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Le Mastermind mondial : Les véritables objectifs de la mondialisation
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24/08/03 |
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23.57 t.u. |
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Adrian Salbuchi |
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Un point de vue argentin
" Ceux qui n'apprennent rien de l'Histoire sont condamnés à la revivre. "
(George Santayana)
De plus en plus de gens ont une vision toujours plus critique du phénomène planétaire appelé mondialisation. Non pas qu'ils soient opposés à une coopération constructive entre les nations souveraines du monde pour des buts communs, mais plutôt parce qu'ils rejettent ce modèle actuel de mondialisation.
Telle que nous l'avons, la mondialisation peut être définie comme une idéologie qui considère l'Etat-nation souverain comme son ennemi juré. Elle cherche donc à l'affaiblir, à le dissoudre et finalement à le détruire en tant qu'institution sociale pour le remplacer par de nouvelles structures mondiales de gouvernement. Ces structures sont liées aux objectifs politiques et aux intérêts économiques d'un petit nombre de groupes hautement concentrés et très puissants qui aujourd'hui dirigent et pilotent le processus de mondialisation dans une direction très spécifique.
Ces groupes de pouvoir consistent en intérêts privés qui ont aujourd'hui réussi une chose qui est sans précédent dans l'histoire humaine et qui peut être décrite comme la privatisation du pouvoir à l'échelle mondiale. La mondialisation est un euphémisme pour ce que les anciens présidents américains Woodrow Wilson, Franklin D. Roosevelt, Harry Truman et George Bush, chacun à une époque différente, ont décrit comme un " nouvel ordre mondial ".
Un Nouvel Ordre Mondial ! Clairement, lorsque l'ancien président Bush utilisa imprudemment ce terme, il y a une décennie, l'Establishment le cacha et le remplaça par le terme plus neutre et moins agressif de " mondialisation " qui, cependant, n'a qu'une seule signification aujourd'hui : le néo-impérialisme anglo-saxon à un niveau planétaire et dans tous les domaines.
Qui sont-ils ? Que veulent-ils ?
Le processus que nous avons décrit n'est en aucune manière synonyme de secret, parce que les groupes de pouvoir promouvant et dirigeant la mondialisation sont pleinement visibles de l'opinion publique : les sociétés multinationales - en particulier les 500 plus riches, représentant 80 % de l'économie américaine ; la structure financière mondiale qui inclut les banques, les fonds d'investissements, les échanges boursiers et les marchés des matières premières ; les monopoles multimédias ; les principales universités de la Ivy League ; les organisations multinationales internationales et, le plus important, les postes-clés gouvernementaux aux Etats-Unis et dans les autres nations industrialisées.
Ce qui n'est pas immédiatement évident est le fait que tous les joueurs de cette véritable roue du pouvoir mondial ont une chose en commun : leurs principaux managers, financiers, stratèges, banquiers, fonctionnaires gouvernementaux, universitaires et actionnaires appartiennent au même réseau de groupes de réflexion [en anglais : think-tank]. Ce réseau forme un pivot commun dirigeant la roue du pouvoir mondial dans sa course.
Parmi ces principaux groupes de réflexion - qui sont en fait des centres de planification géopolitique - le rôle du Council on Foreign Relations [Conseil en Relations Etrangères, CFR] de la Commission Trilatérale, du Royal Institute of International Affairs, de la Brookings Institution, de la RAND Corporation et du Centre d'Etudes Stratégiques et Internationales, parmi d'autres, est d'importance vitale.
Un peu d'histoire
Pour comprendre correctement le monde d'aujourd'hui, il faut regarder celui d'hier, pour voir comment les choses ont évolué. C'est en 1919 qu'un petit groupe d'influents banquiers, juristes, politiciens et spécialistes - ayant tous pris part aux négociations de paix à Paris entre les Alliés victorieux et les Puissances Centrales vaincues de l'Europe - se réunit à l'Hôtel Majestic de Paris et parvint à un accord transcendantal : ils décidèrent de créer un " groupe de réflexion " ; une sorte de " club de gentleman " ou une loge à partir de laquelle ils pourraient définir le genre de " Nouvel Ordre Mondial " qui servirait au mieux les intérêts coloniaux de l'alliance anglo-nord-américaine.
