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Le vote à droite deviendra-t-il le vote utile contre l’extrême droite ?
Lilian Alemagna |
Intérieur
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Il est un endroit en France que la direction du Parti socialiste devrait regarder de plus près : Toulon. Voici une ville dans laquelle le PS ne ramasse plus que des miettes électorales. Depuis plusieurs élections municipales, leurs candidats n’atteignent plus le second tour : 14 % au premier tour en 2008, 10 % en 2014. Et le parti n’a plus aucun élu au conseil départemental. Pourtant, si la préfecture du Var n’a jamais été une terre franchement socialiste, il existe là-bas des gens de gauche. En 2012, François Hollande y a même fait 23 % au premier tour - jeu égal avec Marine Le Pen. Et près de 42 % au second.
Pourquoi cette différence entre local et national ? Parce qu’ici, un autre vote utile s’est installé chez ces électeurs. Et il menace l’existence même de la gauche.
De la même façon qu’un électeur écologiste peut choisir de voter socialiste à une présidentielle pour éviter l’élimination de la gauche au soir du premier tour, certains font ici le choix de mettre un bulletin de droite, dès le premier tour, pour faire barrage à l’extrême droite. Traumatisés par la victoire du Front national à Toulon en 1995, ils préfèrent placer la droite très haut au premier tour - voire la faire gagner - pour éviter une triangulaire risquée où le parti des Le Pen pourrait l’emporter. Il y a vingt ans, favorisant l’accession du FN à la mairie, la liste de gauche avait refusé de se retirer durant l’entre-deux tours, utilisant les mêmes arguments entendus aujourd’hui pour les régionales dans les rangs du PS : «On ne peut pas disparaître du conseil municipal pendant six ans.» «La droite et le FN, c’est la même chose.» Depuis, leurs électeurs n’ayant plus confiance en eux pour empêcher l’extrême droite de revenir aux affaires, ils préfèrent voter d’emblée pour le moins pire. Ce qui était un phénomène local peut, demain, devenir national.
Certes, à Toulon, il est plus facile de voter pour un homme comme Hubert Falco, maire Les Républicains (LR) depuis 2001, qui n’a jamais eu de propos proches de ceux du FN, que pour la tête de liste LR en Paca, Christian Estrosi, qui agite le fantasme d’une «cinquième colonne» islamiste en France. Plus facile pour un électeur de gauche de voter «républicain» quand la droite ne parle pas comme l’extrême droite. Estrosi semble l’avoir compris, lui qui a soudainement dégainé un «comité de soutien» comptant des personnalités engagées contre le FN et qui parlent à la gauche (l’historien Serge Klarsfeld, le patron du RC Toulon Mourad Boudjellal, le journaliste Ivan Levaï…).
Comment expliquer autrement que Nicolas Sarkozy daigne désormais appeler Jean-Christophe Cambadélis pour fustiger conjointement l’invitation de Marine Le Pen à Des paroles et des actes, alors qu’il feignait jusqu’ici de ne même pas connaître le patron du PS ? Le fait que des électeurs de gauche se disent prêts à aller voter Alain Juppé à la primaire de la droite pour éviter un duel Sarkozy-Le Pen au second tour de 2017 doit aussi interroger les dirigeants du PS
La gauche devrait méditer la leçon de Toulon si elle veut éviter de connaître le même sort à l’échelle nationale.
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