En Irak comme dans la CEI, la démocratie libérale est une arme aux mains du « grand Satan ».
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01/02/05 |
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6.36 t.u. |
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Christian Bouchet |
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Hier, tout le « savoir faire » colonial archaïque consistait à donner envie, au colonisé, de singer le colon.
Les choses n’ont guère changé et les « premières élections libres » en Irak nous en donnent un bon exemple. Voici un peuple qui, après avoir été dépossédé de son indépendance et de son patrimoine, est contraint à se plier à l'exercice démocratique justement par ceux qui l’ont attaqué et qui maintenant l’occupent. Ceci afin que ces derniers puissent vérifier si, après les bombardements, les massacres et les tortures, il est atteint de façon satisfaisante, voire irréversible, du phénomène de mimétisme démocratique.
Il est bien évident que la « liturgie électorale » dans sa version démocratique libérale est un artifice destiné à l'exportation, au même titre que le commerce de l'armement, et qu’elle remplit une mission de stratégie d'appoint pour délester les peuples de leur culture identitaire au profit de l’Occident, après les avoir dépossédés de toute souveraineté sur leur propre sol. Une image en langue Arabe qualifie, à la perfection, ce carnaval : « Offrir des boucles d'oreilles et des bagues à un individu complètement nu ».
Rappelons que la pratique classique de la démocratie consiste à glisser un bulletin dans une enveloppe, à l'abri des regards, dans un isoloir, avant de la déposer dans une urne après que votre identité ait été vérifiée sur une liste électorale régulièrement révisée. Les candidats au suffrage s'étant, auparavant, présenté aux électeurs, à visage découvert et ayant mené une campagne largement relayée par une presse indépendante (du moins en apparence).
Tout cela ne doit cependant être respecté que par les peuples « développés ». Pour les « bougnoules » irakiens , pourquoi s’embarrasser de telles subtilités ?
Passons sur le fait que ces élections se soient déroulées sous les bombardements et au milieu des rafles et des arrestations. Contentons nous de nous étonner que les quelques candidats qui ont osé se présenter aux électeurs l’ont fait le visage dissimulé et en ne donnant pas leur nom ; que les listes électorales aient été invérifiables, que les urnes aient été sans domicile fixe et que les GI's aient collé des affiches et tracté dans la rue comme de vulgaires militants associatifs.
Etonnons nous aussi de la couverture médiatique internationale effectuée par des journalistes « enfermés dans leurs chambres » dans les grands hôtels de Bagdad, quand ils n’ont pas été repliés par leur rédaction dans les pays limitrophes.
Bien sûr, les Irakiens, nous répètent en boucle tous les journaleux, attendaient cette heure depuis 30 voire 50 ans. C’est pour cela qu’ils ont souffert, pendant 15 ans, un embargo drastique sur les denrées et les médicaments de première nécessité, qu’ils ont subi bombardements sur bombardements, et c’est pour cela encore que l’on assassine aujourd’hui leurs fils et que l’on viole leurs filles...
Ceux qui résistent à l’occupant ne font, bien sûr, que commettre, comme nous le rappelle sans cesse les médias, « un nouvel attentat contre la Démocratie. »
Ce qui est bon pour les « bougnoules » étant, quand même, un peu trop caricatural dans les pays de l’ex-bloc soviétique (c’est dire le mépris dans lequel les services psychologiques de Washington tiennent les Arabes) c’est une toute autre stratégie que l’on voit s’y développer actuellement. Expérimentée en Serbie, perfectionnée en Géorgie elle a atteint son summum d’efficacité en Ukraine.
Il s’agit de dénoncer toute élection que n’ont pas gagnée les pro-occidentaux comme antidémocratique et comme manipulée, de faire défendre cette thèse par des manifestants dont les images sont complaisamment diffusées dans le monde entier par des médias aux ordres et d’exiger un nouveau vote « sous le contrôle d’observateurs internationaux » qui sera, lui, déclaré comme légitime, indépendamment de toutes les fraudes qui peuvent avoir eu lieues et des millions de dollars qui auront été déversés sur le pays pour assurer la victoire des pro-yankees.
On ne devrait pas en avoir fini de voir cette stratégie se dérouler, puisque, fin janvier, Pora, le mouvement ukrainien ayant joué un rôle important dans la « révolution orange », a décidé d’exporter son savoir-faire dans le reste de l'ex-URSS. « La Russie ouvre la liste, suivie par le Bélarus, la Moldavie, l'Azerbaïdjan et le Kazakhstan », a déclaré un de ses dirigeants à la presse tandis que Vladimir Rouchaïlo, ancien chef du Conseil russe de sécurité nationale avertissait que « La répétition de tels scénarios est possible tant parmi les pays de la Communauté des Etats indépendants qu'au delà ».
Tout cela devrait nous renforcer dans une conviction : s’il faut agir localement, il faut penser globalement. Les victoires de tous les ennemis de l’Oncle Sam et de son Occident sont les nôtres, comme leurs défaites le sont de même. Alors, à défaut de pouvoir faire plus, hic et nunc, autour de nous, au minimum dans nos familles, nos relations et sur notre lieu de travail, il faut dire le vrai : la démocratie libérale est une parodie et c’est une arme aux mains du « grand Satan ».
Christian Bouchet
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