A propos du livre de Henri de Grossouvre, Paris-Berlin-Moscou
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06/11/02 |
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4.39 t.u. |
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Jean PARVULESCO |
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Les Etats-Unis
n'ont rien à faire en Europe !
Combattre l'OTAN,
c'est combattre pour l'Europe !
Fils de François de Grossouvre -‹qui, pendant les présidences de François Mitterrand, avait été, en fait, sous la couverture de Grand Veneur de la République, le responsable présidentiel pour la conduite opérationnelle de l'ensemble des services de renseignements politiques et militaires français, et qui ‹ainsi que l'on s'en souvient‹ trouva une mort mystérieuse et tragique à l'intérieur même du palais de la Présidence de la République‹ le jeune Henri de Grossouvre vient de publier à Paris, aux Editions L'Age d'Homme, avec une importante préface du général Pierre-Marie Gallois, un essai d'analyse et prospective géopolitiques de la plus brûlante actualité; intitulé Paris-Berlin-Moscou.
"Le centre du monde est en marche vers l'est", écrit le général Pierre-Marie Gallois dans sa préface. Henri de Grossouvre, qui vit et travaille à Vienne, est un spécialiste des problèmes économico-politiques de l'Allemagne, de l'Autriche et de l'ensemble de l'espace géopolitique de l'Europe de l'Est, de l'ancienne Mitteleuropa. Henri de Grossouvre est aussi un partisan activiste et un doctrinaire de pointe de l'intégration de la "nouvelle Russie" de Vladimir Poutine au sein de la plus Grande Europe continentale, ouverte à présent vers les projets eura-siati-ques avancés par les groupes géopolitiques proches de l'entourage immédiat du président russe.
A ce titre, le livre de Henri de Grossouvre, Paris-Berlin-Moscou, constitue un document politique extrêmement ré-vélateur, livrant les positions d'avant-garde d'une certaine tendance actuelle de la pensée géopolitique fran-çai-se en action et cela d'autant plus que Henri de Grossouvre sera sans doute prochainement appelé à des res-pon-sabilités politiques de niveau européen, dans le cadre d'une "Communauté géopolitique France-Allemagne-Eu-rasie", actuellement en voie de constitution. La thèse fondamentale du livre de Henri de Grossouvre fait la promotion de la plus que nécessaire, désormais, intégration fédérale de l'ensemble continental grand-européen au-tour de l'axe Paris-Berlin-Moscou, derrière lequel se profile, implicitement et dans un plus lointain avenir, l'axe transcontinental de la "Forteresse Eurasiatique"" Paris-Berlin-Moscou-New Delhi-Tokyo. Ce qui en appelle, en premier lieu, l'intégration "à part entière", à la fois totale et immédiate, de la "Nouvelle Russie" de Vladimir Poutine au sein de la communauté d'être et de destin de la plus Grande Europe.
Les précédences de la doctrine géopolitique de l'axe Paris-Berlin-Moscou
Mais Henri de Grossouvre ne se contente pas seulement de poser le problème de l'intégration continentale gran-de-européenne tel qu'il se présente à l'heure actuelle, il cherche dans la récente histoire européenne de cette vision géopolitique fondamentale, qui refait aujourd'hui surface dans les combats les plus avancés de notre propre actualité politico-historique en cours, les précédences qui l'annonçaient et qui en avaient déjà tenté de la projeter dans l'histoire en marche, de l'amènera se trouver effectivement réalisé. Ainsi que le Général de Gaulle l'avait fait plus qu'a moitié. Qui en avait même déjà accompli l'essentiel en instituant le Pole Carolingien franco-allemand, base de toute tentative d'intégration continentale européenne à venir.
