L’Amérique latine me fait (de nouveau) rêver
 |
17/01/05 |
 |
7.31 t.u. |
 |
Christian Bouchet |
|
Comme beaucoup de militants de ma génération, j’ai, durant une période, beaucoup « rêvé » en suivant l’actualité politique de l’Amérique latine.
L’action des Montoneros, la théorisation d’un péronisme révolutionnaire, suivis du retour du vieux général au pouvoir, furent pour moi similaires aux événements d’Iran. Ici et là, c’était la même idéologie terceriste, populiste et nationale qui était développée sous des habits différents. Ici et là, c’était, de manières différentes mais convergentes, le même ennemi qui était désigné. Ici et là, se déroulait cette révolution non-marxiste que nous aurions tant voulu voir à l’œuvre, de nouveau, sur le sol européen.
Malgré près de trois lustres d’âge en plus, j’ai recommencé, depuis quelques temps, à « rêver » en suivant l’actualité politique de l’Amérique latine.
Quand je parle d’actualité, je n’évoque pas, bien sûr, celle que l’on peut suivre dans les médias de l’Occident tout acquis à la cause occidentale, mais celle qu’une lecture assidue des dépêches des agences sud-américaines et de la presse libre de l’Amérique latine permet de découvrir.
Comment ne pas rêver devant la victoire de Chavez et de sa révolution bolivarienne ? N’est-ce pas là l’illustration la plus parfaite d’un national-populisme en action ? A côté de Chavez, le « gauchiste » Lula - idole de notre « extrême-gauche caviar » - fait triste figure avec sa fausse révolte et sa soumission empressée, et sans combats, face aux puissants.
Comment ne pas rêver quand on voit se créer la Comunidad Sudamericana. préfiguration de la Grande nation indépendante et unie que souhaitaient Bolivar, Peron, Haya della Torre et de bien d’autres nationalistes panaméricains ? Avec une population de trois cent soixante millions d’habitants cette Communauté - si elle perdure - pourrait bien, à terme, jouer un rôle géopolitique important et contribuer à la renaissance d’un monde multipolaire.
Comment ne pas rêver, encore, quand on annonce la création prochaine d'un "al-Jazeera" local dont la programmation couvrirait toute l'Amérique du Sud pour s’opposer à l’emprise de CNN and co ? On me dira que nous n’avons rien à y gagner en Europe. J’ai cependant la faiblesse de penser que la liberté de l’information est un tout qui agit par ricochet, sinon pourquoi aurait-on interdit la diffusion d’al-Manar en France ?
Comment ne pas rêver, enfin, en évoquant la récente insurrection du Mouvement nationaliste péruvien à Andahuaylas ? Insurrection dont le programme prévoyait « l’autarcie économique avec suspension des importations ; la primauté du droit traditionnel des tribus andines, même sur les droits de l'homme ; le peloton d'exécution pour les corrompus ; l’interdiction de l'Eglise catholique et la relance des croyances ancestrales... »
Il y a là bien des raisons de rêver en effet. Des raisons diverses mais qui sont toutes dues à une même cause : au réveil du peuple sud-américain et à ses tentatives de remettre en cause le Nouvel ordre mondial.
Là-bas comme ici, les ennemis du Grand Satan et de l'Occident sont nos amis et leur progrès, aussi tenus soient-ils, sont les nôtres.
Christian Bouchet
|