A Londres, ce groupe de réflexion prendra le nom de Royal Institute of International Affairs (RIIA), alors qu'aux Etats-Unis il sera connu sous le nom de Council on Foreign Relations (CFR), basé à New York. Les deux organisations portaient la marque indélébile de la stratégie sociale consistant à imposer graduellement un ordre socialiste comme moyen de contrôle des masses, qui était alors encouragé par la Fabian Society, financée par le Round Table Group qui à son tour avait été créé, contrôlé et financé par le magnat Sud-Africain Cecil Rhodes, par la dynastie financière internationale des Rothschild, et par la Couronne britannique.
Le CFR reçut son appui initial de la part des familles les plus riches, les plus puissantes et les plus influentes des Etats-Unis, incluant Rockefeller, Mellon, Harriman, Morgan, Schiff, Kahn, Warburg, Loeb et Carnegie (cette dernière, particulièrement à travers sa propre organisation, la Fondation Carnegie pour la Paix Internationale).
Pour exprimer et ainsi propager son influence parmi les milieux de l'élite, l'une des premières mesures du CFR consista à fonder son propre journal, qui reste à ce jour la première publication mondiale pour la géopolitique et les sciences politiques : Foreign Affairs [Affaires Etrangères]. Parmi les premiers directeurs du CFR, on trouve Allan Welsh Dulles, une figure clé des Renseignements américains, qui organisera plus tard la structure d'espionnage de la CIA ; le journaliste Walter Lippmann, directeur et fondateur du New Republic ; les juristes de la corporation J.P. Morgan ; les banquiers Otto H. Kahn et Paul Moritz Warburg [1], ce dernier étant un émigré allemand venu aux Etats-Unis et qui en 1913 conçut et promut la législation qui conduisit à la création de la Banque de Réserve Fédérale qui contrôle à ce jour la structure financière des Etats-Unis. Quand la Seconde Guerre Mondiale se termina en 1945, la Banque de Réserve Fédérale fut complétée par le Fonds Monétaire International et par la Banque Mondiale, toutes deux pensées, planifiées et conçues par le CFR à la conférence de Bretton Woods en 1944.
Un autre membre du CFR et l'un de ses premiers directeurs fut le géographe et président de la Société Géographique Américaine, Isaiah Bowman, qui redessina la carte de l'Europe Centrale après la Première Guerre Mondiale, ouvrant ainsi une époque de graves troubles dans ce continent, qui conduisirent à la Seconde Guerre Mondiale. Ce furent des juristes du CFR comme Owen D. Young (président de la General Electric) et Charles Dawes (Banque J.P. Morgan), qui dans les années 20 conçurent et promurent les plans de " refinancement " pour les réparations de guerre de l'Allemagne, imposées par le Traité de Versailles. Ce furent les principaux directeurs de la Banque de Réserve Fédérale et les principaux membres du CFR qui générèrent les déviations monétaires qui conduisirent à la crise financière de 1929 et à la Dépression qui suivit. Ce furent les directeurs du CFR qui par l'intermédiaire des puissants médias sous leur contrôle, comme les réseaux de radio NBC et CBS et des journaux comme le Washington Post et le New York Times, amadouèrent et pressèrent l'opinion publique à abandonner la neutralité isolationniste des Etats-Unis et à embarquer la nation dans une autre guerre européenne en 1939, en faveur de laquelle ils avaient fait campagne depuis le début des années 30.
La Seconde Guerre Mondiale
Au tout début de cette guerre européenne à laquelle les Etats-Unis ne prirent formellement part qu'en 1941, les membres du CRF créèrent le Groupe d'Etudes sur la Guerre et la Paix qui devint littéralement une partie du Département d'Etat, et qui conçut ses principales politiques étrangères envers l'Allemagne, l'Italie, le Japon et envers ses alliés. Plus tard, ils commencèrent à préparer un autre " nouvel ordre mondial " pour après la victoire alliée, alors prévisible. De cette manière, le CFR conçut et promut la création des Nations Unies pour diriger la politique mondiale, et certaines de ses principales agences économiques comme le FMI et la Banque Mondiale, par l'intermédiaire de ses membres Alger Hiss, John J. McCloy, W. Averell Harriman, Harry Dexter White et beaucoup d'autres.