Ainsi Henri de Grossouvre commence-t-il par rappeler la tentative malheureusement ratée de Gabriel Hanotaux, ministre des Affaires Etrangères de la France de 1896 à 1898, qui avait essayé de mettre sur pieds une entente continentale France-Allemagne-Russie dans le double but de défaire en force les tenailles de la poli-tique d'emprise de la Grande-Bretagne sur l'Europe, et de promouvoir une vaste entreprise continentale eu-ropéenne commune de développement politique, économique et industriel. Gabriel Hanotaux disposait, comme interlocuteurs pour son projet continental commun, en Allemagne du prince Bülow et en Russie, du comte Ser-gueï de Witte, promoteur du Transsibérien. Parmi les grands projets d'infrastructure continentale de Gabriel Ha-notaux figuraient, avec l'appui de von Bülow et de Witte la mise en ¦uvre accélérée des chemins de fer trans-continentaux Paris-Vladivostok et Berlin- Bagdad. Plus un certain nombre d'autres projets restés secrets à ce jour.
Déjà la "Wilhelmstrasse tenait alors pour acquis qu'il s'agissait de démontrer pratiquement que l'Angleterre ne doit plus compter sur l'antagonisme franco-allemand pour s'emparer de tout ce qui est à sa convenance".
Mais les "services politiques extérieurs" de Londres, ainsi que les "puissances des ténèbres", alors à l'¦uvre, en profondeur, à Paris, avaient fini par faire capoter au bout de deux ans - la politique visionnaire de Gabriel Ha-notaux et de ses interlocuteurs allemand et russe pour la libération de l'Europe ; échec qui, à terme, devait me-ner à deux guerres mondiales, 1914-1919 et 1939-1945. Et qui persiste à obscurcir encore l'horizon intérieur de l'actuelle histoire européenne.
Soixante ans plus tard, relève Henri de Grossouvre, le général de Gaulle reprendra à son compte le même pro-jet d'une "communauté d'être et de destin" France-Allemagne-Russie, dont il réussira, lui, à enclencher la mise en route politique immédiate, en obtenant l'installation du "Pôle Carolingien" franco-allemand au c¦ur de la politique européenne. Une nouvelle grande politique continentale européenne était ainsi née, processus d'inté-gra-tion désormais inéluctable, qui va devoir aboutir, après l'intégration de la Russie en son sein, à une fédé-ra-tion européenne grand-continentale et. à la fin, à cette communauté impériale européenne d'au-delà de l'his-toire de ce monde révolu, que nous autres, ceux des "groupes politiques", appelons "l'Empire Eurasiatique de la Fin".
Déjà en 1949, lors d'une conférence de presse, le Général de Gaulle déclarait prophétiquement: "Moi je dis qu'il faut faire l'Europe avec pour base un accord entre Français et Allemands. Une fois l'Europe faite sur ces bases, alors on pourra se tourner vers la Russie. Alors on pourra essayer, une bonne fois pour toutes, de faire l'Europe tout entière avec la Russie aussi, dut-elle changer de régime. Voilà le programme des vrais Européens. Voilà le mien".
De même que dans les années soixante, dans les Charentes, le Général de Gaulle confessait que l'actuel rapprochement en profondeur de la France et de l'Allemagne dont il venait d'établir lui-même les bases, constituait, en fait, vraiment une nouvelle "Révolution Mondiale". Paroles extraordinairement chargées, décisives, révélatrices. Paroles fondationnelles, et qui resteront. Dont bien plus tard on comprendra le sens ultime. Elle est née la "Nouvelle Révolution Mondiale", et elle se développe.
Car, en créant le "Pole Carolingien" franco-allemand, le Général de Gaulle avait définitivement posé les fondations impériales de la plus Grande Europe continentale, devant laquelle il ouvrait ainsi, à nouveau, les chemins de ce que Nietzsche appelait la "grande histoire", tout en assurant à celle-ci une place entière dans la con-fron-tation politique planétaire finale actuellement en cours.
Georges Soulès et le "Mouvement Social Révolutionnaire"
Henri de Grossouvre, cependant, omet de citer, parmi les antécédents des actuels projets d'intégration conti-nen-tale européenne, l'initiative prise, en 1943. à Paris, par le secrétaire général du "Mouvement Social Révo-lu-tionnaire" (MSR), Georges Soulès -‹devenu, plus tard, le grand romancier Raymond Abellio‹ en vue de la créa-tion révolutionnaire clandestine d'un axe Paris-Berlin-Moscou.
