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Tao et Islam, achèvement d’un Cycle
Tahir de la Nive |
Spiritualités :: Tradition
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Géomancie et géopolitique
Alors que la plupart des religions tiennent leur nom d’un homme ou « homme-dieu » qui serait leur fondateur, deux d’entre elles se définissent en fonction de la relation qui unit le Concepteur de l’Univers aux éléments de ce dernier. Ces deux religions sont l’Islam et le Tao. Alors que le mot arabe ‘Islam’ désigne la soumission des seconds au premier, plus précisément, dans le cas de la portion de l’humanité qui adhère à cette doctrine, son intégration volontaire à l’Ordre divin ; le mot chinois ‘Tao’ désigne la Voie qui les conduit vers cet état de perfection, d’identification au principe divin, de retour vers les sphères paradisiaques.
Il est significatif que dans les deux traditions, mais encore dans la doctrine de Platon, les sphères paradisiaques soient associées à l’Androgyne primordial. Le métaphysicien grec décrivait l'Homme initial, androgyne, en tant qu'être sphérique, semblable au Taï-Ki que le Tao place au centre du Pakwa, l’octogone sacré ; sphère dans laquelle Yang et Yin demeurent dans l'indivision (1).
La symbolique islamique quant à elle nous enseigne que le cercle ou mieux encore la sphère d’une part, le carré ou mieux encore le cube de l’autre, symbolisent respectivement les mondes céleste et terrestre. Les Sept Cieux ne doivent donc pas être tenus pour des plans horizontaux et superposés mais bel et bien pour des sphères concentriques, le centre même étant le Trône d’Allah ; ceci alors que sur terre la Maison d’Allah, le temple primordial de l’humanité, a pour structure le cube constitué par la Kaaba.
Toute aussi primordiale fut la désignation géomantique de son site : la tradition islamique nous enseigne que si une pierre tombait du Trône d’Allah, c’est sur le toit de la Kaaba qu’elle atterrirait. Et c’est bien une pierre, la fameuse pierre blanche, noircie au cours des âges et intégrée dans la construction du cube sacré, qu’Adam trouva là, à l’emplacement du temple qu’il allait ériger. Nous devons, en toute franchise, admettre notre incapacité de préciser si ce météorite se trouvait déjà là, désignant au père de l’humanité l’endroit où construire ce temple, ou bien si celui-ci la trouva là après avoir été conduit vers ce site par un autre facteur. Nous savons toutefois que, reconnaissant cette pierre qu’il avait vue au paradis, il l’étreignit avec passion et nostalgie de son premier séjour ; sentiments qu’il apaisa en faisant l’amour à Eve, recréant sur terre l’Androgyne céleste, l’homme et la femme retrouvant ensemble, pour l’instant d’une étreinte amoureuse, la condition paradisiaque.
Rappelons ici brièvement les circonstances de la création d’Adam, androgyne, la façon dont le Maître de l’Univers, en un suprême acte d’amour bien supérieur aux crucifixions et autres rites sanglants, insuffla Son Esprit à l’Homme et avec lui la Science sacrée liée, véhiculée par la langue primordiale, communion suivie par l’injonction de l’enseigner aux Anges. On sait la jalousie ardente, engendrant la révolte d’un Jinn nommé Chaïtan, sa résolution d’être désormais l’ennemi juré de l’Homme. Lorsqu’au cours de la descente à travers les sphères célestes, l’Homme (au sens latin de homo) se scinda en un homme (au sens latin de vir) et une femme, ce même Chaïtan manipula la seconde pour faire commettre à son compagnon sa première faute.
Sur ce point précis, la doctrine islamique rejoint celle du judéo-christianisme mais pour s’en écarter aussitôt radicalement, car si la seconde voit en ce péché originel d’Adam une faute provoquant le courroux éternel de Dieu, l’Islam enseigne au contraire que le Seigneur des Mondes, el-rahman el-rahim, le Tout-Miséricordieux, pardonna à sa créature chérie dont il connaissait pour les avoir créées les faiblesses et les failles. Aussi, la descente d’Adam et d’Eve de l’ultime sphère paradisiaque pour entrer dans le monde de l’existence est-elle interprétée par les deux doctrines de façon antinomique. Si la Bible nous la présente comme une exclusion, un châtiment de l’homme assorti de la diabolisation de la femme, le Coran nous enseigne le contraire : Adam fut envoyé sur Terre pour y régner au Nom d’Allah, couronné par lui de la fonction impériale. Certes, il allait y affronter les épreuves, y mener le combat. Les adeptes d’une morale qui prêche le « paix mes brebis » peuvent en effet concevoir ces coups et ces épreuves comme autant de manifestations de la rancune divine. Dans le cadre du concept de Jihad, les Musulmans les considèrent au contraire comme autant de bénédictions, conscients, avec Frédéric Nietzsche, que ‘le coup qui ne me tue pas me rend plus fort’, que ces épreuves, enfin, ont été voulues par Allah, non par quelque étrange sadisme mais précisément par amour de l’Homme, pour lui donner l’occasion de les vaincre et à travers elles de se surpasser et de revenir dans sa direction. Il s’agit donc non point d’un châtiment mais d’un ennoblissement.