Dès que la guerre se termina, le président américain Harry Salomon Truman établit la doctrine de sécurité nationale à définition élargie, qui fut basée sur la doctrine du " containment " de l'expansion soviétique, sur la proposition d'un autre membre du CFR, alors ambassadeur US à Moscou, George Kennan [2], qui décrivit ses idées dans un fameux article de Foreign Affairs, qu'il signa du pseudonyme de " X " ; ainsi que sur la directive NSC 68 émise par le Conseil de Sécurité National et préparée par le membre du CFR Paul Nitze. On peut dire la même chose du dénommé " Plan Marshall ", conçu par une commission du CFR et plus tard mis en œuvre par W. Averell Harriman [3].
Structures de pouvoir
Bien qu'il soit une organisation peu connue de l'opinion publique, le CFR est très puissant et a grandi en influence, en prestige et en nombre d'activités. Tellement grandi qu'aujourd'hui nous pouvons dire sans aucun doute qu'il définit le " Mastermind mondial ", dirigeant silencieusement le cours des nombreux et hautement volatiles processus sociaux, politiques, financiers et économiques à travers le monde. Il n'y a pas un peuple, une région ou un aspect de la vie humaine qui ne soit pas affecté par l'influence du CFR - consciemment ou inconsciemment -, et c'est le fait qu'il ait cependant été capable de demeurer " derrière la scène " qui rend le CFR si exceptionnellement puissant.
Aujourd'hui, le CFR est une organisation discrète comptant plus de 3600 membres, les meilleurs, les gens les plus capables et les plus puissants, possédant une grande influence dans leur professions, corporations, institutions, postes gouvernementaux et milieux sociaux respectifs. De cette manière, le CFR réunit les principaux dirigeants des institutions financières, des géants industriels, des médias, des organisations de recherche, des savants, des responsables militaires, des leaders gouvernementaux, des doyens d'universités, des dirigeants syndicaux et des dirigeants de centres d'études. Leurs objectifs fondamentaux consistent à identifier et à évaluer un grand nombre de facteurs politiques, économiques, financiers, sociaux, culturels et militaires englobant tous les aspects imaginables de la vie publique et privée aux Etats-Unis, chez leurs alliés principaux et dans le reste du monde. Aujourd'hui, grâce à l'énorme puissance possédée par les Etats-Unis, l'étendue des activités du CFR couvre littéralement la planète entière.
Ses recherches et ses investigations sont menées par différentes commissions et différents groupes d'études à l'intérieur du CFR, qui identifient les opportunités et les menaces, évaluent les forces et les faiblesses, et conçoivent des stratégies à long terme pour promouvoir ses intérêts à l'échelle mondiale, chacun avec ses plans tactiques et opératifs respectifs. Bien que ces tâches intensives et à long terme soient effectuées à l'intérieur du CFR, la question clé pour comprendre son énorme succès réside dans le fait qu'en réalité le CFR lui-même ne fait jamais rien en son nom propre mais que ce sont plutôt ses membres individuels qui le font, et ils le font depuis leurs postes officiels de présidents, de PDG et de directeurs de grandes sociétés, institutions financières, institutions multilatérales internationales, médias et postes clés dans les gouvernements, les universités, les forces armées et les syndicats. Ils n'évoquent jamais le CFR ou ne font jamais référence à lui comme étant leur principal centre de planification et de coordination. [4]