Quelle extraordinaire entreprise subversive que celle ayant amené Georges Soulès, le secrétaire général du "Mou--vement Social Révolutionnaire" (MSR), à prendre l'initiative, en pleine guerre, d'une action contre-stratégi-que transversale aux camps s'affrontant alors dans un combat continental paroxystique, aux allures apocalypti-ques finales. Action contre-stratégique de dimensions européennes continentales, où la France était représen-tée par le MSR, dont le patron dans l'ombre et le bailleur de fonde occulte, selon ce qui m'avait été confié par Raymond Abellio lui-même, n'était autre que Pierre Laval, qui nourrissait depuis longtemps l'ambition soi-gneu-se-ment cachée d'un grand destin européen; et cela depuis les années où il projetait de s'emparer de la Prési-dence de la République, en relation avec les grands desseins révolutionnaires européens qu'il partageait avec le roi Edouard VIII.
Alors que le répondant allemand de l'initiative parisienne du MSR au sujet de l'axe Paris-Berlin-Moscou était un groupe clandestin de la "SS Européenne" ayant trouvé asile auprès de l'Etat Major central de Heinrich Himmler, le SS Hauptamt, et dont le principal responsable était Richard Hildebrandt, avec, à ses côtés, le chef du bureau des plans du SS Hauptamt, Dolezalek (qui a survécu à la guerre). Un représentant personnel de Richard Hildebrandt en poste a Paris, un jeune colonel SS, assurait, sous couverture, une liaison permanente avec la fraction révolutionnaire clandestine "européenne" du SS Hauptamt de Berlin, avec l'"oeil du cyclone".
Alexandra Kolontaï, responsable de la diplomatie secrète de Staline
Quant à la Russie. le répondant à l'initiative du MSR concernant l'axe Paris-Berlin-Moscou se trouvait être l'am-bas-sadeur permanent de Ï. V. Staline à Stockholm, la mystérieuse Alexandra Kolontaï, responsable de l'en-semble de la diplomatie secrète de celui-ci, qui doublait tous les services de renseignements politico-militaires et autres de l'URSS. Le délégué personnel d'Alexandra Kokontaï à Paris, auprès du MSR, était un suisse disposant d'un statut diplomatique actif, le Dr Albrecht G." qui avait déjà travaillé pour le Komintern. Décédé à la fin des années cinquante, celui-ci avait laissé des mémoires politiques passionnantes, que Dominique de Roux avait es-sayé de publier à Paris, aux Presses de la Cité.
L'axe Paris-Berlin-Moscou de Raymond Abellio impliquait aussi, en dernière analyse, un "renversement des allian-ces" devant finalement opposer les puissances continentales -‹la France, l'Allemagne, la Russie‹ à l'emprise des puissances océaniques anglo-américaines et à leurs desseins hégémoniques planétaires. Un "renversement des alliances" ayant trouvé aussi une attention fort attentive auprès du Général de Gaulle lui-même au moment de l'offensive allemande dans les Ardennes, quand le général Eisenhower envisageait réellement de considérer la France comme "territoire d'"occupation" des forces alliées anglo-américaines. Moment crucial s'il en fut. De ces projets d'un axe continental grand-européen Paris-Berlin-Moscou mis en piste à Paris, pendant la dernière guerre, par le MSR, il nous faut retenir, me semble-t-il, qu'en matière de haute subversion politique active, opé-rationnelle, tout absolument tout est réellement possible à ceux qui, en assumant des risques inconceva-bles, osent envisager ‹et tenter‹ l'inconcevable. Leçon que nous autres devrions retenir d'une manière incon-di--tionnelle, tout jouer là-dessus.
Enfin, parmi les antécédents des actuels efforts en cours pour la mise en ¦uvre politique de l'axe grand-européen Paris-Berlin-Moscou que Henri de Grossouvre a omis de citer dans son livre, il faut également rappeler le con-cept géopolitique fondamental de Kontinentalblock, qui constitue l'aboutissement final de l'ensemble de la grande doctrine géopolitique de Karl Haushofer. Qui reste encore aujourd'hui le concept originel, fondationnel, de toute vision continentale grand-européenne d'ouverture impériale, "eurasiatique". Car les destinées ac-tuel-les et à venir de l'Europe, de la plus Grande Europe, en tiennent tous au concept de Kontinentalblock qui les dé-finit exhaustivement, les résume et les mobilise en les suractivant dans la direction la plus décisive de leur accomplissement prévu. De leur marche à venir, et déjà qui véhicule l'assurance qu'ils l'emporteront sur tout, et totalement.
