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Le Ba’as, idéologie et histoire

15/11/03 5.34 t.u.
François Duprat

Le seul parti nationaliste arabe digne de ce nom reste le Ba’as, les divers mouvements de type nassérien ayant été incapables d'aboutir à la création d'une force idéologique et politique dans les pays arabes. Le Ba’as doit donc être étudié en tant qu'unique représentant de l'idéologie unioniste arabe, organisée en parti et non limitée à un simple mouvement d’opinion, si vaste soit-il (hier, le nassérisme, aujourd'hui, peut-être le kadhafisme).

L’idéologie du Ba’as

Le Ba’as offre la particularité d'être le seul parti politique pan-arabe (si l'on met à part le cas, très original, du Parti Populaire Syrien) à avoir tenté d’élaborer réellement une doctrine « nationale-révolutionnaire » un tant soit peu cohérente grâce aux analyses politiques et historiques de son fondateur et leader, Michel Aflak (un syrien grec-orthodoxe), d’abord dans de nombreux articles dispersés et, surtout, dans son ouvrage de synthèse Fi sabîl al-Ba’as, publié à Damas en 1959, au temps de l'Union Syro-Egyptienne, au sein de la République arabe unie.

Aflak analyse ainsi son nationalisme et son opposition à la philosophie marxiste :

« La Nation Arabe a une histoire indépendante de l'histoire de l'Occident et de l’Europe; les théories et les formes d'organisation issues de la civilisation occidentale et nées des conditions propres à l’Occident ne correspondent pas aux besoins du milieu arabe et n'y rencontrent pas un accueil favorable.

La Nation Arabe n'est pas une petite nation d'importance secondaire qui peut adopter un message autre que le sien propre, marcher sur les pas d’une autre nation et se nourrir de ses restes...

La doctrine marxiste est un danger pour les Arabes parce qu’elle menace de faire disparaître leur personnalité nationale, et parce qu'elle impose à la pensée arabe moderne un point de vue partisan, tendancieux et artificiel, détruisant la liberté et l'intégralité de cette pensée. »

Pour Aflak, non musulman, le nationalisme arabe reste cependant « inspiré » par l'Islam, mais d'une façon bien différente de celle prônée par les Frères musulmans ou par le colonel Kadhafi :

« Toute nation... possède une force motrice essentielle... cette force motrice fut la religion au moment de l’apparition de l'islam. En effet, la religion seule a été capable de révéler les forces Iatentes des Arabes, de réaliser leur unité... Aujourd'hui... la force motrice première des Arabes... c'est le nationalisme... Les Arabes étant comme mutilés dans leur liberté, leur souveraineté et leur unité ne peuvent donc comprendre que le langage du nationalisme... »

Le Ba’as, tout en reconnaissant le rôle positif de la religion islamique dans la prise de conscience de l’unité arabe (sur le plan de l'Umna, la communauté des croyants), est donc un parti nationaliste laïc.

Mais le Ba’as se présente aussi comme un parti socialiste :

« Le socialisme du Ba’as s’accorde parfaitement avec la société vivante de la Nation Arabe...

Il se limite à organiser l'économie en vue de redistribuer les richesses dans le monde arabe, de jeter les bases d'une économie garantissant la justice et l'égalité entre les citoyens et de promouvoir une révolution dans la production et les moyens de production...

Notre socialisme est imprégné d’une philosophie qui émane du milieu arabe qui a ses besoins propres, ses conditions historiques et ses particularités. La philosophie du Ba’as n'approuve pas la conception matérialiste de la philosophie communiste... Notre socialisme s'appuie sur l'individu et sa libre personnalité. Le socialisme du Ba’as considère que la force principale d'une nation réside dans les mobiles individuels qui poussent les hommes à agir; il se garde donc d’abolir la propriété privée, se bornant à la limiter... de manière à empêcher tout abus...

