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:::::::: histoire :: amérique latine ::

Le massacre de l'assurance ouvrière et les droits de l'homme

03/12/04 2.27 t.u.
Johny Shats

Le 5 septembre 1938, dans le centre de la ville de Santiago du Chili, vers 12h.30, une trentaine de jeunes appartenant au Mouvement National Socialiste du Chili (MNS) entrèrent armés dans le bâtiment de la Caisse de l’Assurance Ouvrière située à l’angle des rues Morandé et Moneda, celle-ci contiguë au palais présidentiel.

Les passants eurent l’impression qu’il s’agissait d’un assaut spectaculaire. Alerté par le vacarme, le carabinier de service José Luis Salazar accourut sur place. A ce moment, un nacista mettait un cadenas à l’entrée du bâtiment. En le voyant, le carabinier sortit son arme de service, mais un autre nacista présent l’abattit d’un coup de feu qui coûta la vie au policier.

Ceux du MNS montèrent les escaliers en se plaçant entre les 6ème et 7ème étages de la tour. Il vaut la peine de remarquer qu’à cette heure la Caisse était presque inoccupée car le personnel était en train de se restaurer. Les quelques employés qui restaient furent pris en otages et enfermés dans les bureaux du onzième étage.

Entre-temps, des troupes de carabiniers s’étaient groupées en bas du bâtiment sous le commandement de leur directeur général, Humberto Arriagada. Depuis l’Assurance, les nacistas échangèrent un feu nourri avec les policiers en cherchant à causer le maximum d’alarme possible, mais sans blesser personne.

Après être entrés dans le bâtiment, les policiers avancèrent difficilement dans les premiers étages, à cause des barricades que les nacistas avaient laissées sur le chemin et aux grenades de faible efficacité que ceux-ci lançaient.

L’un des insurgés, Gerardo Gallmeyer, se montrait régulièrement à la fenêtre de l’un des bureaux de l’Assurance pour observer le développement des faits. Au cours de l’une de ces apparitions, un tir des carabiniers l’atteignit à la tête, causant sa mort.

A l’heure où se produisaient ces événements, un autre groupe de quelque trente jeunes nacistas occupait le bâtiment de l’Université du Chili situé sur l’avenue Arturo Prat. Ils fermèrent les portes (ce lieu aussi était presque vide) et prirent en otage le recteur Juvenal Hernández. Après quelques minutes eut lieu un échange de coups de feu avec les forces policières, de caractéristiques semblables à ce qui s’était produit à la rue Morandé.

Entre-temps le président de l’époque, Arturo Alessandri Palma, observait tout depuis la Moneda. Il devina qu’il pouvait s’agir d’un coup d’Etat et il envoya appeler les chefs des différentes branches des forces armées pour coordonner les actions à venir.

Jusqu’à 2h.30 de l’après-midi, le conflit resta sans nouveauté. La lenteur poussa l’Exécutif à jouer une nouvelle carte, l’armée. C’est ainsi que se présenta l’artillerie du Régiment Tacna face à l’Université du Chili. Deux tirs précis dans l’une des portes suffirent à mettre un terme à la lutte ; les carabiniers pénétrèrent dans le lieu et arrêtèrent les nacistas qui, confondus par l’action, n’opposèrent pas de résistance.

Les prisonniers furent conduits à pied, fortement gardés par des carabiniers, en direction du Sixième Commissariat, par la rue Arturo Prat. Alors qu’ils avaient commencé à avancer vers le sud, on les fit revenir en arrière pour les diriger par la rue Bandera vers le Centre de Recherches situé au nord dans la rue du général Mackena. Alors qu’ils avançaient par la rue Bandera, un contre-ordre les fit retourner dans l’avenue et ils prirent à nouveau la direction du nord par la rue Morandé. Tout ce défilé erratique s’effectua sous le regard abasourdi des passants.

On les fit passer devant le bâtiment de l’Assurance Ouvrière avec l’objectif que leurs compagnons – qui résistaient encore – déposeraient les armes en constatant l’échec du soulèvement. A ce moment, un ouvrier du bâtiment, José Miguel Cabrera, s’approcha avec plusieurs de ses compagnons pour observer l’étrange procession. En plaisantant, il cria « A bas le Léon, vive la révolution ! » ; soudain on entendit des tirs ; un moment de confusion se produisit et un carabinier lui donna par surprise un coup de crosse sur la tête et le fit entrer dans les rangs. Comme l’ouvrier tentait d’expliquer qu’il n’avait rien à voir avec la situation il reçut pour réponse d’autres coups de crosse.

La marche des prisonniers continua par la rue Morandé jusqu’à la rue Agustinas, toujours en route vers le Centre de Recherches. A ce moment, un homme en uniforme s’approcha du peloton de carabiniers en donnant l’ordre de reculer. Le groupe fit demi-tour. Inexplicablement, les nacistas furent introduits dans le bâtiment de la Caisse. Ils furent comptés à l’entrée, on les fit passer dans le hall du bâtiment et de là jusqu’au 6ème étage – qui était le point jusqu’où les carabiniers avaient pu avancer – où ils furent enfermés vers les 15h dans l’un des bureaux.