L'ennemi prioritaire, la subversion mondialiste des Etats-Unis
Le livre de Henri de Grossouvre, Paris-Berlin-Moscou, se montre également utile à nos propres combats de libé-ra-tion continentale européenne d'aujourd'hui par l'attention offensive avec laquelle il nous avertit des périls extrêmes qui sont ceux de l'actuelle politique hégémonique planétaire des Etats-Unis. Et cela tout en signalant, avec pertinence, l'ensemble des prédispositions absolument décisives qui ont du rapprochement ‹et de l'in-tégration impériale finale à venir‹ de l'Europe et de la Russie notre seule voie de salut et de délivrance dans les prochaines années de notre destin à nouveau remis en jeu. Années décisives, donc, qui vont être pré-cisément celles de la confrontation sans doute ultime de la conspiration mondialiste finale des Etats-Unis et des puissances continentales constitutives de la "Forteresse Eurasiatique" suivant les lignes de force de l'axe Pa-ris-Berlin-Moscou- New Delhi-Tokyo.
Henri de Grossouvre : "Depuis la fin de la guerre froide la suprématie américaine est presque totale. Cette suprématie ne durera que 5 à 10 ans. Le temps que la Russie se relève et que la Chine s'affirme sur la scène internationale. En 1946, les Etats-unis représentaient 46% du PIB mondiale, aujourd’hui ils en représentent 25%, leur part relative continuera à baisser. Les Etats-Unis comme l'empire victorien déclinant à la veille de la première guerre mondiale, vont donc tout faire dans les années à venir pour essayer de verrouiller leur supré-matie actuelle. Depuis la chute du mur de Berlin, les guerres menées à l'initiative des Etats-Unis se sont mul-ti-pliées (Irak, Bosnie, Kosovo, Somalie, Afghanistan). Au cours de ces guerres, les Etats-Unis ont progressi-ve-ment transformé l'OTAN en instrument politique, alors même que la raison d'être de cette organisation était liée à l'existence du bloc communiste aujourd'hui disparu. Ces guerres ont été menées et conclues le plus sou-vent contre les intérêts français et européens".
Derrière l'apparent rapprochement tactique entre les Etats-Unis et la Russie depuis le 11 septembre ‹écrit, aussi, Henri de Grossouvre‹ les Etats-Unis et l'OTAN poursuivent depuis la fin de la guerre froide la tradition-nelle politique d'endiguement anglo-saxonne de la Russie. Pour assurer leur sécurité, les Européens doivent as-socier les Russes à la sécurité européenne".
Et cela d'autant plus impérativement que le "grand dessein" hégémonique planétaire des Etats-Unis est actuelle-ment entré dans sa "troisième phase", qui est celle de l'emprise sans partage de Washington sur l'ensemble de l'espace politique assujetti ‹ou en train d'être assujetti‹ à la subversion mondialiste. Les commandements po-li-tico-stratégiques de l'entreprise planétaire de prise d'influence occulte, de contrôle souterrain et d'emprise poursuivis actuellement par les Etats-Unis constituent désormais la seule loi présidant aux actions offensives d'appropriation exigés par la "troisième phase", impérialiste et totalitaire, de leur guerre mondialiste aux objectifs ultimes inavouables et non encore avoués des objectifs ultimes ontologiquement dissimulés par Wa-shington, "interdits", hors de portée , qui n'apparaîtront que très ultérieurement à la lumière du jour.
Ce que Henri de Grossouvre appelle la "domination mondiale américaine sans partage" atteint à présent des limites tout à fait Intolérables. Ainsi Henri de Grossouvre cite-t-il le cas du ministre de l'Intérieur socialiste al-lemand Otto Schilly, qui vient de demander la création d'urgence d'un "fichier central européen" destiné à rassembler tous ceux qui ont pris des positions "antimondialisles". en vue sans doute des futures opérations de ré-pression, que l'on planifie déjà, secrètement; des opérations de répression antimondialiste menées à l'é-chelle continentale européenne.
