« Le vote FN devient de plus en plus un vote d’adhésion »
Selon Gilles Ivaldi, chercheur au CNRS spécialisé sur l’extrême droite, le premier tour des régionales est la marque d’une montée en puissance du FN amorcée depuis 2011.
Un peu plus de 6 millions. C’est le nombre de Français ayant voté pour le Front national (FN) pour le premier tour des régionales. C’est près de trois fois plus qu’au premier tour des régionales de 2010, où ils avaient été 2,2 millions. L'abstention, d'ordinaire pointée du doigt comme marche pied du FN, a été moindre en 2015 qu'en 2010 (50,2 % contre 53, 7). Cette poussée historique du parti d’extrême droite fait aujourd’hui réagir les états-majors politiques, déchirés entre fusion des listes, retraits ou maintien . Les Echos a contacté Gilles Ivaldi, chercheur au CNRS spécialisé sur l’extrême droite, pour tenter d’y voir plus clair.
Comment peut-on expliquer le quasi triplement du vote FN en 5 ans ?
En 2010, nous sommes encore dans l’après 2007, où le FN a subi un échec à la présidentielle et aux législatives, mais où il reprend des couleurs. À partir de 2011 et l’accession à la présidence du parti de Marine le Pen, on constate une vraie montée en puissance. Il est d’ailleurs à souligner que ce nombre de voix au premier tour est comparable aux 6,4 millions de voix de la présidentielle de 2012. La raison de ce vote aujourd’hui tient dans la conjonction de plusieurs crises. Une crise économique et sociale tout d’abord, avec un chômage qui continue d’augmenter, et ce dans la durée. Or, des études ont montré que le chômage est une variable clé du vote FN. Ensuite, nous avons affaire à une crise migratoire, avec des milliers de réfugiés qui arrivent en Europe. Cette crise est instrumentalisée par le FN, comme par l’ensemble des partis d’extrême-droite européens.
Pensez-vous qu’il y ait eu un « effet attentat » ?
Je pense qu’une autre crise est effectivement une crise sécuritaire. Il y a eu un « effet attentat ». Les attentats du 13 novembre dernier ont donné un coup d’accélérateur et ont amené des électeurs vers le FN. Mais plus largement, je pense qu’il y a une crise de la représentativité politique et des partis, structurelle en France. Les électeurs ne se reconnaissent plus dans ces partis de gouvernements qui sont au pouvoir en alternance depuis les années 1980. On observe un développement profond d’un vote FN qui reste très contestataire, mais qui devient de plus en plus un vote d’adhésion.
Selon Gilles Ivaldi, chercheur au CNRS spécialisé sur l’extrême droite, le premier tour des régionales est la marque d’une montée en puissance du FN amorcée depuis 2011.
Un peu plus de 6 millions. C’est le nombre de Français ayant voté pour le Front national (FN) pour le premier tour des régionales. C’est près de trois fois plus qu’au premier tour des régionales de 2010, où ils avaient été 2,2 millions. L'abstention, d'ordinaire pointée du doigt comme marche pied du FN, a été moindre en 2015 qu'en 2010 (50,2 % contre 53, 7). Cette poussée historique du parti d’extrême droite fait aujourd’hui réagir les états-majors politiques, déchirés entre fusion des listes, retraits ou maintien . Les Echos a contacté Gilles Ivaldi, chercheur au CNRS spécialisé sur l’extrême droite, pour tenter d’y voir plus clair.
Comment peut-on expliquer le quasi triplement du vote FN en 5 ans ?
En 2010, nous sommes encore dans l’après 2007, où le FN a subi un échec à la présidentielle et aux législatives, mais où il reprend des couleurs. À partir de 2011 et l’accession à la présidence du parti de Marine le Pen, on constate une vraie montée en puissance. Il est d’ailleurs à souligner que ce nombre de voix au premier tour est comparable aux 6,4 millions de voix de la présidentielle de 2012. La raison de ce vote aujourd’hui tient dans la conjonction de plusieurs crises. Une crise économique et sociale tout d’abord, avec un chômage qui continue d’augmenter, et ce dans la durée. Or, des études ont montré que le chômage est une variable clé du vote FN. Ensuite, nous avons affaire à une crise migratoire, avec des milliers de réfugiés qui arrivent en Europe. Cette crise est instrumentalisée par le FN, comme par l’ensemble des partis d’extrême-droite européens.
Pensez-vous qu’il y ait eu un « effet attentat » ?
Je pense qu’une autre crise est effectivement une crise sécuritaire. Il y a eu un « effet attentat ». Les attentats du 13 novembre dernier ont donné un coup d’accélérateur et ont amené des électeurs vers le FN. Mais plus largement, je pense qu’il y a une crise de la représentativité politique et des partis, structurelle en France. Les électeurs ne se reconnaissent plus dans ces partis de gouvernements qui sont au pouvoir en alternance depuis les années 1980. On observe un développement profond d’un vote FN qui reste très contestataire, mais qui devient de plus en plus un vote d’adhésion.
Est-ce que l’argument « essayons-les » est à prendre au sérieux ?
Oui, c’est un argument qui porte de plus en plus. Les Français qui se tournent vers le FN le font parce qu’ils veulent autre chose que ce qu’ont pu proposer la droite et la gauche depuis 30 ans, et parce que la droite a sans doute contribué à légitimer les idées du FN. Au fond, le Front national cherche aujourd’hui un point d’équilibre entre radicalité et dédiabolisation. Marine Le Pen cherche à passer le plafond de verre de la respectabilité tout en gardant une radicalité qui draine en premier lieu le vote FN. Ce travail de dédiabolisation n’est pas encore terminé, mais il permet aujourd’hui au FN de faire moins peur à une partie de la population qui ne serait jamais allé voter FN auparavant. De plus, il affiche aujourd’hui des candidats plus jeunes, qui ont un profil qui fait moins peur, même s’ils ont mené une campagne très radicale. Depuis 40 ans, le FN dénonce le partage du pouvoir entre gauche et droite. Ce populisme très fort porte aujourd’hui ses fruits.