qui fait le lien entre SF, BD, ET, annunaki et récits d’aventures !!! Voyez sa belle analyse du capitaine Nemo de notre initié Jules Verne. Le plus riche des livres apocryphes est le livre d’Enoch. On peut même dire que la science-fiction en tant que modèle de programmation mentale et spirituelle est un des plus anciens genres littéraires : voir les voyages, les thèmes initiatiques, Gilgamesh, Jason et les argonautes, les récits de déluge, etc. Le cosmonaute est un être programmé comme un héros de mythologie. Voyez 2001. Voici comment le livre d’Enoch présente les exploits des géants, nos chers Nephilim de Prométhée :
« 10. Et ils se choisirent chacun une femme, et ils s’en approchèrent, et ils cohabitèrent avec elles ; et ils leur enseignèrent la sorcellerie, les enchantements, et les propriétés des racines et des arbres.
11. Et ces femmes conçurent et elles enfantèrent des géants
12. Dont la taille avait trois cents coudées. Ils dévoraient tout ce que le travail des hommes pouvait produire, et il devint impossible de les nourrir.
13. Alors ils se tournèrent contre les hommes eux-mêmes, afin de les dévorer.
14. Et ils commencèrent à se jeter sur les oiseaux, les bêtes, les reptiles, les poissons, pour se rassasier de leur chair et se désaltérer de leur sang. »
On y retrouve Azazello, un des magiciens noirs du célèbre roman de Boulgakov, le maître et Marguerite. La cosmétique si essentielle (Lauder, Sassoon, L’Oréal) dans notre société est une science noire.
« 1. Azazyel enseigna encore aux hommes à faire des épées, des couteaux, des boucliers, des cuirasses et des miroirs ; il leur apprit la fabrication des bracelets et des ornements, l’usage de la peinture, l’art de se peindre les sourcils, d’employer les pierres précieuses, et toute espèce de teintures, de sorte que le monde fut corrompu.
2. L’impiété s’accrut ; la fornication se multiplia, les créatures transgressèrent et corrompirent toutes leurs voies.
3. Amazarak enseigna tous les sortilèges, tous les enchantements et les propriétés de racines.
4. Armers enseigna l’art de résoudre les sortilèges. »
Mais voyons les autres contre-initiés, qui sont liés à la conquête (célébration) spatiale :
« 5. Barkayal enseigna l’art d’observer les étoiles.
6. Akibeel enseigna les signes.
7. Tamiel enseigna l’astronomie.
8. Et Asaradel enseigna les mouvements de la lune. »
La moitié de nos mages noirs s’occupent du ciel noir et de l’espace. Ô mission Apollo, si l’on savait ta vérité… Apoleia signifie d’ailleurs en grec perte, dommage… Pourquoi n’a t-on jamais filmé un alunissage ? Et pourquoi Capricorn One sur une escroquerie martienne ? Nous poursuivons ce beau texte d’Enoch :
« Ces étoiles qui roulent au-dessus du feu sont celles qui ont transgressé les commandements de Dieu, avant la fin de leur épreuve. Aussi les a-t-il enchaînées dans ce lieu, jusqu’à ce qu’elles aient expié leur crime dans l’année mystérieuse. »
Tel épisode d’Enoch évoque un vrai voyage de cosmonaute, une arrivée dans la grande gare des étoiles, comme celle décrite par Clarke dans 2001 :
« Et je pénétrai dans une vaste habitation dont le pavé était en pierres de cristal. Les murs comme le pavé, étaient également en cristal, aussi bien que les fondements. Son toit était formé d’étoiles errantes et d’éclairs de lumière, et l’on voyait, au milieu, des chérubins de feu dans un ciel orageux. Des flammes vibraient autour de ces murailles, et la porte était de feu. Quand je fus entré dans cette habitation, elle était à la fois brûlante comme le feu, et froide comme la glace ; et il n’y avait là trace ni de bonheur, ni de vie. Alors, une terreur soudaine s’empara de moi ; je tressaillis d’effroi. »
Le thème de la Terreur ne vient ni de Scott ni d’Alien. Il est traditionnel et constitue un épisode du voyage initiatique dans l’espace. il est donc inutile de reprocher au cinéaste d’avoir mixé l’épouvante avec la conquête spatiale. Les deux genres ton intimement liées comme l’horreur religieuse est très liée à la foi. voyez cette peur de Jacob, toujours dans la Genèse (xxviii, 17) :
« Et il eut peur, et dit : Que ce lieu-ci est terrible ! Ce n’est autre chose que la maison de Dieu et c’est ici la porte des cieux ! »La porte des cieux, le Stargate… Terribilis est Locus iste !!!