Ainsi, les choses en étant venues là, Henri de Grossouvre envisage-t-il l'intégration impériale de la Grande Euro-pe et de la Russie comme la seule contre-stratégie politique totale pouvant faire face à l'actuelle offensive gé--nérale des forces de l'hégémonie planétaire des Etats-Unis et de la subversion mondialiste, de laquelle Washington dissimule ‹ainsi qu'on vient de le dire‹ les objectifs ultimes, inavouables. qui sont ceux d'une véritable "religion mondialiste". et que l'on tente d'imposer au monde entier. "Religion mondialiste" qui. en tout dernière analyse n'est autre que celle de la domination finale des puissances occultes, matérialistes et anti-spirituelles, régressives, antérieures, archaïques, abyssales, dont les Etats-Unis sont eux-mêmes, inconsciemment, la proie. Tant est-il qu'il n'y jamais eu de guerre qui ne fût, secrètement, une "guerre de religion". La "re-ligion mondialiste", dans ses instances ultimes, dissimulées, c'est la religion nocturne du retour à ce qu'il y avait avant l'être, chaotiquement ; le retour à la "religion du non-être" dont avait parlé Lovecraft.
Les noces de Vladimir Poutine avec la "Nouvelle Russie".
Ce qu'il faut aussi relever, c'est que Henri de Grossouvre sait parfaitement reconnaître le rôle personnel, pré-destiné, de Vladimir Poutine dans la confrontation de plus en plus suractivée des puissances antagonistes ac-tuellement à l'¦uvre au niveau politique de la grande histoire", mais, qui, en réalité, agissent déjà à un niveau se situant au-delà de la politique, et au-delà du niveau même de l'histoire visible. C'est ailleurs que, désormais, se passent les choses vraiment décisives.
Le survol inspiré des tendances profondes, implicites, chiffrées, de la ligne politico-historique actuelle et à venir de la "Nouvelle Russie" de Vladimir Poutine. Que Henri de Grossouvre poursuit inlassablement dans son livre Paris-Berlin-Moscou, révèle l'horizon suprahistorique, "eschatologique", à l'intérieur duquel il s'agit de situer le de-venir de la "nouvelle histoire" de la Russie si l'on entend pouvoir en saisir le sens ultime, le mystère de ce qui la pousse en avant, d'une manière inéluctable, vers l'accomplissement de son destin non encore complètement décelé. Mais qui montrera ses configurations intérieures sur sa marche même, à mesure qu'il s'accomplira.
Or la relation profonde qui apparaît, désormais, entre la Russie et le destin profond ‹la prédestination active‹ de Vladimir Poutine se laisse surprendre, déjà, comme singulièrement révélatrice du rôle ‹de la mission se-crè-te‹ qui est celle de Vladimir Poutine dans les développements en cours de la situation de la Russie dans le monde et dans l'histoire en marche. Développements qui seront ce que Vladimir Poutine saura en faire, et rien d'autre; et quand on a compris cela, on a, en fait, tout compris. Et tôt ou tard, il faudra s'y faire.
A ce titre, Henri de Grossouvre produit une grille pratiquement exhaustive de faits dont l'ensemble est déjà en état de prouver le rôle tout à fait particulier de Vladimir Poutine dans la marche en avant ‹et désormais, en quel-que sorte, prévue d'avance‹ de la Russie vers l'accomplissement ultime qui se trouve secrètement inscrit dans son être abyssal. Les noces mystiques de Vladimir Poutine avec la Russie, c'est précisément ce qui con-stitue la source vivante et agissante, à l'heure actuelle, de la "grande histoire" en cours. Or, cela, Henri de Gros-souvre n'a pas manqué de le laisser transparaître, courageusement, dans son travail.
