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Europe marchande et « pétrolisation de l'eau »

10/06/04 6.01 t.u.
Aurélien Durand

Selon la banque mondiale, le marché potentiel de l'eau s'élèverait à un billion de dollars et constituerait le placement le plus rentable. Pas étonnant dans ce cas, que des géants comme Coca-Cola [1], ou même comme Monsanto [2], le roi de l'OGM, tentent de s'y aventurer et de rejoindre ainsi les quelques élus que sont Vivendi environnement, Suez-Lyonnaise des eaux ou l'américain Bechtel.

L'ouverture du secteur de l'eau à la libre concurrence

Si les récents malheurs de Coca-Cola, qui a suspendu la commercialisation en Europe de son eau en bouteille Dasani ne peuvent que nous réjouir, il faut aussi y voir une parfaite illustration de ce que signifie l'ouverture du secteur de l'eau à la libre concurrence : l'assujettissement d'un bien commun aux intérêts privés internationaux et aux lois du marché. Cet exemple très symbolique - l'eau, c'est la vie - démontre clairement que dans les politiques imposées par l'OMC, la Banque mondiale, ou encore la Commission européenne, absolument aucun secteur ne doit pouvoir opposer la moindre résistance au rouleau compresseur de la marchandisation. Selon Vandana Shiva [3], la banque mondiale ne s'est pas contentée de « jouer un rôle majeur dans la création de la pénurie d'eau et de la pollution. Elle oeuvre à présent pour transformer cette rareté en créneau commercial pour les entreprises d'eau. »

En effet, avec les accord de Marrakech (1994) qui sont à l'origine de l'OMC, la doctrine qui s'impose est celle d'un libre échange sans limites, d'un ultra-libéralisme des plus agressif où tous les rapports humains sont assimilés à des rapports marchands et où les règles du commerce exigent l'absence de toute prise en considération des particularités individuelles ou collectives. Ainsi, lors de la conférence ministérielle à Doha en novembre 2001, l'OMC a inscrit dans son programme des négociations, qui doivent se terminer au plus tard au 1 janvier 2005, « la réduction, voire, si c'est approprié, l'élimination des obstacles tarifaires et non tarifaires aux biens et services environnementaux. » Ce programme s'inscrit dans le processus continu de la mise en oeuvre de l'AGCS (Accord général sur le commerce des services) qui est un traité international par lequel, au sein de l'OMC, les pays industrialisés entendent appliquer radicalement la doctrine du libre échange au secteur tertiaire. Il est bon de préciser que l'application des dispositions contenues dans l'AGCS n'est pas facultative. Le processus décidé à Doha, avec la bénédiction de l'UE, entend donc imposer à chaque état « d'offrir »(sic) périodiquement une liste de services à libéraliser et de se soumettre aux demandes des autres. A l'exception des services régaliens de l'Etat, ce sont tous les services qui sont visés à terme : de l'éducation aux parcs naturels, de la culture aux politiques liées à l'eau, l'OMC a inventorié pas moins de cent soixante secteurs de services différents. Chaque Etat devant accorder à tous les fournisseurs des services des Etats membres le même traitement que celui qu'il accorde aux fournisseurs de services de l'un d'entre eux et fournir à l'OMC, au titre de la transparence, l'ensemble de ses législations, réglementations et procédures nationales et locales en rapport avec le secteur concerné.

Les conséquences directes de ces dispositions sont la mise en concurrence des services de l'Etat et le renoncement au monopole d'Etat pour les secteurs concernés, la privatisation de services qui, par tradition, sont alloués à l'Etat et la disparition des traitements particuliers ou des distinctions entre secteur marchand et non marchand. Le caractère irréversible de ces dispositions met en grand danger la liberté de choix et l'adaptabilité aux besoins particuliers ou conjoncturels.

Vers la privatisation des nappes phréatiques

Le 30 juin 2002, en application des décisions prises à Doha, la Commission européenne demandait à cent neuf pays de libéraliser un certain nombre de secteurs de services chez eux, dont, pour soixante-douze pays, l'ensemble des services relatifs à l'eau de consommation et au traitement des eaux usées, en insistant particulièrement auprès des gouvernements des pays dont la population s'était clairement positionnée contre : Bolivie, Egypte, Panama, Paraguay. Ces demandes concernaient également l'accès au marché et l'application du traitement national (il consiste à accorder le même traitement aux fournisseurs de services étrangers que nationaux) pour la protection et la gestion des nappes aquifères, la captation, la purification et le stockage de l'eau, sa distribution et le traitement des eaux usées. Comme le souligne alors la juriste américaine Lori Wallach, l'accès libéralisé aux eaux souterraines ouvre la voie à la privatisation des nappes phréatiques et par conséquent engage ce que certains appellent le processus de « pétrolisation de l'eau. »