Notre socialisme ne pourra définitivement s'imposer que dans le cadre de l'Etat Arabe unitaire, c’est-à-dire quand tout le peuple arabe sera libéré et quand disparaîtront les entraves qui, tels l'impérialisme, le féodalisme et les frontières géographiques imposées par la politique, s’opposent au succès du socialisme. »

Dans un entretien avec Benoist-Méchin (dans Un printemps arabe), Michel Aflak a présenté d'une façon particulièrement percutante sa définition de la Nation et des rapports liant l'individu à la communauté historique : « ... Nous sommes des nationalistes arabes. Nous voulons élever l'homme à sa dignité suprême. Ce but n'est réalisable que dans un cadre national. Un homme n'est pleinement lui-même qu'au soin de sa nation. La nation est le théâtre à l’intérieur duquel l'homme joue une pièce qui est sa destinée individuelle. Supprimez le théâtre et il n’y a plus de pièce. Du coup, l’homme s'écroule, dénué de signification... » (p. 340)

Les prises de position soviétiques en faveur de la cause arabe, en particulier dans l'affaire palestinienne, les intérêts importants de l'URSS au sein du monde arabe, ont souvent conduit à penser que le nationalisme arabe pactisait avec le communisme international, voire en devenait une filiale. Le problème se pose, en particulier dans le cas du Ba’as, on raison des très bons rapports entre les deux régimes ba’asistes d'Irak et de Syrie avec Moscou.

La réalité parait bien différente car, à l'hostilité permanente de l'islam envers le matérialisme marxiste, les Arabes ont pu ajouter la découverte d'un impérialisme soviétique aussi pesant que ceux qui l'avaient précédé.

Même au temps du premier flirt entre les nationalistes arabes et l’Union Soviétique, les premiers faisaient déjà une nette distinction entre l'URSS et les partis communistes arabes.

Ainsi, le manifeste de création du Ba’as (rédigé par Aflak) déclarait en 1944 :

« Nous ne sommes pas contre l'Union Soviétique; nous faisons une distinction très nette entre l'URSS et le Parti communiste syrien local. Les Arabes ne voient aucune raison de s'opposer à un grand état comme l'Union Soviétique qui, depuis sa formation, a montré de la sympathie pour les pays qui luttaient pour leur indépendance. Notre but est d'établir des relations amicales avec l'Union Soviétique par le moyen de traités officiels et intergouvernementaux et non par l'intermédiaire du parti communiste local. Les triomphes du communisme sont ici dus à de la faiblesse d'esprit. Mais un arabe bien informé ne peut pas être un communiste sans abandonner l'arabismes, les deux sont incompatibles; le communisme est étranger à tout ce qui est arabe. Il sera le plus grand danger pour le nationalisme arabe tant que ce dernier sera incapable de donner une définition systématique de ses buts ».

Dès cette époque, le Ba’as jugeait lucidement que le communisme sa développerait en terre arabe en jouant la carte du chauvinisme et de l'anti-impérialisne; dans cette optique, si le nationalisme arabe n'était pas structuré idéologiquement, il serait littéralement absorbé par le communisme. D'où les efforts d'Aflak pour doter son parti d’un appareil idéologique cohérent, capable d’être une réponse au défi marxiste. Pour y parvenir, l’action ba’asiste en faveur du « socialisme arabe » est conçue pour couper l'herbe sous le pied aux propagandistes marxistes. Mais ce « socialisme arabe » (commun à tous les mouvements unionistes d’ailleurs) n’a aucun point commun avec le marxisme-léninisme. Il est une simple projection du nationalisme, un moyen de rendre réalisable ce nationalisme, ainsi qu'Aflak le reconnaît explicitement :

« Les nationalistes arabes comprennent que le socialisme est le moyen le plus sur pour réaliser la renaissance de leur nationalisme et de leur nation parce qu'ils savent que le combat des Arabes à l'époque actuelle repose sur l'ensemble des Arabes et qu'il n'est pas possible qu'ils participent ensemble à ce combat, s'ils sont divisés en maîtres et esclaves.

Autrement dit, nous pensons que les Arabes ne pourront réaliser leur renaissance que s’ils sont persuadés que leur nationalisme implique la justice, l’égalité et la vie digne en société. »

Ce « socialisme arabe » ne peut attirer que la réponse marxiste classique : « Populisme petit-bourgeois ! », « Démagogie sociale-fasciste ! »

En tout cas, le socialisme ba’asiste est identique à celui de tous les mouvements de type fasciste et Aflak se limite à démarquer les penseurs fascistes occidentaux (malgré son hostilité de principe aux « idéologies étrangères au monde arabe » dont il fait souvent état pour repousser le communisme), tout en refusant les clivages marxistes de la lutte des classes.