Et c'est peut-être la raison majeure de l'importance particulière que l'on se doit finalement d'accorder à ce livre, dont la part de sous-entendu égale parfois celle des affirmations, des données, des investigations objectivement et raisonnablement appelées à étayer sa démarche propre, qui dans tous les cas n'est pas sans périls. Cette attitude de l'esprit n'est-elle pas, d'ailleurs, spécifique des grandes incursions historiques vers le domaine des limites ultimes ?
Dans son Paris-Berlin-Moscou, Henri de Grossouvre ne livre-t-il donc pas, d'une certaine façon, une direction de re-cherche plutôt que la recherche elle-même, dont la substance se trouve ainsi sans cesse dépassée par ce qui la tend dialectiquement en avant ?
On n'en voudrait pour preuve que la manière dont Henri de Grossouvre est amené à traiter le problème des relations établies par Vladimir Poutine avec l'Inde, toute la place que l'Inde a prise dans l'ensemble des plans métastratégiques de la Russie en relation directe avec sa politique de présence à la fois dissimulée et suractivée dans l'espace grand-continental eurasiatique, où vont avoir à se passer les confrontations planétaires dé-ci-sives. Si la Russie parvient à tenir l'Inde et le Japon, ainsi que cela semblerait bien être le cas, elle contrôlera la Grande Asie, et la Chine s'en trouvera bloquée, neutralisée. A moins que la Chine ne se résigne à se tourner vers l'Indonésie, répondre aux espaces d'appel du Pacifique. Or, tout alors, en sera changé. De quoi vont être faits les premiers siècles du troisième millénaire, c'est l'Inde qui le décidera.
L'axe Paris-Berlin-Moscou et les peuples d'Europe
Cependant, un assez lamentable et dangereux piège surgit celui qu'on se laissât happer par le malentendu qui ferait que l'on prenne l'approche de l'axe Paris-Berlin-Moscou pour une formule limitative, alors qu'il ne s'agit que d'une structure géopolitique opérationnelle. La plus Grande Europe, "communauté d'être, de sang et de des-tin" ne saurait en aucun cas être exclusivement celle de la France, de l'Allemane et de la Russie, tout peuple européen étant partie prenante à part entière de l'ensemble à l'égal de tous les autres.
Certes, la France, l'Allemagne et la Russie peuvent être considérées à la rigueur comme des points forts et de rayonnement, comme des "pivots", qui se nourrissent dialectiquement tout en nourrissant ce dont leurs identités se trouvent appelées à représenter géopolitiquenent, dans les termes d'un même destin.
"Les trois grands peuples continentaux que sont les Français, les Allemands et les Russes ‹écrit Henri de Grossou-vre‹ occupent une place particulière en Europe. Chacun de ces trois pays exerce un rôle géographique sur une partie de l'Europe la France sur l'Ouest et le Sud de l'Europe, l'Allemagne sur l'Europe centrale et orien-tale, la Russie sur l'extrême Est de l'Europe, le Caucase, l'Asie centrale et le reste de l'Asie. Le rayonnement de la France s'est toujours déployé vers l'Europe du Sud, la Méditerranée ainsi que sur sa frontière orientale. L'Al-lemagne joue un rôle particulier en Europe centrale et orientale, et la Russie a étendu son empire en Asie et vers les mers du Sud. Ce rôle de pivot peut se traduire sur le plan spirituel par la notion de destin". Et en-suite: "Charles de Gaulle avait conscience de n'être que l'instrument d'un plus grand dessein qui le dépassait".
Pour sauver l'être et la liberté du "grand Continent", il faut reconstituer révolutionnairement la "grande nation continentale" de nos origines les plus lointaines, faire que la fin du cycle rejoigne ses débuts ontologiques. "Encore une fois nous briserons l'histoire".
Changer de conscience, changer de destin. changer de métastratégie ultime, changer de stratégie opérationnelle immédiate
De toutes ces considérations dramatiques, une seule évidence salutaire se dégage : s'ils veulent survivre à l'offensive d'assujettissement politique, d'aliénation totale de leur être propre, entreprise contre eux par la conspiration mondialiste des Etats-Unis ‹et par ce qui se dissimule derrière ceux-ci‹ les peuples européens du Grand Continent doivent changer de conscience, changer de destin, changer de métastratégie ultime, changer de stratégie opérationnelle immédiate Se mettre en état de faire face. De faire face dans les termes d'une guerre politique totale, d'une guerre qui devra décider, pour le millénaire à venir, du sens de l'histoire du monde.
