29/06/04 11.21 t.u. François-Xavier Massa

Affolés, dégoûtés par la diplomatie "désastreuse" – voire soucieux de quitter le navire bushlerien tant qu’il en est encore temps – du président George W. Bush dans le monde, d'anciens diplomates et militaires appartenant à la fine fleur de l’establishment US ont tiré la sonnette d'alarme, publiant une lettre ouverte pour réclamer un changement politique.

Jamais, de toute leur histoire, " les États-Unis n'ont été aussi isolés parmi les nations, n'ont suscité autant de crainte et de méfiance ", stigmatise le texte signé par ces 27 responsables, qui se présentent comme " démocrates pour certains, républicains pour d'autres, beaucoup ayant voté pour George W. Bush ".

" Nous ne sommes pas liés à John Kerry ", insiste l'un d'entre eux, Bill Harrop, lors d'une conférence de presse, avant de nuancer son propos, soulignant qu’ " Evidemment, nous pensons qu'il faudrait qu'il soit élu, mais nous ne parlons pas en son nom ", ajoute cet ancien ambassadeur en Israël.

" C'est cette administration qui s'est éloignée de moi, et pas le contraire ", note avec amertume le général Merrill McPeak, ancien chef d'état-major de l'Air Force, qui se présente comme un républicain de longue date. " Notre diplomatie a été aussi maladroite que possible ", regrette-t-il, jugeant aussi que la planification militaire a été largement insuffisante en Irak.

Pire, pour Chas Freeman, ex-ambassadeur US à Riyad, ne stratégie de sortie d'Irak va désormais être difficile, notamment après " les insultes contre nos alliés, l'indifférence envers nos partenaires dans la région ". car, " Les choses sont allées si loin, pouvons-nous encore réparer les dégâts ? ", ajoute de son côté le diplomate Bob Oakley, et " Notre réputation internationale a été atteinte. Pour tout cela, il est trop tard ", poursuit Dan Philips, ancien ambassadeur en Afrique.

Plusieurs signataires ont également évoqué la dégradation de l'image des États-Unis dans le monde, attestée par de nombreuses études et sondages.

Chas Freeman a dénoncé notamment " l'hystérie " qui a saisi le pays après les attentats du 11 septembre 2001, soulignant les abus en termes de droits de l'homme et de libertés civiles qui ont suivi.

En fait, malgré l'onde de choc, " le 11 septembre n'a pas modifié nos intérêts fondamentaux ", affirme Bob Keeley, " Mais cela a permis une parfaite couverture au président Bush pour faire tout ce qu'il voulait ".

Faisant allusion au centre de détention de Guantanamo (Cuba), où quelque 600 prisonniers sont détenus " sans inculpation pendant des années, sans même que leurs noms soient révélés ", Freeman a estimé qu’ " Avec le temps, nous allons ressentir une grande honte en pensant à cette période de notre Histoire ".

Le scandale des tortures dans la prison d'Abou Ghraib, près de Bagdad, est une " catastrophe sur le plan moral ", ajoute Bob Oakley. " Nous sommes arrivés pour montrer l'exemple au Moyen-Orient et qu'avons-nous fait ? Tout le contraire ".

Face à cette levée de bouclier, le Département d'État a surtout cherché à éviter d'engager une polémique sur le terrain politique, en répondant que " les personnes ayant quitté la diplomatie sont libres d'exprimer les opinions qu'elles veulent ".

Ce qui n’a nullement empêché son porte-parole, Richard Boucher, de défendre l'action du gouvernement en affirmant que " cette administration a un bilan qu'elle est fière de défendre ".

Apparemment, une posture qui a de plus en plus de mal à faire recette…