Ainsi donc, Adam atterrit-il dans cette contrée qui correspond aujourd’hui à celle des Brahmanes, marchant vers celle que nous connaissons sous le nom d’Arabie, construisant au terme de son périple la sainte Kaaba, le cube sacré, ceci à l’intersection précise de la trajectoire du météorite projetant le Trône d’Allah, le centre des Sphères célestes, sur le site de la Maison d’Allah sur terre. Et de là, donc, le père et la mère du genre humain opérèrent leur remontée spirituelle, ésotériquement érotique, vers ce même Trône, vers ces mêmes Sphères, ne faisant plus qu’un dans leur étreinte, reconstituant l’Androgyne aux pieds de leur, de son créateur.
Leur lignée allait être ponctuée de quelque trois centaines de Messagers de l’Unique, la paix soit sur eux tous, unanimement chargés de la mission de ramener leurs contemporains vers le Sirat-al-moustaqim, vers le droit chemin, ou encore, en chinois, vers le Tao ; le dernier maillon de cette chaîne étant l’Arabe Mohammed, transmetteur du Coran. Il eut le privilège de réaliser, spirituellement et physiquement, la remontée céleste, du Cube de La Mecque jusqu’au centre des Sphères, avec cette particularité toutefois qu’il fit en chemin une halte dans une autre cité terrestre : Jérusalem.
L'Empereur Fou-Hsi, selon certaine interprétation, serait né du dieu-Tonnerre et d'une mortelle, Hua-Xou; naissance qui l'apparenterait à d'autres personnages nés sans père physique, tel l'empereur du Japon Jimmu, tels encore Merlin et Jésus. Selon la tradition chinoise, il eut à sa naissance une sœur, Nou-Koua. De son union avec cette sœur-épouse serait née l'espèce humaine. Nous retrouvons ici, de toute évidence, le mythe d'Adam et Eve, dans une version qui va toutefois dans le sens du Coran et dément la légende biblique selon laquelle Eve serait née d'une côte d'Adam; légende qui engendra le statut d'infériorité dont la femme souffre dans la société judéo-chrétienne, tout autant que de sa diabolisation en tant qu'incitatrice au péché (2).
S’identifiant à Adam et à Eve, Fou-Hsi et Nou-Koua sont donc les incarnations humaines respectivement du Yang et du Yin, désormais dissociés en s’extrayant de la sphère symbolisée par le Taï-Ki qui nous enseigne en outre qu’il demeure un point de Yin dans le Yang et de Yang dans le Yin. Le premier empereur de Chine et le constructeur de la Kaaba ne seraient donc qu’une seule et même personne, la fonction de Rasoul s’identifiant à la fonction impériale dans son acception suprême d’autorité spirituelle précédant le pouvoir temporel, avant même que de ceindre le casque de l’Imperator, l’empereur, au sens original de terme, se coiffant de la tiare du Pontifex.
Selon René Guénon, les apparats vestimentaires des empereurs de Chine consistaient en une tiare semi-sphérique (3) et en une robe dont le bas formait un carré, l’ensemble symbolisant la fonction pontificale, ou encore califale, littéralement, de ‘pont lancé entre les mondes céleste et terrestre’. Tout comme l’assise de la Kaaba, le site de la cité impériale était un carré, traversé sur chaque côté par trois portes, chacune placée sous un signe zodiacal. Par ailleurs, la cité impériale chinoise incluait une petite mosquée : construite pour l’épouse musulmane d’un empereur de Chine, son existence n’en demeure pas moins à nos yeux hautement symbolique de la relation fraternelle, mieux encore, de l’unicité de l’Islam et du Tao.
Dans l’Islam comme dans le Tao, le chemin du cube vers la sphère passe par la figure intermédiaire, l’octogone. Chiffre dont le carré donne le nombre de combinaisons du Yang et du Yin dans le Yi-King, les huit faces du Pakwa entourent le Taï-Ki tout comme les huit anges se tiennent autour du Trône d’Allah, tout comme les huit côtés de la mosquée de Jérusalem entourent le site de la halte de Mohammed lors de son ascension céleste.