Aperçu historique sur le Ba’as

Le Ba’as a été constitué en 1944 en Syrie, avant d'essaimer dans plusieurs pays arabes; il faut donc l'étudier pays par pays (ou plutôt, selon la terminologie ba’asiste, région par région).

Syrie :

La Ba’as de 1944-45, implanté uniquement à Damas, ne constituait qu'un petit mouvement d’intellectuels, autour de Michel Aflak et de quelques amis de celui-ci. Le rôle restreint qu'il jouait ne l’empêcha pas d'être interdit par la dictature du colonel Chichakly en Avril 1952; il sera de nouveau autorisé en septembre 1953 et entamera un processus d'unification avec un petit parti proche : le Parti socialiste arabe (al-Hizb al-Ifrikayets al-Arabi), créé en 1950 par Akram Haurani. Les deux mouvements fusionneront un peu plus tard sous le nom, définitif, d'Ifrikayets al-Ba’as al-Arabi : Parti socialiste de la renaissance arabe).

Lors des élections libres de 1949, le petit parti ba’asiste n'avait obtenu que quatre sièges, par contre le parti unifié allait s'assurer de très solides positions à celles de 1954, après la chute du dictateur, en gagnant dix-sept sièges.

Sous la direction de Chukri al-Kouatly, Président de la République depuis août 1955, la Syrie s'oriente à gauche et, aux élections de Mai 1957, le Front national progressiste (formé par le PC, le Ba’as, le Parti coopératif socialiste et le Parti national de al-Kouatly) l’emporte sur les partis de droite (Parti du peuple, Mouvement de libération arabe de l’ex-dictateur Chichakly et Frères musulmans). Rapidement le PC, qui a développé énormément son influence et noyaute le Parti national se heurte aux ba’asistes, hostiles au marxisme, et, en novembre 1957, pour sauver la Syrie du communisme, l'Assemblée nationale vote, sous l'impulsion du Ba’as et du Parti national (repris en main par son aile droite), une résolution en faveur de l'union avec l'Egypte, union qui sera réalisée le 1 février 1958, sous le nom de République arabe unie. Le PC est aussitôt mis hors-la-loi par le nouveau régime unioniste, mais le Ba’as sera rapidement « mis au pas » par les nassériens (en particulier par l’omnipotent colonel Serraj, chef des services de sécurité puis ministre de l'Intérieur de « la province syrienne » de la RAU).

En décembre 1959, les ministres ba’asistes démissionnent et leur parti devient clandestin jusqu'au putsch militaire du 28 septembre 1961, qui amène la rupture de la RAU et qui donne naissance à un régime libéral réautorisant les partis (sauf le PC, qui restera interdit jusqu'en février 1966 et le PPS maintenu hors-la-loi). Les élections de décembre 1961, après l'effondrement du régime unioniste, ne sont qu'un succès très mitigé pour le Ba’as, les partis conservateurs s'assurant une large majorité au Parlement :

Parti du peuple: trente deux sièges (grand vainqueur des élections), Parti national: (purgé de ses éléments de gauche) vingt sièges, Frères musulmans : seize sièges, Ba’as: vingt-quatre sièges.

Les autres sièges sont attribués à des indépendants ou à des partis mineurs; quant au Mouvement de libération arabe et au Parti coopératif socialiste, ils n’ont pas survécu à la disparition de leurs fondateurs.

Dans la période qui suit, le gouvernement modéré (le Ba’as étant dans l'opposition) est en butte aux actions inconsidérées d'officiers anbitieux. Les ba’asistes préparent un coup de force avec des officiers pro-nassériens, putsch qui éclate brusquement le 8 mars 1963.

Le succès du putsch est rapide et un Conseil national de la révolution est constitué sous le commandement du général Atassi, tandis que le chef de l’aile droite ba’asîste Salah al-Din Bitar, forme le nouveau gouvernement, à forte majorité ba’asiste. Les personnalité conservatrices sont frappées d’une peine d’isolement civique; parmi elles, Akram Haurani, qui avait rompu avec ses anciens amis du Ba’as et récréé son propre mouvement, en s’alliant aux forces de droite.

Une nouvelle République arabe unie naît le 17 Avril 1963, mais, moins de quinze jours après la création de la fédération syro-égypto-irakienne (le Ba’as venant de prendre le pouvoir à Bagdad), ba’asistes et nassériens commencent à s’opposer ouvertement.

