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:::::::: antisionisme ::
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L’ennemi du peuple
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15/02/05 |
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18.59 t.u. |
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Israël Shamir |
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[Un important quotidien israélien de droite, Maariv, a publié un très long article ( quatre pages format A3) m’attaquant, sous le titre « Un Ennemi de l’Intérieur » . L’auteur, Ben Dror, a fait une enquête sur ma personne, il a vérifié mes états de service, collecté des citations et m’a qualifié de « raciste antisémite » faisant la promotion d’une « théorie raciste répugnante ».]
Ce jeune journaliste a juste oublié une chose. Qu’est-ce qu’Israël Shamir, cet ennemi du peuple, propose de faire des juifs qu’il déteste tellement, à en croire Ben Dror ? Que prône-t-il ? De les détruire ? Le génocide ? La discrimination? Pourquoi ses articles sont-ils traduits en plusieurs langues, depuis le français jusqu’au turc et depuis le russe jusqu’à l’espagnol ? Pourquoi est-il invité à faire des conférences dans les universités les plus réputées, depuis la californienne Standford jusqu’à la norvégienne Trondheim et celle de Kuala Lumpur en Malaisie ? Pour y appeler au génocide ? La réponse à cette question n’est pas cachée à la vue de Ben Dror : il la connaît fort bien, car cela est écrit à chaque fois que mon nom est mentionné. Mais s’il l’écrivait, c’est l’échafaudage tout entier de son article qui s’écroulerait.
Depuis des années, j’en appelle, dans mes écrits, à l’égalité totale pour tous les habitants de la Palestine, à un seul État et à l’égalité des droits pour tous ses citoyens, dont le droit de vote, que ce soit pour un juif ashkénaze de Ramat Aviv ou pour un Palestinien de Naplouse, pour un juif marocain d’Ofakim ou pour un Russe de Haïfa. J’exhorte à casser toutes les lois qui établissent une discrimination entre un juif et un non-juif, en particulier l’infâme loi des « propriétaires absents » (qui a permis la confiscation des maisons et des champs des Palestiniens). Dans la page d’accueil de mon site, il est écrit en toutes lettres : « Avec Edward Said, Israël Shamir prône l’instauration du principe « Un Homme – Une Voix – Un État » dans notre Palestine bien-aimée (la Terre d’Israël), entière et indivise, sans ligne verte ni ligne violette, ni Mur de sécurité. Un État pour nous tous, indigènes et fils adoptifs de Palestine. « Vous aurez une seule loi », dit la Bible. J’appelle à ce que soit étendu le droit de vote, dès les prochaines élections, à l’ensemble des habitants de la bande de Gaza et de la Cisjordanie et à incorporer ces territoires dans un État unique.
C’est là l’essentiel de mon enseignement, tout le reste n’est que commentaires. Si ce à quoi j’appelle est du « racisme », alors la guerre éternelle s’appelle sans doute « paix et sécurité » et la redoutable Shabak (la police secrète israélienne) « Ministère de l’Amour » ? Depuis des années, j’appelle les habitants de Sion à tendre la main à nos frères, les fils et filles de Palestine, et à vivre avec eux en paix et dans l’amour fraternel, comme nous le vivons, dans ma ville de Jaffa, sur la côte. Hélas, les directeurs des quotidiens israéliens refusent de publier cet appel. Ils fournissent une tribune à n’importe quel raciste. Ils servent d’amplificateurs à n’importe quel appel au transfert des Palestiniens et à la purification ethnique. Mais mes appels à l’égalité ne peuvent s’y exprimer.
Il ne s’agit pas seulement de mon opinion personnelle : un sondage du quotidien Ha’aretz a montré que 30 % des habitants du pays sont en faveur de cette solution, car il n’y en pas d’autre. Il n’y a aucune chance qu’un État palestinien puisse être créé dans des frontières telles qu’elles garantissent l’équité. Si c’était possible, il y a longtemps que cela aurait été fait. Tant qu’il n’y aura pas d’égalité pour les Palestiniens, il n’y aura pas d’égalité pour les autres communautés, ni pour les Juifs orientaux, ni pour les Russes. Le front électoral récemment constitué par l’alliance entre Russes et Palestiniens est le premier pas en direction de la nouvelle réalité : une Palestine pluraliste pour toutes ses communautés.
