La rue appartient à celui qui y descend et l’identité à celui qui la défend
Ce soir la il y avait facilement 2 à 300 personnes. Tous les ages, petits enfants de 1 a 10 ans, adolescents, jeunes hommes et jeunes femmes de ma génération (la vingtaine), trentenaires papas et mamans des enfants déjà cités, et les papys et leurs mamies… Il y a une buvette, mais elle est presque déserte, tout le monde est venu profiter du spectacle qui ne va pas tarder à commencer. J’en profite pour faire le tour, je vois les têtes connues du coin, ça, c’est obligé, mais aussi une grosse majorité dont j’ignore tout. Je m’installe tranquillement dans un coin, et le spectacle organisé par le « comité des fêtes » commence.
Il s’ouvre sur une danse des « chettas », un groupe « folklorique » (comprenez par là qu’ils ont refusé de passer a la tecktonik malgré les ordres de TF1 et Fun Radio) des Vosges. Costume traditionnel, sabot en bois, le tout sur un fond d’accordéon qui joue des airs que nous connaissons bien : « en passant par la Lorraine… » Un écran juste derrière eux diffuse un clip, des images de notre région, ses paysages, ses spécialités, les grands noms qui ont écrit son histoire. Quand la danse se termine, des enfants et des ados nous jouent un spectacle qu’ils ont écrit, un vieillard à longue barbe parle à une jeune fille et lui raconte son tour de France, qui démarre aux pieds des sapins des Vosges. Pas de doute, les dialogues sont lus par de vrais vosgiens, il n’y a pas deux accents comme ça en France. « Les vosgiens sont des Belges qui n’ont pas trouvé la Suisse ! »
D’un bon, nous voici en Bretagne, place sur la scène aux danseurs et danseuses.
La légende dit vrai, ils ont des chapeaux ronds ! Sur fond de musique, celtique cette fois, le drapeau lorrain fait place au drapeau breton, la danse est entraînante, on aurait presque envie de monter avec eux pour se laisser emporter par la douce folie qui s’empare de leurs jambes et de leurs bras. Pas le temps de passer à l’acte – heureusement ! – que déjà les enfants reprennent place sur l’estrade. Cette fois, il est question de l’Alsace ! On vient de retraverser le pays dans l’autre sens ! Ma foi, c’est aussi ça la magie de l’imagination.
Le dialogue se fait avec l’accent là encore, si celui des Vosges est typique, l’Alsacien ne l’est pas moins !
La scène jouée par les enfants représente une famille, un père, une mère, autour d’une table, les enfants sages autour…et un dernier qui « dort toute la journée », il dit s’appeler « Jacques » et quand ses parents/acteurs lui demandent ce qu’il veut faire plus tard, il lève deux doigts au ciel et répond qu’il veut être président de la République, le tout avec un accent qui ne trompe personne concernant son nom de famille ! Qui a dit que la fronde était réservée aux adultes ?
Pas de temps mort, les nouveaux artistes enchaînent, eux aussi en costumes traditionnels, et nous offrent une danse « à la mode de chez eux » qui, a l’instar toujours de l’accent, n’a rien à envier aux précédentes. S’ensuit une petite surprise, les enfants disent qu’ils vont rendre hommage à leurs amis américains…Cet hommage est en fait un rappel aux « gendarmes du monde »…leur « statue de la Liberté », au nom de laquelle ils violent aujourd’hui celle des autres, a été dessinée par Frédéric Auguste Bartholdi, un Alsacien ! Un petit Astérix, suivi évidemment, d’Obélix, fait son entrée sur la scène, pour un dialogue inspiré et amusant, qui est aussi la preuve que la tradition fidèle peut se mêler a une certaine modernité des symboles, quand tout ceci reste sain.