Le 13 mai 1963, Bitar constitue un nouveau ministère, purement ba’asiste, ce qui amène le passage à l'opposition des nassériens. Ces derniers tentent un coup de force le 18 Juillet 1963, lequel échoue lamentablement. Nasser rompt totalement avec le Ba’as, tandis que le général Amin al-Hafez devient Président du Conseil national de la révolution. Le CNR édicte une Constitution provisoire le 25 Avril 1964 qui insiste sur la vocation unitaire de la Syrie ba’asiste.

Hafez cherche ensuite à se rapprocher des unionistes nassériens et fait libérer les emprisonnés de juillet 1963. Devenu chef du gouvernement le 3 octobre 1964, il proclame le 22 décembre de la même année la nationalisation des ressources énergétiques et minières du pays, ces premières mesures étant suivies au début de 1965 par toute une série de nouvelles nationalisations.

De violentes luttes d’influence se livrent au sein d'un Ba’as affaibli par l'effondrement de la branche irakienne. L’influence d'Aflak diminue progressivement et il est nommé au poste purement honorifique de Chef du parti, tandis que le docteur al-Razzaz lui succède au poste vital de Secrétaire-général du Ba’as. Quant aux « gauchistes » ba’asistes, style Zouayyen et général Salah Djedid, ils gagnent nettement du terrain au sein d'un parti divisé.

Dès septembre 1965, Zouayyen forme le nouveau gouvernement, tandis que le Comnandement national (c’est-à-dire inter-arabe, la Syrie faisant parti d’une Nation arabe déjà existante pour le Ba’as) dirigé par Hafez et Aflak s'oppose au Commandement régional de Syrie, animé par Djedid.

Le général Hafez, en Décembre 1965, dissout le Connandement régional et remplace le gauchiste Zouayyen par le droitier Bitar. Mais, dès le 23 Février 1966, Djedid, par un coup d'état, arrête Hafez, tandis qu’Aflak s'enfuit au Liban (éternelle terre d'asile des politiciens arabes assez malchanceux pour devoir fuir leur pays).

Zouayyen revient au gouvernement et se rapproche de l’URSS autorisant le leader communiste Khaled Baggdache à revenir en Syrie.

Au début de Septembre 1966, le Commandement national ba’asiste monte un contrecoup d'état en s’appuyant sur les Forces spéciales du colonel Salim Hatoum, mais le putsch avorte.

Toutes ces querelles ont lieu au soin d'un parti minuscule : quatre cent adhérents (!) d’après Flory et Mantran, dans leur excellent ouvrage : Les régimes politiques des Pays arabes (aux P.U.F.), chiffre qui nous parait cependant un peu trop faible.

Par contre celui de six à sept mille militants, donné dans Syrie (Editions Rencontre) par Simon Jargy (pour le début des années soixante) est certainement fortement exagéré.

On peut raisonnablement penser que celui de mille cinq cent à deux mille ba’asistes (sur une population totale de plus de cinq millions) est proche de la vérité. Les divergences religieuses jouent un grand rôle dans ces querelles, les sunnites étant plutôt modérés, alors que la secte dissidente des alaouites se range plutôt dans le milieu favorable aux extrémistes de gauche.

Le désastre militaire de Juin 1967 a frappé terriblement les « gauchistes » du Ba’as, qui ont gardé en réserve leurs deux meilleures brigades blindées (n° 10 et 50) pour faire face à un possible putsch intérieur de la droite, et qui, pour des raisons politiques ont très mal préparé l'armée à cette épreuve, en dépit de déclarations fracassantes : « Près de sept mille officiers (80 % du corps des officiers) ont été éliminés depuis le 28 Septembre 1961 et surtout depuis le 8 Mars 1963. Deux des généraux les plus énergiques de l'armée étaient alors en prison : Amin al-Hafez (ex-chef du gouvernement) et Omrane (ex-ministre de la Défense) » (François Duprat, « L'Agression Israélienne », numéro spécial de Défense de l’Occident, Juillet-Août 1967, page 45).

De même, le colonel Hatoum, spécialiste des opérations de commando, rentré de son exil jordanien pour combattre l'armée israélienne, sera aussitôt arrêté et exécuté sous prétexte de complots.

