
Jeff Greenfield, du magazine Politico, pro-Hillary, déplorait le 29 juillet que le discours de madame Clinton à la convention n’était qu’un tissu de platitudes et de clichés, œuvre de consultants marketing, sans une seule ligne directrice que puisse retenir le public. Résultat, elle est perçue pour ce qu’elle est : la candidate du statu quo et de l’establishment. Autrement dit, une Ford Edsel de la politique américaine.
La convention démocrate de Philadelphie avait pourtant mis le turbo. Ils ont tout essayé pour diaboliser Trump : son ignorance technocratique, son narcissisme, son absence d’empathie, ses multiples faillites, ses centaines de procès, son intolérance à la critique, son inconstance, sa vulgarité, son mépris des gens, sa filouterie, son avarice, sa cupidité, son arrogance puérile, sa réactivité pathologique, sa situation fiscale, sa quête naïve de bling-bling, son incapacité psychologique, son ignorance de la Constitution, son islamophobie, bref, tout ce qui éliminerait un candidat normal dès la ligne de départ. Pas lui…
Parce qu’il est bien entouré.
Sa femme et ses enfants ont fait de la convention républicaine une chaleureuse extension de son entreprise familiale. Suscitant l’admiration de ses adversaires, ses quatre enfants se révèlent maintenant une dynastie politique, que le réseau de presse new-yorkais de Jared Kushner, gendre de Trump, ne manquera pas de mentorer. D’autant que le patron de Fox News, Roger Ailes, qui vient de se faire sortir par Murdoch, devient conseiller de Trump… en attendant un départ en masse des (« bons ») journalistes de Fox chez une future « Trump TV » ?
Trump a, en outre, fait la preuve qu’il sait aussi s’entourer de politiciens traditionnels « ramassant ce qui va tombant derrière le moissonneur », autrement dit les pots cassés de ses gaffes (par exemple Pence). Ou encore d’intellectuels (par exemple Gingrich) qui traduisent sa vision en anglais classique ou novlangue, afin de neutraliser ou séduire un électorat pivot. Ce que confirment les sondages.
Son entourage lui hurle cependant à l’oreille de rester calme, de simplement décliner un programme bipartisan approuvé le 21 juillet par plus de 70 % des 35 millions de téléspectateurs de la convention républicaine, de ne pas « matamorer », et de laisser saigner madame Clinton. Parce qu’en effet son adversaire est une candidate lamentable, au point que Mitt Romney, le grossiste répartiteur des « dossiers » anti-Trump utilisés par Hillary depuis mars, a conclu le 14 juillet sur les ondes de Radio Free GOP :
« Il faut le lui reconnaître, Donald Trump a transplanté dans la sphère politique son langage et son style, perfectionnés au cours de sa carrière, tissant les contacts avec les gens pour gagner l’investiture… Il est tout à fait possible que Trump gagne… Cela dépendra de l’implosion de Clinton ou non… »
Cette implosion va dépendre d’un « Cybergate en gestation », pour reprendre l’expression de Jim Sciutto, CNN. Nul ne sait qui va en bénéficier. Le camp Clinton, terrorisé par d’éventuelles parutions piratées sur ses serveurs et ceux de la fondation Clinton, commence à construire un efficace dossier peignant Trump en agent soviético-poutinien, laissant entendre que le FBI devrait renifler de son côté. Ils ont cent jours devant eux pour rallier les républicains bellicistes. Et ils ont le bras long…