Les membres du CFR sont en effet puissants puisque aujourd'hui nous trouvons parmi eux (et nous ne citons qu'une poignée des 3600 membres du CFR) des gens comme David Rockefeller, Henry Kissinger, Bill Clinton, Zbigniew Brzezinski, Samuel Huntington, Francis Fukuyama, l'ancienne Secrétaire d'Etat Madeleine Albright, le spéculateur international George Soros, le juge de la Cour Suprême Stephen Breyer, le PDG de Lowes / CBS Laurence A. Tisch, l'actuel Secrétaire d'Etat le général L. Colin Powell, le PDG de General Electrics Jack Welsh, le PDG de CNN W. Thomas Johnson, le président et PDG de Washington Post / Newsweek / International Herald Tribune Katherine Graham, le vice-président des Etats-Unis ancien Secrétaire à la Défense et ancien PDG de Halliburton Richard Cheney, le président George Bush, l'ancien Conseiller à la Sécurité Nationale du président Clinton, Samuel " Sandy " Berger, l'ancien directeur de la CIA John M. Deutch, le gouverneur de la Banque de Réserve Fédérale Alan Greespan, le président de la Banque Mondiale James D. Wolfensohn, le PDG de la CS First Boston Bank et ancien directeur de la Banque de Réserve Fédérale Paul Volker, les reporters Mike Wallace et Barbara Walters, l'ancien PDG de CitiGroup John Reed, les économistes Jeffrey Sachs et Lester Thurow, l'ancien Secrétaire au Trésor, ancien PDG de Goldman Sachs et actuel directeur de CitiGroup Robert E. Rubin, l'ancien Secrétaire d'Etat et " médiateur " pendant la guerre des Malouines entre l'Argentine et la Grande-Bretagne, le général Alexander Haig, le " médiateur " dans le conflit des Balkans Richard Holbrooke, le PDG d'IBM Louis V. Gerstner, le Sénateur démocrate George J. Mitchell, le Représentant républicain Newt Gingrich, et l'actuelle Conseillère à la Sécurité Nationale Condoleeza Rice, parmi beaucoup d'autres. [5]
Dans le monde des affaires, les principales parmi les 500 sociétés les plus riches ont toutes un directeur principal qui est membre du CFR. Ces sociétés ensemble ont sur le marché une valeur combinée égale au double du PNB des Etats-Unis, concentrent la meilleure partie de la richesse et du pouvoir du pays, et contrôlent les ressources et technologiques clé à travers le monde. Ensemble, elles emploient plus de 25 millions de personnes rien qu'aux Etats-Unis et comptent pour plus de 75 % du PNB. En bref, elles possèdent un pouvoir, une puissance et une influence gigantesques aux Etats-Unis et sur toute la planète.
Nous trouvons donc ici la clé de l'énorme efficacité du CFR en ce que ses décisions et ses plans sont préparés et approuvés dans ses rencontres, ses conférences et ses commissions derrière des portes closes, et sont ensuite mises en œuvre par ses différents membres, chacun depuis son poste officiel dans diverses organisations. Et quels postes puissants !
Si par exemple, il existait une série de plans approuvés concernant, disons, la mondialisation de l'économie et du système financier, ou quels pays auront la paix et la prospérité et lesquels auront la guerre et la famine, alors nous pouvons supposer que l'action coordonnée de personnalités telles que le Président des Etats-Unis, ses Secrétaires d'Etat à la Défense, au Commerce et au Trésor, le directeur de la CIA, les principaux banquiers et financiers internationaux, capitaines d'industries, médias, reporters et rédacteurs, responsables militaires et universitaires, dirigeants du FMI, de la Banque Mondiale et de l'Organisation Mondiale du Commerce, seront capables de coordonner des actions concrètes, efficaces et - sans aucun doute - presque irrésistible. Il en a été ainsi pendant les 80 dernières années.
Pouvoir réel et pouvoir formel
Pour vraiment comprendre comment fonctionne réellement le monde, il faut d'abord comprendre la différence entre pouvoir formel et pouvoir réel. Ce que les médias propagent de manière hautement visible chaque jour dans leurs journaux d'informations, à la télévision, à la radio et dans la presse, n'est rien d'autre que le résultat concret et visible des actions des structures du pouvoir formel, en particulier celles des gouvernements nationaux et des structures financières technocratiques et supranationales. Cependant, les détenteurs du pouvoir réel sont beaucoup moins visibles et ce sont eux qui planifient ce qui arrivera dans le monde, quand et où cela aura lieu et qui le mettra en œuvre.
Le pouvoir formel est à court terme et a un visage hautement public ; le pouvoir réel est à long terme et n'a presque aucun visage public. Le pouvoir formel est " public " - le pouvoir réel est " privé ".