J’ai refusé de rencontrer ce jeune journaliste, car je préfère formuler mes opinions par moi-même, sans intermédiaire. Pour la même raison, je n’ai pas l’intention de polémiquer avec lui sur ses diverses affirmations erronées.Toutefois, une observation doit être faite : Ben Dror Yamini a décidé qu’une des expressions que j’utilise, celle de « paradigme juif » serait « antisémite ». Remarquons toutefois qu’il la traduit, en hébreu, par « erkei yahadut », ce qui signifie « les valeurs juives », expression apparue dans les propos bien connus d’Ami Ayalon, ancien chef de la police secrète, qui avait critiqué la politique israélienne en ces termes : « Notre comportement est en contradiction avec les « erkei yahadut » (les valeurs juives) », ainsi que dans le discours d’autres hommes politiques israéliens, depuis le début, depuis la Déclaration d’Indépendance.
Le débat est en cours, en Israël, sur la question de savoir si notre comportement « contredit les valeurs juives », comme l’affirme la gauche israélienne (et aussi la gauche juive américaine. Mon opinion est celle de la droite israélienne (et aussi de la droite juive américaine), confirmée par les rabbins, à savoir que « notre comportement » est conforme aux « valeurs juives ». Le problème est que « notre comportement » contrevient aux valeurs humaines universelles. Comme bien des penseurs juifs – du professeur humaniste Yeshayahu Leibovitch au rabbin nationaliste Meir Kahane – l’ont établi, les valeurs juives sont bien, effectivement, différentes des valeurs humaines universelles, celles de la civilisation chrétienne par exemple. L’opinion du journaliste du Maariv Dror Yamini est authentiquement antisémite, étant donné qu’il rejette, apparemment, jusqu’à l’existence même de valeurs juives, et qu’il considère que les juifs sont un « peuple sans valeurs »…
Et maintenant, posez votre verre, et veuillez répondre à la question : qu’est ce qui vous fait le plus de peine, si l’on vous dit :
A. Ta mère est une putain
B. Le Christ n’a jamais existé et la Résurrection est un mythe
C. Les juifs ont trop de pouvoir aux États-Unis.
Si vous cochez la troisième proposition, c’est que vous avez un problème, et que, ce qui est plus grave, vous faites partie du problème. Pendant longtemps, c’était le problème de la Palestine, mais depuis le début de la seconde Intifada, la confrontation entre les Palestiniens de souche et l’État juif fait partie de la Troisième Guerre mondiale. Que ce soit dans le domaine de la politique, de l’art, de la culture ou de la religion, et pas seulement en ce qui concerne la guerre en Terre sainte au Moyen Orient, mais aussi quant au déclin du christianisme, à la montée de la droite et à l’avènement de la globalisation, nous avons affaire à un seul et même problème. La guerre en Palestine peut s’arrêter aujourd’hui, il suffit de garantir la pleine égalité à ses habitants juifs et non-juifs. Et cette solution ne fait même pas l’objet d’un débat. L’auteur serait ravi de passer en revue les merveilleuses réalisations des juifs, si cela pouvait les amener à prendre dans leurs bras leurs voisins palestiniens. Mais cela a déjà été tenté, et l’échec a été spectaculaire. De mon point de vue, c’est l’hubris juive qui constitue l’obstacle principal à la solution, et c’est pourquoi les articles ci-dessous cherchent à déconstruire la judéité, à miner tout ce qui peut servir de prétexte à l’orgueil délirant. Cela peut faire de la peine à mes frères et sœurs juifs intoxiqués par le succès et piégés par le mantra du martyre juif. Mais il faut exorciser l’exclusivisme juif, pour réintégrer les Juifs dans la famille des nations. L’hubris était considérée comme le plus grave des péchés par les anciens Grecs, et elle débouchait toujours sur la catastrophe. Le rabbin Adin Steinlatz, moderne spécialiste et éditeur du Talmud, a décrit le christianisme comme « un judaïsme simplifié, adapté à l’esprit infantile des Gentils ». Voilà qui appelle une bonne douche froide, et c’est un petit-fils de rabbin, Karl Marx, qui la lui administre : « Le christianisme est la quintessence sublime de la pensée juive, tandis que le judaïsme est une application utilitaire sordide du christianisme ». Je préfère suivre l’enseignement de Rabbi Marx, parce qu’il offre une méthode pour déconstruire l’État juif et pour intégrer les descendants des juifs dans une nouvelle patrie et partout ailleurs.
Il s’agit aussi pour moi d’une histoire d’amour. Je suis profondément amoureux de la Terre sainte, de ses maigres cours d’eau et de ses oliviers, de ses habitants, les Palestiniens de souche et d’adoption. Cette terre est encore capable de restaurer le lien entre l’homme et l’esprit, grâce à ses tombeaux antiques et à sa nature unique. La destruction en cours de la Terre sainte, si elle se poursuivait, créerait un point de non retour et signifierait l’asservissement complet de l’humanité par les forces de domination. En sauvant la Terre sainte, nous sauverons le monde.
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