Progressivement, les éléments modérés du Ba’as regroupés autour du général Assad, ministre de la Défense, vont utiliser les fautes de la gauche pour prendre le dessus sur elle. Assad va se hisser au pouvoir suprême en utilisant le désastre de septembre 1970, lorsque des unités syriennes et de la Saïka - branche ba’asiste de la résistance palestinienne - sont écrasées par l’aviation jordanienne, l’aviation syrienne (restée dans l’obédience de son ancien chef, Assad) ne les ayant pas soutenues. Djedid et Zouayyen, tenus pour responsables de l'échec piteux subit, sont écartés du gouvernement et Assad contrôle, dès lors, la situation.

Dans un effort pour démocratiser son régime, Assad a organisé des élections plus ou moins libres, après avoir conclu un accord avec le PC et les éléments nassériens. Les résultats n'ont pas remis en cause la suprématie du Ba’as, qui s'est assuré la part du lion au sein du Front national progressiste : Ba'as : cent onze sièges, PC : sept sièges, Union socialiste arabe (nassériens) :six sièges, Socialistes arabes : trois sièges, indépendants :trente-trois sièges. L’opposition se limite à quatre Frères musulmans camouflés.

Parallèlement, Assad devait briser une violente agitation dirigée contre « I’athéisme » et le « socialisme » du Ba’as, et animée par les Frères musulmans clandestins, restés puissants en Syrie.

L’éprouve la plus grave pour le régime ba’asiste va indiscutablement être la guerre d’Octobre, lorsque les troupes syriennes et égyptiennes prennent de surprise les Israéliens, à la stupéfaction générale. Les Syriens, énergiquement conduits, sont ceux qui obtiennent les résultats les plus dangereux pour l'entité sioniste en reprenant en trois jours une bonne partie du plateau du Golan. Si les puissantes contre- attaques israéliennes finissent par refouler l'armée syrienne, celle-ci a glorieusement racheté ses défaillances de 1967. Son nouveau prestige renforce la position d’Assad qui a accompli la tache dont l'ultra-gauche parlait tout le temps, sans jamais tenter de la concrétiser.

Depuis la fin des hostilités, Assad pratique une politique assez souple afin d’éviter de se couper de l'Egypte, mais il doit faire face à un renouveau d'opposition de part de ses ennemis de gauche, qui s’efforcent de s’appuyer sur I’Irak, où s’organise le Front du refus, chargé de regrouper tous les Arabes hostiles à une paix de compromis avec Israël.

Le sort d'Assad et de sa tendance est donc lié directement à la réussite ou à l’échec du plan Kissinger pour Ie Moyen-Orient.

Irak

Le Ba’as clandestin n'avait joué qu’un rôle infime sous la monarchie hachemite, et il ne fit réellement surface que lorsque le général Kassem s’empara du pouvoir le 14 juillet 1958.

Il entra on lutte dès l’avènement du nouveau régime contre les trois partis qui représentaient alors le soutien populaire de Kassem : le Parti national-démocrate (socialiste de gauche), le Parti communiste irakien, le Parti de l'indépendance, fascisant et lié à Rachid Ali el-Gailani, Ie chef de la révolte pro-allenande de 1941 des officiers du « Place d’or ».

Cependant, rapidement, un nouveau clivage politique se crée lorsque Kassem commence à se poser en rival de Nasser. Les ba’asistes, unionistes eux-mêmes, finissent par faire front commun avec le colonel Aref (vrai organisateur du soulèvement du 14/7/1958), le parti de l’indépendance et Ali el-Gailani, mais Kassem brise le complot et écrase dans la sang le soulèvement unioniste du général Chawaf à Mossoul, en mars 1959.

Les milices populaires et le PC (qui tenait à ce moment son congrès dans la même ville) jouent un grand rôle dans l'étouffement du putsch unioniste et développent ainsi leur influence. Kassen, est forcé de louvoyer et lorsqu’il accepte, le 2 janvier 1960 d'autoriser les partis, il favorise la naissance d'un PC dissident (alors que le Ba’as et Ie véritable PC restent hors-la-loi).

Le Zaïm (chef) Kassem accumule les échecs, ne peut s’enparer du Koweït en Juin 1961, puis doit faire face à la révolte du Mollah Barzani, au Kurdistan, où son armée s'enlise sans résultats.