Comme les Etats-Unis sont aujourd'hui la seule superpuissance planétaire, il est raisonnable de conclure que cette structure de pouvoir mondial - puisque c'est ce qu'elle est vraiment - dirige provisoirement ce véritable gouvernement mondial à partir du territoire et des structures politiques et économiques des Etats-Unis. Cela n'implique en aucune manière que la majorité du peuple des Etats-Unis fait nécessairement partie de cet ordre de choses, mais plutôt que c'est le cas de ses élites et de ses classes dirigeantes. Nous parlons donc d'un groupe de pouvoir qui opère à l'intérieur des Etats-Unis (comme il le fait aussi à l'intérieur du Royaume-Uni, de l'Allemagne et du Japon, et à travers ses agents en Espagne, en Argentine, au Brésil, en Corée et dans beaucoup d'autres pays) mais qui ne s'identifie pas automatiquement avec le peuple des Etats-Unis (ni avec aucun des autres pays, dont les peuples, les besoins et les intérêts n'ont pas besoin d'être pris en compte).
Pour mieux comprendre la vraie nature des Etats-Unis, nous devons garder à l'esprit que - particulièrement en ce qui concerne leur politique étrangère - l'" Administration " américaine, comme ils nomment eux-mêmes si bien leur gouvernement, est basé à Washington DC qui est le siège du pouvoir formel aux Etats-Unis, alors que ses véritables structures de pouvoir sont situées à New York. C'est-à-dire que les Etats-Unis sont dirigés depuis Washington DC mais sont gouvernés depuis New York. Dès que nous saisissons cela, alors beaucoup de choses trouvent automatiquement leur place. De plus, le véritable centre du pouvoir planétaire se situe non à New York, mais à Londres ...
Qu'il en soit ainsi est compréhensible, si l'on se souvient que l'exercice du pouvoir réel requiert l'acceptation d'un ensemble de règles et de conditions, par exemple une continuité s'étendant sur des années et des décennies pour réaliser des objectifs à long terme, et des stratégies complexes qui, en retour, couvriront la planète entière, ses nations et ses ressources. Cela requiert une planification à long terme : 20, 30, 50 ans à l'avance. Ces élites de pouvoir savent bien qu'il n'y a pas de plus grande menace pour la continuité politique et l'esprit de suite dans la conception et l'exécution de telles stratégies mondiales, que de les voir soumises au processus démocratique qui impose une grande visibilité publique à ses leaders qui doivent prêter attention à la voix du public à chaque pas qu'ils font, et les constantes interruptions de pouvoir que le processus électoral démocratique entraîne.
Combien il est meilleur d'opérer discrètement, à partir de ce qu'on peut formellement décrire comme un simple club de gentlemen comme le CFR, dont les hommes et les femmes influents peuvent être des officiels, des directeurs et des présidents pendant des décennies sans jamais avoir à donner d'explications à personne sauf à leurs pairs. De cette manière, 3600 personnes puissantes peuvent exercer une influence politique, économique, financière et médiatique gigantesque sur d'innombrables millions de gens sur la planète entière. Il va sans dire que les médias imposent le " politiquement correct " qui ne peut s'exprimer qu'à travers deux partis politiques principaux - les Démocrates et les Républicains aux Etats-Unis, les travaillistes et les conservateurs au Royaume-Uni, la CDU et le SPD en Allemagne, les radicaux et les justicialistes en Argentine - qui sont de simples variantes à partir des mêmes principes de base. En pratique, les démocraties occidentales stables se sont toutes conformées à ce qui est en pratique un système de parti unique avec des factions internes légèrement différentes.
Ce que nous décrivons est en fait le nœud central d'un véritable réseau d'hommes et de femmes puissants, sachant que le CFR est à son tour complété par une myriade d'institutions similaires, à l'intérieur aussi bien qu'à l'extérieur des Etats-Unis. Parmi celles-ci nous pouvons en mentionner une poignée : le Hudson Institute, la RAND Corporation, la Brookings Institution, la Commission Trilatérale, le Forum Economique Mondial, le Aspen Institute, l'American Enterprise Institute, la Deutsche Gesellschaft für Auswärtigen Politik, et la Fondation Carnegie pour la Paix Internationale.