Ce n’est donc point un hasard si, à l’heure où les poings et les imprécations de la soldatesque la plus haineuse et la plus furieuse de l’Occident se tendent, dans leur rage impuissante, vers l’Octogone qui domine les ruines du Temple de Salomon, la Chine se dresse comme l’ultime salut des peuples face au bulldozer lancé pour écraser nations et cultures. Fort de sa discipline, de sa vitalité, de sa capacité de labeur comme de sa formidable et admirable armée, de son enracinement dans la tradition primordiale comme de sa saine approche de la modernité, le peuple chinois et ses dirigeants regardent avec sang-froid et mépris les misérables tentatives de l’Occident de le déstabiliser à l’intérieur comme de l’encercler. La conquête chinoise de l’espace se réalise à un rythme six fois plus rapide que celle menée par la NASA, encore que celle-ci ne doive ses succès initiaux qu’aux savants européens capturés en 1945. Ayant tiré les leçons nécessaires de la conquête par déstabilisation de l’Irak et de l’Afghanistan par les USA, la Chine a rompu l’encerclement stratégique par l’alliance militaire avec la Russie, l’Iran et le Pakistan. Les armées russes et chinoises se sont, au cours de l’été 2005, livrées à des manœuvres communes dont le sens et l’importance n’ont échappé à aucun observateur, à l’heure où à Washington on mijote l’agression de l’Iran et de la Syrie sous le fallacieux prétexte qu’au nom de l’égalité entre les peuples, il en soit qui aient le droit d’entretenir les arsenaux nucléaires capables de pulvériser la Planète en un monopole indiscuté du terrorisme atomique face au reste de l’humanité qui n’aurait d’autre droit que de se soumettre. Sanctuaire du Monde Libre, la Chine est également en voie de devenir la plus grande puissance islamique mondiale, grâce à sa communauté musulmane parfaitement intégrée, respectée et reconnue par la majorité bouddhiste et taoïste, insensible aux incitations au séparatisme venant de ceux-là même qui sont à l’origine de la vague d’islamophobie occidentale.
A l’heure du bicentenaire d’une des majeures tentatives eurasiatiques, alors conçue sur les bords de la Seine, l’Europe occidentale doit pour son salut se libérer à jamais du mythe de son appartenance à l’Occident prétendu ‘libre et civilisé’. Il est notamment à souhaiter que ses dirigeants politiques cessent de se couvrir de ridicule en prétendant, lors de leurs visites à Beijing, donner des leçons en matière de ‘Droits de l’Homme’ alors qu’en France il est question de ‘traiter au Kärcher’, pourquoi pas au napalm ou au Zyklon B, les populations que l’exclusion socio-ethno-religieuse ont poussées à la révolte, que, sous prétexte d’attentats commis par des membres de sectes faussement dites ‘islamiques’ et créées par les services américano-saoudiens, nos compatriotes sont condamnés à être fichés, filmés, répertoriés et tenus en laisse à longueur de vie, que les grands maîtres en démocratie, enfin, sont en train de légaliser les enlèvements et la torture de leurs opposants à travers le Monde.
Bien plus que le fruit d’impératifs géopolitiques, l’alliance de la Chine et de l’Islam constitue l’achèvement d’un cycle multimillénaire qui fait se réunir, comme le Yin et le Yang dans la sphère matrice des mondes, l’Alpha et l’Oméga de la tradition primordiale. Il appartient aux peuples européens de s’intégrer volontairement et hardiment à cette gigantesque révolution face à laquelle l’Occident a déjà commencé à s’effriter. Ce n’est même plus une affaire de gloire mais seulement de survie.
(1) Le Pakwa est très populaire en Chine où il est souvent placé sur le seuil du foyer, même parfois aux fenêtres, ceci afin d’en repousser les êtres maléfiques invisibles appartenant à la catégorie des Jnoun (pluriel de Jinn) en terminologie coranique. Au centre d’une face on trouve donc le symbole , sur l’autre un miroir. C’est ce dernier qui est tourné vers l’extérieur du foyer, dans sa fonction protectrice.
(2) Légende toutefois reprise dans un hadith, avec le commentaire qu’il faut prendre bien garde de ne point tendre cette côte afin qu’elle ne casse. Quant à nous, nous nous en tenons à la pureté de la doctrine islamique, le Coran étant un livre de science, de pédagogie, aux termes rationnels, poétiques, certes, mais sans concession aux affabulations.
(3) Sans doute y a-t-il là une relation avec le Japonais atama signifiant ‘tête’, mot dérivé de tama signifiant ‘spère’. Le Nihongo désigne d’autres éléments anatomiques de façon fort pittoresque : Kintama, les ‘sphères d’or’, matrices potentielles de l’Androgyne biologique. |
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