Le commandant en charge de l’opération à l’intérieur de la Caisse, Ricardo Angellini, envoya l’un des nacistas – Humberto Yuric – parler à ses compagnons pour qu’ils se rendent, avec la promesse que leurs vies seraient épargnées. Yuric monta pour parler, mais la démarche n’eut pas de succès. Devant ce refus, on envoya un autre prisonnier – Guillermo Cuello – qui obtint finalement la reddition des nacistas.

Vers les 16h, les jeunes descendirent du septième étage, absolument désarmés, en compagnie des fonctionnaires de la Caisse qui avaient été pris en otages. Les carabiniers commencèrent à attraper les nacistas qui descendaient les escaliers et les séparèrent des employés. A ce moment, monsieur José Cabello, haut fonctionnaire de la Caisse et professeur de l’Université Catholique, fut mis dans le groupe des nacistas ; il déclara son innocence et tenta de montrer sa carte de fonctionnaire, mais un carabinier lui tira une balle dans l’estomac. Quelques jours plus tard, il mourut à l’hôpital. La même chose se produisit avec un autre employé de la Caisse, Carlos Ossa Monckerberg qui, bien qu’ayant déclaré qu’il n’avait rien à voir dans l’affaire, connut le même sort.

Une fois séparés des fonctionnaires, on ordonna aux conjurés de se mettre face au mur. Tout de suite après ils furent mitraillés avec des carabines et des pistolets.

Ensuite, les nacistas de l’université furent sortis du bureau où ils étaient enfermés. On leur ordonna de descendre les escaliers jusqu’au 5ème étage par groupes de trois ou quatre. Alors qu’ils descendaient on leur tira dans le dos. Ceux qui en courant parvinrent à arriver aux étages inférieurs furent exécutés là où ils se trouvaient. Comme beaucoup de jeunes étaient moribonds et blessés, la troupe se consacra jusqu’à 18h approximativement à achever avec des sabres et des balles ceux qui présentaient encore des signes de vie.

A 16h, le Secours Public arriva sur place pour offrir ses services, mais on leur indiqua que ce n’était pas nécessaire. A 17h, l’ambulance réapparut, cette fois les secouristes reçurent une réponse catégorique : il n’y aurait pas de blessés.

Vers 22h le député socialiste Raúl Marin, avec l’autorisation expresse d’Alessandri, put inspecter le bâtiment. Là il constata que quatre nacistas vivaient encore, du fait qu’il avaient fait les morts. Grâce au député ceux-ci furent les seuls survivants du massacre.

L’acte final de cette histoire se déroula à la morgue. Les parents purent à peine reconnaître leurs morts ; certains présentaient jusqu’à sept balles dans le corps, d’autres étaient défigurés par des coups de sabre. Parmi les morts figuraient José Miguel Cabrera et Carlos Ossa Monckeberg.

REFLEXIONS SUR LE 5 SEPTEMBRE

Nous pouvons considérer le massacre de l’Assurance Ouvrière comme un fait névralgique de l’histoire du Chili, chargé de motivations et de conséquences complexes. Ensuite – de manière très concise – nous exposerons certaines d’entre elles.

- L’action du 5 septembre correspondait à une tentative de coup d’Etat qui depuis quelque temps était préparée par la direction nacista dirigée par Jorge González Von Mareés, et par le général Carlos Ibañez. L’action que devaient accomplir ceux du MNS était de créer une grande confusion dans le centre de Santiago, ce qui devait donner le signal de la participation de troupes de l’armée favorables à Ibañez. Toutefois, en apprenant les faits le général alla se livrer à l’Ecole de Cavalerie, laissant les jeunes dans une situation absolument absurde.

- La principale raison de ce coup d’Etat manqué était l’annulation des prochaines élections présidentielles de novembre 1938, dans lesquelles le candidat alessandriste, Gustavo Ross Santa María, semblait assuré de triompher. Ross était un personnage profondément haï par l’opposition qui, structurée dans deux coalitions, le Front Populaire (Parti Radical, Socialistes et Communistes) et l’Alliance Populaire de Libération APL (MNS et Ibañistes), ne pouvait pas présenter un candidat unique à la présidence pour unir ses forces.

- Le massacre de l’Assurance Ouvrière fut le corollaire d’une époque de crise profonde et de violence politique, marquée spécialement par la répression étatique. On peut faire un suivi parfait de la manière dont le gouvernement d’Alessandri radicalisa la situation politique du pays durant ces années, en utilisant particulièrement la Police de Recherches comme instrument de harcèlement de l’opposition

- Ibañez fut soumis à un procès judiciaire pour le coup du 5 septembre, ce qui l’empêcha de se présenter comme candidat à la présidence. Cela fit que les partisans de l’APL votèrent pour Aguirre, ce qui entraîna le triomphe historique du Front Populaire.