Tous ces groupes de réflexion réunissent les hommes et les femmes les plus intelligents, les mieux préparés, les plus créatifs et les plus ambitieux dans une vaste étendue de domaines et de disciplines. Ils sont payés et récompensés très généreusement à la fois économiquement et socialement, tant qu'ils s'alignent clairement et sans compromission sur les principes de base des objectifs politiques du CFR. Ceux-ci ne sont rien de moins que la création d'un gouvernement mondial privé, l'érosion systématique des structures de tous les Etats souverains (mais naturellement, pas tous de la même manière, à la même vitesse ni en même temps), la standardisation des valeurs culturelles et des normes sociales, l'expansion du système financier mondialisé sur une base spéculative-usurière, et la gestion d'un système de guerre mondial pour maintenir la nécessaire cohésion sociale de ses propres masses au moyen d'une flatterie et d'un alignement permanents contre des ennemis [8] réels ou imaginaires de la " démocratie ", des " droits de l'homme ", de la " liberté " et de la " paix ".
Ainsi, pour mieux comprendre le monde, on doit lire et évaluer ce que le CFR - ou plutôt, ses membres individuels - dit et propage, puisque beaucoup de ses activités ne sont pas secrètes mais plutôt simplement discrètes. Toute personne visitant son siège sur la prestigieuse Park Avenue et la 68ème rue à New York, comme l'auteur de cet article l'a fait de nombreuses fois ces dernières années, pourra obtenir une copie gratuite de son dernier Rapport Annuel qui décrit ses principales activités et donne la liste complète de ses 3600 membres. Ainsi l'information est facilement disponible pour tous ceux qui la désirent.
C'est cependant à nous de prendre la peine de parcourir toute l'information concernant les membres du CFR, ce que chacun fait réellement dans ses activités professionnelles, collectives, universitaires et gouvernementales. Nous devons aussi regarder l'histoire moderne et évaluer l'influence exceptionnelle que le CFR a eu pendant le 20ème siècle, par lui-même ou à travers ses organisations-sœurs, générant et influençant ainsi les idéologies, les événements publics, les guerres, la formation des alliances, les crimes politiques, les activités clandestines, la guerre psychologique de masse, les crises économiques et financières, la promotion et la destruction des personnalités politiques et commerciales, et autres événements importants - nombre d'entre eux étant clairement difficiles à admettre ou à confesser - qui ont pourtant tous marqué le cours de l'humanité pendant notre époque moderne tourmentée.
Il semble qu'on prend soin à ce que nous soyons tous trop occupés et fascinés comme spectateurs passifs du cours des événements qui ont lieu chaque jour dans le monde, pour s'assurer qu'aucun d'entre nous ne pense jamais à regarder ailleurs pour chercher des explications logiques aux graves crises d'aujourd'hui, ce qui nous empêche donc d'identifier non pas les effets et les résultats choquants de tant de décisions politiques et d'actions clandestines, mais plutôt leurs véritables et concrètes causes et sources.
Pour mener à bien cette gigantesque guerre psychologique de masse - car c'est bien de cela qu'il s'agit - les mass médias jouent un rôle essentiel et vital qui ne peut être assez souligné. Car ils sont les instruments dont le but est de saper et de neutraliser la capacité de pensée indépendante parmi la population du monde. C'est le rôle des médias mondiaux comme CNN, CBS, NBC, le New York Times, le Daily Telegraph, le Figaro, The Economist, le Wall Street Journal, le Corriere della Serra, le Monde, le Washington Post, le Times, Newsweek, US News & World Report, Business Week, RTVE, tous dirigés par des personnes clés appartenant au CFR et / ou à une de ses organisations-sœurs aux Etats-Unis et ailleurs.
Implications pour l'Argentine
A l'intérieur de ce contexte, nous pouvons dire que les médias locaux en Argentine, nos éducateurs et nos principaux politiciens sont tous alignés sur le processus de mondialisation, et sont déterminés à atteindre trois objectifs clés :
1. Cacher à l'opinion publique la manière dont le monde fonctionne réellement, sachant que si nous ne pouvons pas correctement comprendre et diagnostiquer l'origine de nos problèmes et de nos faiblesses, nous pouvons difficilement nous attendre à en trouver les solutions appropriées. Nous sommes donc (mal) conduits à croire que nous sommes en " paix ", alors que dans les faits réels une guerre totale véritable et violente est menée contre l'Argentine depuis plus d'un demi-siècle, sur les fronts politique, économique, financier, médiatique, éducatif, technologique et environnemental. C'est en premier lieu une guerre psychologique.
