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La Russie et la Chine défient la domination du dollar
Marie Charrel |
International
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La rumeur courait déjà depuis plusieurs semaines. Lundi 9 juin, le Financial Times l'a confirmée. Selon le quotidien financier, plusieurs entreprises russes envisagent d'utiliser non plus le dollar, mais le yuan chinois (ou Renminbi) pour réaliser leurs futures transactions commerciales. Cela, car elles redoutent que d'éventuelles sanctions occidentales ne les privent de l'accès au marché des financements en dollar.
Une mesure de précaution qui fait suite au gigantesque contrat signé le 21 mai entre les deux puissances : Moscou fournira du gaz à Pékin ces trente prochaines années. Montant de l'opération : 400 milliards de dollars (294 milliards d'euros). Et la facture sera, naturellement, réglée en yuan.
TENDANCE DE FOND
La veille, encore, c'est la VTB, la deuxième banque russe, qui a signé un accord avec la Banque de Chine. Désormais, les deux établissements ne libelleront plus leurs échanges en dollar, mais en yuan ou en rouble. Le 3 juin, enfin, Moscou et Pékin se sont alliés pour créer une agence de notation commune, afin de faire contrepoids aux agences de culture anglo-saxonne : Moody's, Standard & Poor's et Fitch…
Ces annonces relèvent en partie, bien sûr, de la manoeuvre politique. Le président russe, Vladimir Poutine, veut démontrer aux Occidentaux qu'il dispose, avec la Chine, d'un allié de poids sur l'échiquier géopolitique. Il cherche aussi à compenser l'isolement dans lequel l'a plongé la crise ukrainienne en jouant le rapprochement économique avec l'empire du Milieu. « Mais pour l'instant, les liens entre les deux pays pèsent peu face à ceux avec l'Union européenne », souligne Bei Xu, économiste chez Natixis. 50 % des exportations russes sont en effet à destination du Vieux Continent, contre 7 % seulement vers la Chine.
Mais ces accords en série ne sont pas seulement opportunistes. « En vérité, la crise ukrainienne a accéléré une tendance de fond déjà à l'oeuvre », explique Christopher Dembik, analyste chez Saxo Banque. Celle née pendant la crise financière de 2007, lorsque les pays émergents – Chine et Russie en tête – ont réalisé que leurs devises étaient bien trop exposées aux fluctuations de la politique monétaire américaine et du dollar. Depuis, tous cherchent à réduire leur dépendance au billet vert. Par exemple, en constituant une partie de leurs réserves de change en yuan.
A cela s'ajoute l'inexorable internationalisation du yuan, habilement pilotée par Pékin depuis le début des années 2000. Un mouvement au sein duquel le développement des échanges avec Moscou ne représente qu'une étape de plus.
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