Ba’asistes et nassériens, profitant des embarras de Kassem, se remettent à comploter contre le Zaïm et, le 8 février 1963, ils passent à l’action. Ils ne disposent que de faibles soutiens : un bataillon blindé, quelques centaines de militants ba’asistes, quatre avions MIG 17, outre le mince appoint nassérien; mais ils agissent avec une détermination sauvage, massacrent Kassem (devant les caméras de télévision) et forment une Garde nationale, dirigée par le général Hassan al-Bakr. Cette Garde nationale, formée de très jeunes gens massacre communistes et progressistes qui, après un moment d'hésitation (qui leur sera fatal) sont accourus au secours du Zaïm. Trente mille militants de gauche auraient été victimes de la répression déclenchée par les ba’asistes à la suite de la victoire du soulèvement, le massacre étant l'oeuvre d'Ali Saad al-Saadi, chef de l’aile droite ba’asiste en Irak.

Le nassérien Aref forme le Conseil national du Commandement de la révolution, mais le Ba’as parait le maître et accueille en grande pompe Michel Aflak, peu après la victoire ba’asiste de Damas, du 8 mars 1963.

Mais les ba’asistes sont divisés entre eux, la Direction régionale irakienne, ultra-droitière de Saad al-Saadi et de Kazzar entrant en conflit avec la Direction nationale d'Aflak, qui cherche à limiter ses ambitions on vue d’éviter un conflit ouvert avec Aref.

Aref profite des dissensions ba’asistes et, le 18 Novembre 1963, dissout la Direction régionale du parti et son bras séculier, la Garde nationale, dont les jeunes membres ont un peu trop tendance à vouloir poursuivre leurs opérations de police et ne cessent de se heurter à l’armée régulière. En outre la rupture entre Nasser et les ba’asistes a provoqué la colère des unionistes qui vont soutenir Aref dans sa lutte contre le Ba’as.

La 18 décembre 1963, Aref interdit tous les partis, après avoir brisé la résistance mal coordonnée de la Garde nationale (que les modérés ba’asistes n’ont pas soutenu) et s'appuie ouvertement sur l’Egypte.

Le 14 juillet 1964, il forme une Union socialiste arabe d'Irak, destinée à être le Parti unique du pays, sur le modèle de l'Union socialiste arabe d’Egypte et crée, en octobre 1964, un Commandement politique unique avec l’Egypte, qui n’aura guère de résultats concrêts, d’autant qu’Aref ne réussit pas à régler la problème kurde, hésitant entre la guerre et les négociations.

Aref meurt dans un mystérieux accident d’hélicoptère (plus probablement un sabotage) le 13 avril 1966. Son frère lui succède mais il n'a aucune de ses qualités et le régime devient, très vite, incapable de faire face à la montée du mécontentement.

En juillet 1968, un putsch d'officiers mécontents, sans grande coloration politique, permet au Ba’as de se rapprocher du pouvoir. Rapidement, les ba’asistes parviennent à éliminer leurs associés et à s'emparer de la totalité du pouvoir, tandis que l'ancien chef de la Garde nationale le général al-Bakr devient chef de l'Etat. Les ba’asistes d’lrak, membres de l'aile droite du parti se heurtent aussitôt aux responsables syriens et accueillent Aflak, qui quitte Beyrouth pour s'installer à Bagdad.

La police politique dirigée par Nazem Kazzar (dont on a vu le rôle dans la liquidation de la gauche irakienne en 1963) et la branche militaire du Ba’as, (dirigée par Mohammed Fadel et groupant les officiers membre s du parti) organisent un régime de terreur et éliminent la famille Takriti, particulièrement influente dans l'armée. Ce n'est d’ailleurs que par la terreur que peut se maintenir au pouvoir un minuscule parti, fort tout au plus, de quelques centaines de membres (encore moins, sans doute, qu’en Syrie), que l'on peut croire, légitimement, parfaitement coupé des masses. Le régime, d’abord au plus mal avec les communistes et avec I’URSS, finit par liquider le contentieux par le traité russo-irakien et par l'entrée de deux ministres communistes dans la gouvernement de coalition progressiste de Mai 1972.