2. Nous faire croire que nous sommes dans une situation difficile mais que " les choses s'amélioreront " dès que nous parviendrons à un autre accord avec le FMI, que nous privatiserons encore plus de secteurs publics, que nous réformerons notre gouvernement fédéral et provincial selon les désirs de la Banque Mondiale, que nous réformerons notre législation du travail et notre législation sociale pour que les " investisseurs internationaux " nous sourient, et que nous ferons notre travail selon les " recettes " du FMI et de la Banque Mondiale. En vérité, dire que nous sommes dans une " situation difficile " est un euphémisme absurde. L'Argentine est dans une situation terminale et si nous ne nous éveillons pas à cette réalité en l'espace de quelques années - une décennie tout au plus - nous cesserons complètement d'exister en tant que pays.
3. Nous faire croire que, que cela nous plaise ou non, nous ne pouvons rien faire pour stopper la " mondialisation ". La vérité est pourtant que des myriades de choses peuvent être faites pour neutraliser les effets néfastes de la mondialisation. Cela implique fondamentalement de restaurer l'Etat-nation pour qu'il remplisse ses fonctions basiques et fondamentales :
- intégrer les forces sociales internes en conflit.
- prévoir toutes les menaces et opportunités possibles venant de l'extérieur et de l'intérieur.
- conduire la nation sur une voie politique défendant son intérêt national.
Ces fonctions impliquent qu'il existe un Etat-nation souverain que l'Argentine ne possède plus aujourd'hui. Nous sommes devenus une colonie et nous devons donc, en premier lieu, promouvoir une véritable Seconde Déclaration d'Indépendance pour ensuite fonder une Seconde République [10]. Les implications et l'exemple pour notre région et même plus loin dans le monde, donnés par un tel acte révolutionnaire, seraient vraiment capitales. De plus, on doit garder à l'esprit - et ceci dépasse le cadre de ce bref article - que l'infrastructure financière mondiale est au bord d'un effondrement contrôlé à l'échelle mondiale, ce que
le CFR a tranquillement planifié à travers ses soi-disant programmes de Financial Vulnerabilities Project et de New International Financial Architecture.
Dès que nous devenons conscients de ces réalités, le chemin que nous devons suivre devient aussi de plus en plus clair et, en vérité, les choses ensuite n'apparaissent pas aussi complexes qu'on l'avait pensé. Tout cela est fondamentalement une question de penser avec nos propres esprits et non avec ceux de nos ennemis ; de commencer à évaluer et à défendre nos intérêts nationaux, ce qui implique d'avoir notre propre vision des événements, intérêts et forces mondiaux, et ensuite de les défendre selon nos besoins, nos possibilités réelles et notre idiosyncrasie.
Dans les faits réels, nous n'avons pas besoin de " réinventer la roue ", parce que le CFR lui-même nous donne un exemple de méthode de planification et de gestion réussies du pouvoir mondial, [sur le plan] politique, économique, financier et social. Pourquoi ne pas apprendre d'eux ? Pourquoi ne pas former notre propre réseau de groupes de réflexion réunissant une grande quantité d'intérêts, d'acteurs et de penseurs locaux, régionaux, de même orientation, venant de différents domaines, les faire tous travailler à promouvoir les intérêts nationaux de l'Argentine et de ses voisins, pour recouvrer la souveraineté et l'autodétermination de nos peuples d'une manière conséquente et cohérente, sans tenir compte de ce que les acteurs du pouvoir mondial peuvent tenter de nous imposer ?
Cela impliquerait de comprendre ce que la mondialisation est réellement : une immense quantité de menaces et d'opportunités que nous devons éviter ou saisir, selon le cas. Pour tous les sujets ayant un impact potentiel sur nous, nous devons commencer à comprendre ce que sont nos forces et nos faiblesses relatives pour pouvoir les affronter avec succès, sinon aujourd'hui alors certainement dans l'avenir. Ce requiert une planification appropriée. Une planification à moyen et à long terme. Cela requiert d'essayer d'avoir toujours un coup d'avance sur l'ennemi, d'obtenir et de garder une supériorité et un avantage pour les événements à venir.