- La mort de plus de 50 jeunes de l’élite du MNS marqua la disparition rapide du mouvement. Durant l’année 1939 Von Mareés fonda l’Avant-garde Populaire Socialiste du Chili, un parti de tendance plus socialiste que nationaliste qui signifiait la scission des secteurs les plus radicaux.

LE 5 SEPTEMBRE 1938 ET LES DROITS DE L’HOMME

Le massacre de l’Assurance Ouvrière est un sujet qui produit des sentiments contradictoires. D’une part, il y a les atrocités commises par les troupes de carabiniers contre des jeunes qui partageaient en deux les vingt ans et, d’autre part, la filiation nacista de ceux-ci qui évoque naturellement l’activité monstrueuse du IIIe Reich en Europe. C’est précisément de ce point de vue qu’on peut se demander si le thème des droits de l’homme n’est pas une propriété absolue de la gauche ? Le pire criminel ne possède-t-il pas de droits humains ? De notre point de vue, quelles que soient ses idées politiques, religieuses et même ses délits, toute personne mérite d’être traitée d’une manière digne et juste.

Quant au reste, en comparant le nacismo chilien à l’hitlérisme, nous commettons plusieurs erreurs que nous énumérerons ci-dessous :

(1) Bien qu’il soit certain qu’à ses débuts le MNS s’identifia à Hitler, nous ne devons pas oublier qu’avec le temps il renia constamment ce lien. Le nacismo chilien de l’époque commença avec un caractère de droite radicale, mais avec le temps sa position se déplaça vers la gauche, au point qu’il finit par appeler à voter pour un candidat soutenu par les communistes (Pedro Aguirre Cerda), et qu’il déclara que sa position n’avait rien à voir avec le fascisme.

(2) A l’époque où le nacismo chilien était le plus proche idéologiquement du mouvement allemand, en 1932-1934, Hitler ne menait encore à bien aucune de ses politiques les plus sauvages. Rappelons, par exemple, qu’au début de l’Holocauste juif qui commença avec la Nuit de Cristal (novembre 1938), le MNS avait déjà disparu. Quant au reste, jusqu’à cette date l’Occident reconnaissait sans grande difficulté le gouvernement de Hitler. L’Anschluss (invasion de l’Autriche) venait d’avoir lieu en mars 1938.

(3) Le nacismo chilien expulsait de ses rangs les membres qui avaient quelque chose à voir avec le mouvement nazi du sud du Chili. Il y a quelques cas publics notables de ceci, dans lesquels le MNS fit savoir qu’il n’avait rien à voir avec les hitlériens.

(4) Le MNS, contrairement au nazisme allemand, ne se déclarait pas antisémite. Bien qu’il soit certain que dans certains des documents de sa première période apparaissent des figures discursives propres aux Protocoles des Sages de Sion, on n’enregistra jamais aucune attaque contre la communauté juive, ni rien qui ressemble à cela.

(5) Même si le MNS avait été une copie fidèle de son homonyme allemand, ces jeunes ne méritaient pas non plus de mourir. Dans un Etat de droit, les gens sont jugés pour leurs actes et non pour leurs croyances, si extrêmes que soient celles-ci. Au procès de Nuremberg, certains des accusés furent acquittés parce qu’aucun délit ne fut prouvé contre eux, bien qu’ils aient été d’importantes personnalités du nazisme.

Sur un autre plan, le massacre de l’Assurance Ouvrière inclut une série d’irrégularités légales et morales qui affectent directement l’activité de l’Etat et de la Police :

* D’abord, les prisonniers auraient dû être conduits dans un lieu de réclusion légale, ce qui veut dire, un commissariat de Carabiniers ou de Recherche. Par conséquent la pérégrination des nacistas par le centre de Santiago et, surtout leur entrée dans le bâtiment de l’Assurance étaient anormales.

* Selon les histoires de l’époque, les nacistas de l’université furent introduits dans le bâtiment devant les carabiniers, et furent ainsi utilisés comme boucliers protecteurs. Ce fait est aussi absolument en opposition avec le traitement qui doit être offert aux prisonniers.

* La plus grave infraction aux droits fondamentaux de l’homme dans ce cas est que les jeunes furent condamnés à mort sans jugement préalable et après s’être rendus.

Aujourd’hui les faits du 5 septembre sont enfermés dans le puits aux souvenirs. La filiation nacista des accusés empêche apparemment que quelqu’un compatisse d’eux. Les 58 jeunes morts dans la dénommée Tour du Sang sont un symbole et un message pour ceux qui croient véritablement dans les Droits de l’Homme, puisque ce symbole démontre que la vie possède une valeur suprême qui transcende les personnes et leurs préjugés.

1 A ce sujet, lire Alessandri Agitador y Demoledor par Ricardo Donoso, et Teoría y Praxis del Movimiento Nacional Socialista de Chile par Johny Shats et d’autres, thèse de licence en Histoire, Université de Playa Ancha, Valparaiso 1994.

2 Quotidien nacista « El Trabajo », 10/7/1935, Pag.1.

 
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