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Hollande-valls : les secrets d'une réconciliation au sommet
Nathalie Schuck |
Intérieur
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Les tensions étaient telles sur le projet de loi Travail que Manuel Valls a songé à claquer la porte. C'était avant que le président le convie à sa table...
Le menu du repas était du genre indigeste : « Comment sortir du merdier sur la loi Travail ? » résume une source dans la confidence. Personne ne l'a su, mais, à peine rentré de sa tournée à l'autre bout du monde, François Hollande a convié Manuel Valls à dîner dimanche soir à l'Elysée pour mettre les points sur les « i ».
Seuls, face à face, après dix jours de tensions qui les ont vus s'opposer sur la méthode pour faire passer la pilule du projet El Khomri : ne rien lâcher comme le clamait Valls ou apaiser comme l'exigeait Hollande ? Le président n'a pas apprécié que le Premier ministre mette de l'huile sur le feu en son absence en répétant qu'il irait « jusqu'au bout » sur ce texte qui fait hurler la gauche et les syndicats. « Hollande ne se laissera pas CPE-iser ! » tonne un conseiller du pouvoir.
Entre les deux hommes, quelque chose s'est cassé depuis la démission de Christiane Taubira. Dimanche, ils ont tout mis sur la table. Y compris la menace brandie par Valls de claquer la porte si la réforme était dénaturée sous la pression de la rue. A l'heure de l'apéritif, « aucun des deux ne savait comment ça allait se terminer », confie une source au secret. Ils se sont quittés après avoir convenu de laisser du temps au temps, selon le vieil adage mitterrandien, en reportant le texte. « On va se donner deux semaines », a glissé le chef de l'Etat au cours du repas.
« Si Valls sort maintenant, on s'intéressera à lui deux semaines et il redeviendra le Monsieur 5 % de la primaire de 2011 »
Exit, donc, le risque d'un divorce avec un départ fracassant de Valls ? « S'il avait dû partir, c'était dimanche, quand ils ont pris la décision de reporter le texte », glisse une source au sommet de l'Etat. Un autre ajoute, sûr de son fait : « Je prends les paris que Valls sera à Matignon jusqu'en 2017. » Valls lui-même semble avoir révisé ses plans. Le moment n'est, de fait, pas le mieux choisi pour tenter une sortie par le haut. « Sortir ? Mais pour faire quoi ? Valls ne tient pas le PS, même Cambadélis le lâche, beaucoup de députés veulent sa peau et ça lui vaudrait un procès en déloyauté », relève un ami du président. « S'il arrive à convaincre les syndicats réformistes, ce sera sa victoire. Il peut gagner son brevet de réformateur », ajoute un hollandais, qui ne voit pas son intérêt à sortir.
Les sondages ne plaident pas non plus pour une démission. Le chef du gouvernement voit sa cote de confiance dévisser à son plus bas niveau, comme s'il payait cash son jusqu'au-boutisme et la tribune de Martine Aubry : - 9 points, à 35 % selon l'Ifop pour « Paris Match », - 5 points, à 27 % selon TNS Sofres pour « le Figaro Magazine » et - 4 %, à 23 % selon Elabe pour « les Echos ». « S'il sort maintenant, on s'intéressera à lui deux semaines et il redeviendra le Monsieur 5 % de la primaire de 2011 », grince un cadre du PS. D'autant que Valls perd des plumes chez les sympathisants de gauche. Ceux-là même qui seraient appelés à voter s'il y avait une primaire pour 2017. Or Valls, lucide, voit bien que Hollande ne laissera pas sa place à la présidentielle.
Quant au président de la République, pas sûr qu'il ait une meilleure carte dans son jeu. Un député proche d'Emmanuel Macron, qui va bientôt lancer son think tank et s'imagine un destin élyséen, glisse que le populaire ministre de l'Economie n'est pas forcément intéressé par Matignon, car la loi Travail sera sans doute la dernière grande réforme du quinquennat. En vérité, c'est l'ampleur de la mobilisation sociale, notamment des cortèges de jeunes, qui sera déterminante. En petit comité, un dirigeant du PS lance : « S'il y a un million de personnes dans la rue, Valls sera obligé de partir. »
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