Cela nous conduirait sans aucun doute à concevoir correctement des politiques cadrant avec notre intérêt national, qui dans de nombreux cas ne coïncideront pas avec les intérêts des détenteurs actuels du pouvoir, en vue desquelles nous devons rechercher et travailler étroitement avec les nations et les organisations en Amérique Centrale et en Amérique du Sud, en Afrique, en Asie et en Europe, avec le but commun de neutraliser les effets négatifs de la domination mondiale. En vérité cela impliquerait de créer une Nouvelle Argentine.
Nous avons en main beaucoup des outils nécessaires ; nous avons des millions de compatriotes prêts à relever le défi si nous leur expliquons clairement et énergiquement les intérêts qui sont en jeu ; et des millions de plus en dehors de nos frontières avec qui nous pouvons travailler main dans la main pour une Cause commune.
La question est donc de comprendre qu'en politique il existe deux sortes de gens : ceux qui sont des acteurs dans l'arène politique et ceux qui la regardent simplement. Le Council on Foreign Relations est un acteur clé, actif, dans l'arène politique mondiale où il fait sentir sa force. N'est-il pas temps de commencer à faire la même chose dans notre propre pays ?
Adrian Salbuchi
Buenos Aires, Argentina - février 2001.
1 - Warburg appartenait à une prestigieuse et puissante famille juive allemande de banquiers, étroitement liée aux Rothschild et aux Schiff, possesseurs d'une société de banque basée à New York, Kühn Loeb & Co, dont Paul Warburg était un partenaire. Quand la Première Guerre Mondiale se termina, il est révélateur qu'un Warburg - Paul - était du coté allié de la table de négociations à Versailles, alors qu'un autre Warburg - son frère Max - était du coté des Allemands vaincus. Jacob Schiff, le partenaire de Paul Warburg, avait déjà financé les Japonais contre le Tsar russe pendant la guerre russo-japonaise en 1905 ...
2 - Aujourd'hui Kennan est âgé de 98 ans et écrit encore pour le CFR, symbole éloquent de son influence continue pendant plus d'un demi-siècle parmi les possesseurs du Pouvoir Réel dans le CFR.
3 - Remarquablement, W. Averell Harriman était un partenaire commercial de Prescott Bush, sénateur républicain du Connecticut, père de l'ancien président George Herbert Walker Bush et grand-père du président George W. Bush.
4 - Les règles de conduite du CFR interdisent spécifiquement à ses membres d'évoquer publiquement le CFR sous une forme ou une manière quelconque.
5 - Le lecteur trouvera des informations détaillées dans le livre de l'auteur, en langue espagnole, El Cerebro del Mundo : la cara oculta de la Globalizacion (Editiones del Copista, Cordoba, Argentine, 1999, 404 pages).
6 - Groupe de réflexion étroitement lié à l'US Air Force, qui, entre autres choses, créa l'Internet.
7 - Fondé en 1973 par David Rockefeller et réunissant les intérêts des élites de pouvoir des Etats-Unis / Canada, de l'Europe et du Japon. Son idéologue est Zbigniew Brzezinski, professeur à l'Université de Georgetown et à celle de Columbia, et ancien conseiller à la Sécurité Nationale du président Jimmy Carter (également membre du CFR et de la Trilatérale, comme l'étaient la plupart des membres de son cabinet).
8 - Parmi ces " ennemis " des " peuples libres du monde " des dernières décennies, on peut mentionner le fascisme, le national-socialisme, les Japonais, le communisme, la pollution de l'environnement, le terrorisme, Saddam Hussein, Slobodan Milosevic, le " fondamentalisme " islamique, le militarisme et l'" antisémitisme ", entre autres.
9 - Cela pourrait sembler un peu excessif et pourtant peu à peu ces choses arrivent dans le monde, une telle prévision pourrait se révéler exacte pour tous les pays du monde. Songez
seulement à ce que les gens auraient pensé il y a juste douze ans - au début de 1989 - si quelqu'un leur avait dit que seulement trois ans plus tard les événements suivants auraient lieu : la chute du mur de Berlin, la réunification de l'Allemagne, l'éclatement de l'URSS en quinze républiques indépendantes et leur abandon du marxisme en faveur du capitalisme. On aurait pensé que cette personne exagérait totalement ou même qu'elle était carrément stupide, et pourtant c'est exactement ce qui est arrivé.
(10) Dans un autre texte, l'auteur de cet article a exposé en détail la nécessité de fonder une Seconde République Argentine.
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