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                      :::::::: histoire :: france et pays francophones ::
                     
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              Les communistes belges dans la collaboration jusqu'au 22 juin 1941 
               
              
                
                  
                    
                      
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                        08/02/03 | 
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                        12.21 t.u. | 
                       
                      
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                        Raoul Folcrey | 
                       
                     
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              Beaucoup plus important avant la guerre et dans l'immédiat après- guerre que 
              dans les années 50, 60 et 70, le PCB, aujourd'hui disparu, qui n'a plus ni 
              journaux ni parlementaires, était, comme son "grand frère" français, 
              totalement inféodé à la politique de Moscou. C'était Bereï, délégué à 
              Bruxelles de l'URSS, qui commandait, qui décidait, qui dictait les lignes de 
              conduite. Dès la signature du pacte Ribbentrop-Molotov d'août 1939, 
              l'anti-nazisme est mis au placard. De l'Allemagne, les militants 
              journalistes ne disent plus ni du bien ni du mal. Le Professeur Jacques 
              Willequet a repéré, dans son livre (1), toutes les tirades en faveur du bloc 
              germano-russe qu'ont publiées les organes communistes La Voix du Peuple, 
              Uilenspiegel, Clarté, Espoir, Temps Nouveaux, Jeunesse Nouvelle, Drapeau 
              Rouge, Liberté, De Strijd, Het Vlaamsche Volk. "Commencer la guerre pour 
              anéantir l'hitlérisme, c'est accepter une politique de sottise criminelle" 
              (Het Vlaamsche Volk, 14 oct. 39). Les alertes de novembre 39 et de janvier 
              40, où les Allemands testent les capacités de l'armée belge et de sa DCA, 
              sont qualifiées "d'invention des services secrets britanniques". La 
              Finlande, qui résiste héroïquement aux armées de Staline pendant l'hiver 
              39-40, est la "patrie des gardes blancs" et sa défaite, une victoire du 
              prolétariat. Les journaux communistes accueillent la victoire allemande de 
              mai-juin 1940 comme une délivrance. Le député communiste liégeois Julien 
              Lahaut circule dans le sud de la France, dans une grosse voiture prêtée par 
              les services allemands, pour récupérer les Belges dispersés par l'exode ou 
              internés dans les camps français, après avoir été arrêtés par la Sûreté du 
              Royaume (parmi eux: anarchistes, communistes, rexistes et nationalistes 
              flamands, ces derniers étant largement majoritaires). A ceux qui l'écoutent, 
              Julien Lahaut déclare, d'après Léon Degrelle, lui-même détenu, et selon 
              l'historien officiel de l'Ecole Royale Militaire, Henri Bernard: "Le 
              national-socialisme réalise toutes nos aspirations démocratiques" (dans un 
              discours prononcé à Villeneuve-sur-Lot, fin juin 40). Le journal La Voix du 
              Peuple, organe des communistes bruxellois, ressuscite dès le lendemain de la 
              prise de Bruxelles, mais est interdit le 23 juin; à Anvers, Uilenspiegel 
              paraît dès le 2 juin 1940 et ne disparaît que le 1er mars 1941. La 
              spécialité des jounraux communistes, fidèles aux clauses du pacte 
              germano-soviétique, sera de fulminer contre les Anglais. Le gouvernement 
              exilé en Angleterre est un ramassis de "laquais de la Cité de Londres et des 
              200 familles", qui, de srucroît, "ont souillé le blason du Roi" (ce qui, 
              sous la plume d'un militant communiste, est assez étonnant, puisque les 
              communistes s'opposeront avec la dernière énergie au retour du monarque 
              après 1945 et que Julien Lahaut criera "Vive la République!", au moment de 
              la prestation de serment de Baudouin 1er; Lahaut sera mystérieusement 
              assassiné par des inconnus, sur le pas de sa porte, quelques semaines plus 
              tard...). Le 16 juin 1940, Uilenspiegel se félicite de l'entrée des troupes 
              de Mussolini dans les Alpes françaises: "cela hâtera la débâcle des 
              impérialistes". Le même journal, le 21 juillet 40, applaudit aux 
              propositions de paix de Hitler, en concluant: "Plus vite les boutefeux 
              occidentaux seront battus, mieux cela vaudra". En septembre 1940, La Vérité 
              se félicite du fait que l'URSS ait supprimé "ce foyer de guerre né de 
              Versailles qu'était la Pologne des seigneurs"; et il ajoute: "Les fauteurs 
              de guerre anglo-français et leurs valets, les chefs de la social-démocratie, 
              rejetèrent dédaigneusement les propositions allemandes appuyées à l'époque 
              par l'URSS". Le 15 janvier 1941, Clarté insulte les troupes belges recrutées 
              à Londres: c'est une "Légion Etrangère" destinée à servir "les magnats 
              britanniques auxquels [le gouvernement Spaak-Pierlot de Londres] a déjà 
              livré le Congo" (et voilà les communistes défandant le colonialisme belge, 
              pourtant ultra-capitaliste dans ses pratiques!). Liberté et Drapeau Rouge se 
              félicitent de la révolte anti-britannique de Rachid Ali en Irak, des 
              mouvements indépendantistes indiens qui sabotent le recrutement de troupes 
              aux Indes, de la disparition de la Yougoslavie, et de l'occupation de la 
              Grèce (qui avait eu le tort d'abriter des troupes britanniques "menaçant 
              l'URSS"!) (éditions de mai 1941). 
              Mais ces vigoureuses tirades pro-allemandes et anti-britanniques se feront 
              moins enthousiastes pour plusieurs motifs: 1) les autorités d'occupation 
              sont conservatrices et refusent toutes concessions d'ordre social; 2) les 
              Allemands se servent des stocks belges de vivres et de matières premières, 
              accentuant la précarité dans les couches les plus pauvres de la population; 
              3) les divergences entre Allemands et Soviétiques se font sentir; ce qui 
              conduit certains chefs communistes à suivre les mots d'ordre consignés dans 
              un article prémonitoire, paru avant mai 40, de Temps Nouveaux (n°2, 1940), 
              où on lit: "Ce qu'il faut souhaiter, c'est une paix juste et durable, par un 
              accord entre les deux plus fortes puissances du globe: les Etats-Unis et 
              l'URSS". Finalement, la presse communiste affirmera que "l'avenir 
              n'appartient ni à Hitler ni à Churchill". Ou, comme l'exprime un titre sans 
              ambigüité de Liberté (14 avril 41): "Churchill ou Hitler? Les travailleurs 
              ne choisissent pas entre la peste et le choléra"; 4) Les communistes, tout 
              comme les socialistes de l'UTMI, sont furieux de voir que les Allemands 
              donnent les postes-clef aux militants des partis autoritaires de droite, 
              Nationalistes flamands du VNV et Rexistes de Degrelle. Les Rouges se sentent 
              floués. 
              Le 22 juin 1941, le pacte germano-soviétique a vécu. Les communistes 
              poursuivront dès lors les mots d'ordre parus dans Temps Nouveaux: alliance 
              avec Roosevelt et Staline, contre les vieilles puissances européennes. 
               
              Raoul FOLCREY. 
              
  
              
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