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:::::::: histoire :: pays de l'est ::
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Débats confus au procès Limonov
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25/09/02 |
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19.30 t.u. |
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Svetlana Barouzdina |
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Kommersant, le 17 septembre 2002
L'exposition du dossier d'intruction dans le procès du leader du NBP (Parti national-bolchevique) Edouard Limonov et de cinq de ses camarades a commencé hier à Saratov. Après la lecture des conclusions de l'accusation, il s'est avéré que celle-ci n'était pas prête à présenter la liste des preuves qui seront utilisées au cours du procès. L'audience a été à nouveau reportée.
Edouard Limonov et son disciple Serge Axenov sont accusés de tentative de formation de bande armée et d'incitation au renversement du gouvernement du Kazakhstan et de la Russie, ainsi que d'acquisition et détention d'armes illégales. Les autres accusés - Oleg Laletine, Vladimir Pentelouk, Dimitri Kariaguine et Nina Silina - sont accusés de complicité des mêmes chefs d'accusation.
Au début de la séance, le tribunal a examiné la pétition remise par la défense la semaine dernière. Le juge Vladimir Matrossov a déclaré que sur les 15 exigences des avocats, on n'accorderait satisfaction qu'à une seule.
En particulier, on rejette l'exigence exprimée dans la pétition de
changer les mesures d'injonction de l'accusé. Edouard Limonov a déclaré plusieurs fois qu'il avait été retenu illégalement à Lefortovo entre le 11 et le 18 avril 2002 parce qu'on avait pas présenté à ce moment-là les documents de prolongation de son arrestation. Le juge a décidé de les exiger des organes d'instruction moscovites, mais n'a pas modifié les mesures d'injonction : "L'absence des documents prolongeant la détention ne prouve pas que celle-ci était illégale, a déclaré le juge. Les charges sont suffisamment lourdes pour qu'il soit impossible de relâcher l'accusé".
Le tribunal a également rejeté la demande de retrait de pièces à conviction : des tenues camouflées (chapka, vareuse et pantalon) trouvées dans le bunker du NBP à Moscou. Des militants du NBP présents dans la salle ont affirmé qu'il y avait aussi un caleçon. Edouard Limonov a déclaré qu'il était idiot de se servir des vêtements d'une personne pour prouver la culpabilité de plusieurs, en dehors du fait qu'au moment de la découverte de ces vêtements, il était dans l'Altaï.
Une seule demande des avocats a été satisfaite : inclure dans le dossier la lettre envoyée dans l'Altaï par Axenov à sa petite amie de Moscou. Dans celle-ci, l'accusé parle de sa vie quotidienne et de la beauté de la nature.
La défense assure que la lettre prouve que l'idée de commettre des attentats n'était pas venue aux accusés, mais les instructeurs refusaient de la joindre au dossier.
"Cette lettre est une lettre personnelle et ne prouve rien, a dit le procureur Sergueï Verbine. Personne n'ira raconter à sa petite amie ses intentions de renverser le gouvernement du Kazakhstan."
"Au contraire, a riposté Sergueï Beliak l'avocat. On en parlerait à sa petite amie pour se vanter de son héroïsme." Le juge a délibéré et ordonné que la lettre soit jointe au dossier.
Le tribunal a résolu d'appeler à la barre tous les témoins de la défense. Après cela, le juge Vladimir Matrossov a déclaré la séance ouverte.
L'acte d'accusation a été lu. La plus grande partie consiste en des conversations téléphoniques codées entre les accusés. Cependant les dialogues eux-mêmes n'ont pas été fournis, seulement le résumé qu'en a fait l'accusation. Toutes les charges pesant sur les accusés depuis le début du procès ont été maintenues.
Après l'examen des charges, survint un moment de confusion.
"Camarade Juge, puis-je poser trois questions au procureur ?" a crié une activiste du NBP. Le juge s'est inquiété et a menacé de faire expulser l'activiste de la salle de tribunal. Celle-ci est restée assise, mais après l'audience a expliqué à la correspondante de Kommersant qu'elle voulait demander au procureur s'il connaissait le nombre de militants du NBP. D'après ses calculs, ceux-ci ne sont pas plus de 8 000.
"Peut-on vraiment croire qu'à 8 000 on soit en mesure de renverser un État, même celui du Kazakhstan ?"
Aucun des accusés n'a reconnu les faits qui lui étaient reprochés. Edouard Limonov les a qualifiés de "tissu de mensonges fabriqués par la direction du FSB", qui s'occupe de traquer son parti depuis 1997. Il a comparé son parti à la "Jeune Garde" soudain mise en accusation par le NKVD.
"Nous défendons le droit des russophones à l'étranger et ne rencontrons pas de sympathie en Russie", a dit monsieur Limonov.
L'accusée Nina Silina s'est plainte qu'on l'ait mise au cachot par deux fois au cours de l'enquête et forcée de faire des déclarations incriminant monsieur Limonov. La première fois parce que, souffrant d'une tension élevée et de douleurs vertébrales, elle a refusé de sortir en promenade et la deuxième parce qu'elle s'était plainte de la conduite des autorités pénitentiaires. Après l'intervention du procureur de Saratov, la punition a été levée. Les avocats ont exigé qu'on examine l'état de santé de Nina Silina, mais le juge a refusé. Le procureur Verbine a expliqué que "les simulations étaient extrêmement fréquentes en détention préventive et qu'il était hors de question de demander une expertise en se fiant aux paroles des avocats."
L'accusé Oleg Valetine a déclaré de son côté qu'il était difficile d'obtenir des soins médicaux en préventive.
"Il y a déjà un mois que mon compagnon de cellule souffre d'une dent gâtée sans qu'on lui extraie".
- On n'emmène jamais les accusés malades au tribunal, a déclaré Matrossov.
- Et la médecine laisse à désirer même pour les gens en liberté, a ajouté Serge Verbine.
"Aucune instruction particulière ne m'a été donnée pour la conduite de cette affaire, a dit le procureur à notre correspondante. Je n'ai pas a priori l'intention d'enterrer Limonov en prison. En tant que citoyen, les idées du NBP me semblent séduisantes. Mais les méthodes employées pour leur réalisation sont complètement illégales."
Svetlana Barouzdina à Saratov, traduit du russe par T.M. et
[email protected]
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