Jacob est ce patriarche passionnant qui sélectionne les troupeaux zébrés (voir le zèbre de 2001), ce patriarche aussi qui voit les anges monter et descendre par une fameuse échelle. Cette porte spatiale a inspiré tous les grands peintres initiatiques de la Renaissance et un très beau film d’un autre cinéaste anglais venu de la pub, Adrian Lyne.
On sait d’ailleurs le rôle fondamental que jouent les monolithes dans la Bible, annonçant ceux de 2001, d’Alien, même du premier court-métrage de Scott, l’étourdissant et richissime Boy and bicycle, qui narre aussi une conquête spatiale éprouvante. On retrouve même quelques monolithes paumés dans la rue malade de Blade runner.
Prométhée se présente aussi comme une histoire sur la foi et sur la raison. Le capitaine dresse un arbre de Noël au début du film, l’héroïne porte une croix et affirme sa foi qu’elle ne renie pas en apprenant que nous sommes nous-mêmes des créations des ingénieurs. Car, demande toujours l’héroïne, qui les a créés, eux ? Elizabeth se fait avorter aussi d’un monstre qu’elle a eu du fait d’une mauvaise intention de l’androïde David (il a glissé de l’ADN d’Alien dans le breuvage qu’il a tendu au concubin de la jeune chercheuse). On retrouve là encore le thème de l’union des filles de la terre et des êtres célestes, qui sont les terribles géants de tous nos contes de fées et légendes.
Cette attitude syncrétique et très contemporaine est bien sûr celle de Ridley Scott qui dans une interview affirme que le Vatican (songe-t-il au Vatican des Illuminati de Dave Braun ?) et la NASA concordent pour affirmer que nous ne sommes pas là par hasard, et que par conséquent… il est légitime d’affirmer comme dans 2001 l’intervention d’êtres un peu supérieurs pour expliquer le progrès. Enoch encore :
« Et de même que le Seigneur a créé et donné aux hommes le pouvoir de comprendre les mots qui s’adressent à l’intelligence, de même aussi, il a créé pour nous, et il m’a donné le pouvoir de reprendre les vigilants, les enfants du ciel.. »
Et, pour ceux qui comme nous ont admiré le prodigieux début du film Prométhée, on rappellera ces lignes du maîtres des poètes tragiques, le grec Eschyle, auteur d’un Prométhée aussi – et quel Prométhée ! Et quel Prométhée !, il y a deux mille six cents ans de cela :
« Nous voici sur le sol d’une contrée lointaine, sur les confins de la Scythie, au fond d’un désert inaccessible. Vulcain, c’est à toi maintenant d’exécuter les ordres que t’a donnés ton père. »
La bible ou bien les Grecs. C’est ça aussi, notre Ridley Scott. Il est temps de comprendre que si le western est de la Bible projetée dans la prairie, la science-fiction c’est surtout de la mythologie grecque projetée dans le ciel via l’astronomie et le découpage de voûte étoilée en zones mythologiques bien définies. Le gnostique Philip K.Dick avait compris cela mieux que tous ces lecteurs (voyez ses tetxes sur la Sibylle) , y compris pour le thème des colonies, une vieille obsession grecque elle aussi.
Quand à la volonté de chercher son Créateur, elle est tout entière décrite et dépassée dans cette phrase de Borges : « El Todopoderoso está en busca de Alguien, y ese Alguien de Alguien superior. »