06/11/04 14.33 t.u. Paul Gillespie

Alors que Bush vient d'être réélu, il n'est peut-être pas inutile de lire ce texte de Paul Gillespie, dans le Irish Times (4 octobre 2003)

« Une superpuissance isolée qui manque de véritable puissance, un leader mondial que personne ne suit et que peu respectent, et une nation dérivant dangereusement au milieu d’un chaos qu’elle ne peut pas contrôler. »

Cette triste description des Etats-Unis est faite par le distingué historien américain et analyste des système mondiaux, Immanuel Wallerstein. Son thème est le déclin impérial qui inaugurera, affirme-t-il, un monde chaotique pour les 20 ou 30 prochaines années.

Son travail sur l’histoire mondiale comparative durant la dernière génération a été très influent, créant une école d’analyse qui commence avec le système capitaliste transnational depuis le 17ème siècle et qui le relie aux systèmes inter-étatiques en développement depuis lors. Dans son ouvrage le plus récent, The Decline of American Power: The US in a Chaotic World [Le déclin de la puissance américaine: les USA dans un monde chaotique], il examine quelles leçons l’histoire peut donner à son propre pays.

Cette analyse a attiré une grande attention à cause de la vaste discussion internationale pour savoir si les analogies impériales peuvent s’appliquer à la puissance US, impliquant les conservateurs de diverses tendances dans et autour de l’Administration Bush ainsi que ses opposants de gauche, y compris Wallerstein.

La controverse peut être suivie sur un intéressante site web : HYPERLINK "http://www.globalpolicy.org/empire/analysis" www.globalpolicy.org/empire/analysis

Wallerstein fait remonter l’émergence de l’hégémonie mondiale US aux années 1870, quand les USA et l’Allemagne commençaient à acquérir une part croissante des marchés mondiaux, principalement aux dépens de l’économie britannique en récession régulière. La période 1914-1945 est comprise comme une « guerre de 30 ans » pour la domination mondiale entre l’Allemagne et les Etats-Unis.

Il divise l’ère de l’après-guerre en trois périodes. Jusqu’en 1967-73, les USA ont joui d’une puissance militaire, économique et politique incontestable dans les deux-tiers du monde établi par les accords de Yalta.

Le Vietnam, 1968 et le rétablissement économique de l’Europe occidentale et du Japon ont miné cela, conduisant à une période de « dernières lueurs de l’été » pour la puissance US jusqu’au 11 septembre 2001, [période] dans laquelle ses deux objectifs principaux de politique étrangère furent d’empêcher l’émergence d’une entité européenne politiquement indépendante (incluant la Russie) et de maintenir la supériorité militaire US en limitant la diffusion d’armes nucléaires dans le Sud.

Nous sommes maintenant entrés dans une nouvelle période, tendant vers 2025 ou 2050, « une période d’anarchie que les USA ne peuvent pas contrôler ». Alors que les faucons néo-conservateurs sont d’accord avec lui concernant le déclin relatif, leur politique de l’inverser par la force risque d’accélérer le processus, pense-t-il …


Curieusement, un autre prophète du déclin américain est l’historien et démographe français Emmanuel Todd, dont le livre Après l’Empire, essai sur la décomposition du système américain, publié l’année dernière, a été un best-seller en France et est sur le point d’être publié en anglais.

Son analyse chevauche celle de Wallerstein à plusieurs égards, y compris la longue revue des réalisations économiques et de la surtension militaire. Il est bon d’être au courant de leurs arguments dans un monde si incertain.

L’« activisme militaire théâtral contre des Etats-voyous sans importance auquel nous assistons actuellement s’oppose à cette toile de fond. C’est un signe de faiblesse, pas de force ».

« Mais la faiblesse entraîne l’imprévisibilité. Les Etats-Unis sont en train de devenir un problème pour le monde, alors que nous avions précédemment été habitués à voir en eux une solution ».

Todd trace un parallèle avec l’Espagne impériale du 17ème siècle, quand l’or affluait en provenance du Nouveau Monde, quand la productivité déclinait et que le pays dans l’arriération économique et technologique.

Lui aussi dit que les USA chutent dramatiquement dans le domaine industriel principal. Leur commerce dans la technologie avancée est tombé en déficit dans les années 90, leur déficit annuel de 500 milliards de dollars étant creusé par les investissements à l’étranger.

Ils sont loin derrière dans la technologie des communications mobiles, incluant les satellites. Airbus est sur le point de dépasser Boeing, les systèmes ferroviaires européens sont loin devant.

« La seule supériorité restante est la militaire. C’est classique pour un système en cours d’effondrement. La chute de l’Union Soviétique eut lieu dans un contexte identique » lorsqu’elle se lança dans des aventures militaires, incluant l’Afghanistan, pour oublier ses problèmes économiques.