II leur faudra donc recouvrer la conscience entière de leur unité ontologique des origines premières, de leur prédestination impériale ultime, "eschatologique", de leur identité transcendantale, "suprahumaine". En même temps qu'une nouvelle conscience planétaire, parce que les nouveaux enjeux du nouveau pouvoir total l'exigent. Car on ne peut en aucun cas faire face séparément à une offensive de dimensions planétaires. A une offensive de dimensions planétaires, seule peut répondre la contre-offensive planétaire d'une nou-vel-le contre-stratégie planétaire. Il n'y a plus, désormais, qu'une seule urgence absolue pour nous autres, celle-là.
Henri de Grossouvre, en conclusion : "Dans les prochaines années, l'histoire risque de s'accélérer, les dangers aug-menter, les guerres se multiplier". Même si la situation est critique, c'est dans ces périodes que peuvent se présenter des opportunités inattendues. "Mais là ou il y a danger, là aussi / Croît ce qui sauve" (Hölderlin).
A présent, le salut, la liberté et la délivrance de la "Forteresse Eurasiatique" mobilisée autour de l'axe transcon-tinental Paris-Berlin-Moscou-New Delhi-Tokyo réside dans la mise en route politico-historique, dans les ter-mes d'une nouvelle "Révolution Mondiale", de ce que nous autres, ceux des "groupes géopolitiques", appelons l'"Empire Eurasiatique de la Fin", figure visionnaire ultime d'un avenir qu'il nous appartient de créer nous-mêmes révolutionnairement.
Or qui sommes-nous, "nous autres", ceux des "groupes géopolitiques"? Alors qu'on nous a condamnés à l'aliénation forcée, à l'aliénation totale de notre civilisation, à la déchéance sans retour et à la mort, nous sommes ceux qui refusent d'accepter cette condamnation, qui veulent renverser à nouveau le rapport des forces décisives, briser, encore une fois, l'histoire que l'on veut nous faire. L'histoire qui n'est absolument pas notre his-toire. Nous sommes les combattants de la fin, les combattants qui se lèvent en armes, tragiquement, contre l'An-ti-Histoire.
Nous allons donc commencer par constituer, d'urgence, en marge des gouvernements nationaux de tendance li-bérale démocratique au pouvoir partout en Europe, une "Communauté géopolitique France-Allemagne-Russie". Agissant a la manière d'un gouvernement idéologico-politique, d'un "gouvernement contre-stratégique" en-gageant de par lui-même l'ouverture du chantier de l'intégration impériale Révolutionnaire grand-européenne continentale autour de l'axe Paris-Berlin-Moscou-New Delhi-Tokyo. En commençant par l'intégration de l'Union Européenne et de la Russie, doctrinalement pour commencer, et passant ensuite au niveau immédiatement politique.
"Tout rentre à nouveau dans la zone de l'attention suprême", dit un puissant mantra.
On me reprochera" je suppose, d'avoir largement dépassé, dans le présent article sur le livre de Henri de Grossouvre, Paris-Berlin-Moscou, le niveau du compte rendu habituel, pour rejoindre le domaine supérieur de l'ac-tuelle guerre métastratégique planétaire. Mais qu'ai-je fait d'autre, ainsi, que de situer le livre de Henri de Grossouvre dans l'espace du combat qui est fondamentalement le sien ? A l'heure de la mobilisation générale de tous les efforts des nôtres menant à la naissance d'une nouvelle conscience impériale révolutionnaire euro-péen-ne grand-continentale, seule fait loi l'exigence que l'on veille en permanence sur la convergence opéra-tion-nelle de tous les éléments pouvant contribuer à l'établissement d'urgence d'un front idéologique commun contre l'offensive de la conspiration mondialiste en cours de développement. Ce livre de Henri de Grossouvre, je l'ai porté en première ligne, à découvert
Jean Parvulesco.
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