Le spectacle se termine, la foule applaudit l’ensemble des protagonistes : acteurs en herbes, musiciens, danseurs, techniciens, scriptes… Chacun a droit à son quart d’heure de gloire warholien. La lumière s’éteint alors et c’est l’explosion, le ciel se colore pendant prêt de 20 minutes. Les feux d’artifices nous font lever les yeux au ciel et c’est après le bouquet final que nous échangeons nos impressions. Tout le monde semble ravi, cette « petite France » de campagne qui profite de son week-end pour voir sa jeunesse rendre hommage à sa culture, ses traditions, après avoir, sans rien attendre d’autre en retour que la gloire éphémère de quelques applaudissements, travaillé pendant des jours à imaginer puis monter une scène et les décors qui vont avec. Voilà une forme de jeune courage, voilà une forme d’abnégation qui force le respect. Détail amusant, du début à la fin, je n’ai vu que des Européens…
Mais, j’ai oublié de le dire ? Où sommes nous ?
À la « fête de l’identité » ?
A la « french pride » ?
Au « congrès nationaliste » ?
Non.
Nous sommes à la fête nationale française, à Xertigny, petit village de 3000 âmes des Vosges. Certainement un village de fachos pour en faire autant, des « mecs de chez nous ».
Pensez vous ?
Le « patron » du comité des fêtes s’appelle « Marcel » (non, pas moi, un autre), il est ouvrier en usine. Je l’ai toujours connu avec les cheveux longs et son inséparable chapeau de cow-boy… Je l’ai toujours connu de gauche aussi. Souvent, je le croisais en collant des autocollants dans mon patelin, il ne pouvait s’empêcher de sourire et de me dire que j’aurais sûrement mieux à faire. Pas de leçon de morale, pas de discours de petit prof merdique, juste un conseil d’ami. Il avait sans doute raison, par pour les « bons motifs », mais c’est vrai, j’avais mieux à faire. Son assistant aussi, un jeune Xertignois, qui doit avoir tout juste 20ans_Laurent_un « petit blanc », avec des dread locks. La liste est longue, mais elle reste dans cette ligne.
Pour organiser ce vibrant hommage a notre identité, nul « mec du milieu », nul « mec bien formé » ou autres foutaises : des petits blancs, certainement des « gauchos », des « collabos » pour les plus virulents des frustrés. Dans le public ? Même tarif…Les Vosges regorgent pourtant de « fachos », ce soir, il n’y en avait pas un. Mieux à faire ? Je ne suis pas sûr… Au même endroit, quelques semaines plus tôt, il y en avait. Mais ce jour-là, pas de référence a notre identité charnelle, pas de danses traditionnelles, pas de musique de nos terroirs. Du métal et de la techno, oui et bien sûr de la bière en quantité, inévitablement. Du rock pourri et de la bière bon marché, voilà ce qui attire le « militant d’extrême droite », rien ne plus, rien de moins.
Quand l’identité qu’il prétend défendre est directement évoquée, plus personne, « pas intéressé ».
Mais évidemment…ce soir la il n’y avait pas…
…de maître en paranoïa antisémite…
…de rappeur identitaire venu dédicacer leur première galette.
…de groupe « politisé » (comprendre « raciste) de rock, rock qui trouve ses origines dans le blues et les musiciens africains américains…
…D’ancien de ceci et de cela, racontant ses fantastiques histoires de collages et autres bastons…
…de fantasmes de « guerre raciale »…
…de branlettes hystériques sur un prétendu courage consubstantiel des fafs…
Non, rien de tout ça, rien qui ne plaise aux fafs. L'identité profonde n'est pas provocatrice, ils ignorent tout de nos traditions, comme ils ignorent tout de ceux qui se sont battus pour les symboles qu'ils arborent, du bouclier spartiate au svastika, pour eux l'intérêt est de "choquer", de "provoquer", pas de perpétuer une tradition. Quand le Système expliquera aux organisateurs de l'évènement que notre identité ne doit plus être évoquée publiquement, les éléments prétendument subversifs et militants de la mouvance "identitaire" n'auront à proposer que des solstices/ivrogneries, des concerts de RAC et des soirées DVD planqués devant "300".
Ceux la même qui me reprochent sur Internet d’être trop souvent sur Internet, arguant que la rue appartient à celui qui y descend et oubliant que l’identité appartient à celui qui la défend.
Rémi Creusot, est un ancien responsable local identitaire
|