Le putsch raté de Kazzar (terminé par trente-cinq exécutions à la suite du meurtre du général Chahab, ministre de la défense du gouvernement Saddam Hussein par le chef de la police, lors de sa fuite vers l’Iran) visait, le 30 juin 1973, à stopper cette évolution et à confier le gouvernement de l'Irak à la Direction nationale du Ba’as et donc à Michel Aflak, de plus en plus droitier.

En dépit du Pacte d’action nationale conclu le 17 juillet 1973 entre le Ba’as et le PC, visant à la constitution d'un Front national, l’aile droite ba’asiste ne sort pas abattue par l'échec sanglant de Kazzar. Comme l'écrivait Eric RoulIeau, dans un article L’Irak à l'ombre des intrigues, dans Le Monde du 20 juillet 1973 :

« Paradoxalement, l’élimination de Nazem Kazzar a contribué à renforcer l'aile droite du parti dont l'ancien chef de la sécurité reflétait pourtant l'idéologie. En effet, les conservateurs, notamment les militaires, rejettent sur la gauche - en particulier sur Saddam Hussein - la responsabilité des derniers événements. Ils font valoir que tous ceux qui ont été impliqués dans le complot étaient considérés, peu ou prou, comme des hommes à sa dévotion...

Ils avaient été utilisés pour renforcer les pouvoirs de la fraction civile et radicale du Ba’as au détriment de l'armée.

Cette dernière... exigerait maintenant une participation effective dans l’exercice du pouvoir, une réorientation de la politique intérieure dans le sens de la fermeté à l'égard des communistes et des autonomistes kurde, ainsi que de la politique extérieure, considérée comme trop favorable à l'Union Soviétique ».

Une nouvelle épreuve de force paraissait alors probable en Irak entre la tendance nationaliste du Ba’as et Ia gauche nuance Hussein, Bakr, modéré centriste pouvant jouer un rôle décisif dans le conflit. Mais la Guerre d’octobre a provoqué, là aussi, des bouleversements profonds. L’Irak anime le Front du refus et apparaît comme le centre de la résistance aux négociations avec Israël. De plus, la rupture parait sur le point de déboucher sur une nouvelle guerre, sur le plan des rapports entre les Kurdes et le Ba’as, le tout permet à l’aile droite ba’asiste de renforcer rapidement sa position. Aflak et ses, amis n’ont visiblement pas dit leur dernier mot en Irak.

Les autres pays arabes :

Il existe des noyaux ba’asistes, le plus souvent clandestins, dans un certain nombre d’autres pays arabes. Un groupe ba’asiste a ainsi été démantelés par la police en Tunisie, en 1970. Les ba’asistes ont été très actifs en Jordanie, même sur le plan parlementaire, avant leur élimination par le gouvernement royal. Une action clandestine s'y poursuit cependant. Il existe aussi des petits groupes clandestins en Egypte.

Au Liban, en 1958, lors de la guerre civile, le Ba’as joua un rôle important sous la direction de Abdel Medjid Rafi, qui chercha à plusieurs reprises à constituer un gouvernement révolutionnaire contre le gouvernement légal. L’audience du parti reste cependant limité, quoique, pour la première fois, il ait réussi à obtenir un élu aux dernières élections, ce dernier étant favorable à la branche irakienne du Ba’as libanais, lui aussi éclaté en deux fractions rivales.
Il n'est pas jusqu'aux formations de la Résistance palestinienne qui ne soient pas divisées par cette rivalité, au moins pour deux d'entre elles :
- La Saïka, la deuxième formation par importance de l'Organisation de libération de la Palestine (après le Fatah), est sous le contrôle complet des ba’asistes de Damas. Jusqu’à la prise de pouvoir par Assad, la Saïka a constitué le soutien militaire essentiel de l'aile gauche du Ba’as Syrien.
- Le Front de libération arabe a été créé par Bagdad pour faire pièce à la Saïka et prouver l'intérêt de Bagdad pour la lutte palestinienne. Son importance était restée très limitée, mais on peut penser qu’il risque d’augmenter rapidement ses effectifs, en raison de sa position oppositionnelle décidée au processus de négociation en cours. Le Front a déjà obtenu le soutien du Front populaire pour la libération de la Palestine du Docteur Habbasch.

François Duprat
(Texte paru dans le supplément n° 1 à La Revue d’histoire du fascisme, 1973 [?]).

 
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