Cette volonté de libéraliser à tout prix est particulièrement limpide à la lecture des courriers échangés par les services de Pascal Lamy, commissaire européen au commerce et seul négociateur à l'OMC, avec la société Suez-Lyonnaise des eaux. En mai et juin 2002, la Commission européenne confirmait ainsi sa détermination à faire adopter des « disciplines » [4], conformément à l'article 6.4 de l'AGCS et demandait à Suez de lui communiquer les législations et réglementations qui, pays par pays, « affectent les opérations de manière négative », en insistant sur les normes nationales qui imposent le service universel...

En parallèle, la Commission européenne proposait une directive [5] « visant à réduire la paperasserie qui étouffe la compétitivité » - on notera au passage le style cher au MEDEF- et qui apparaît clairement comme une transposition de l'AGCS « encore plus néolibérale » dans le droit européen. Elle appelle tous les Etats membres à « établir rapidement un véritable marché intérieur des services pour assurer la compétitivité des entreprises européennes et pour renforcer sa position de négociations. » En bref, l'Europe cherche à instaurer chez elle les conditions nécessaires pour pouvoir exiger des autres la privatisation de leurs services. Il s'agit de faire sauter tous les obstacles à une complète libéralisation et à établir une totale liberté de circulation des services. Pour se faire, elle entend remettre en cause le pouvoir discrétionnaire des autorités locales, c'est à dire des autorités locales élues et contrôlées démocratiquement en imposant le principe du pays d'origine, et en abandonnant celui d'harmonisation car ne répondant plus à l'intérêt des firmes privées. Selon ce principe un prestataire de service est soumis exclusivement à la loi du pays dans lequel il s'établit et non pas à celle du pays où il offre le service. Raoul Marc Jennar parle de l'institution « de pavillons de complaisances des firmes prestataires de services. » En fait, l'intérêt d'une telle mesure tient surtout à l'instauration de deux espaces au sein de l'Europe, au moins dans un premier temps : d'un côté la vieille Europe et ses règles sociales, économiques et environnementales, et de l'autre, la nouvelle, acquise aux principes neolibéraux de l'OMC, du FMI et de la Commission. Toujours selon Raoul Marc Jennar, cette directive est d'une part la preuve éclatante que « la Commission travaille d'abord pour les groupes de pressions des milieux d'affaires » et d'autre part la légalisation d'un véritable « dumping fiscal, social et environnemental. »

La surconsommation de l’or bleu

L'UE entend ainsi, non pas protéger contre la mondialisation, mais bien en prendre la tête et une fois de plus changer par le biais d'une directive les traités instituant la Communauté européenne. Avec le soutien des quinze gouvernements - et bientôt des vingt-cinq - la priorité reste encore et toujours l'intérêt particulier des entreprises privées contre celui des citoyens. Elle cherche ainsi à imposer la logique de la rentabilité à tous les niveaux. L'or bleu, comme l'or noir aujourd'hui, sera sans aucun doute, demain, la cause de bien des conflits [6]. D'autant plus que l'idéologie libérale, loin de pousser à l'économie pousse plutôt à la surconsommation et participe ainsi à la raréfaction de la ressource [7] ou tout au moins à cette impression instrumentalisée par les tenants du libéralisme qui alimentent le mythe qui consiste à vouloir faire croire que seul le secteur privé est capable de gérer la ressource au mieux. Pourtant les exemples récents montrent que dès que la rentabilité n'est plus celle escomptées, les beaux discours sont tous laissés de côté. Ainsi Suez s'est très vite retiré du marché Philippin ou Argentin dès que les profits ont commencés à chuter. D'un autre côté, comme en France, l'entrée en scène du privé s'est traduit par une augmentation de 150 % du tarif consommateur. En Grande Bretagne, il a augmenté de 450 % et le profit des entreprises de 692 % tandis que les suspensions de fourniture d'eaux aux particuliers augmentaient de 50 % et les cas de dysenteries étaient six fois plus nombreux [8].

Il devient donc de plus en plus urgent que soit reconnu le caractère de bien commun public de l'eau et de parvenir à exclure, dans un premier temps, l'eau et les biens et services environnementaux de la catégorie des biens et services marchands. Si l'Europe doit exister, elle n'aura d'avenir possible qu'en dehors de cette logique libérale et en rendant au politique la capacité de gérer cette ressource. A l'Europe des marchands, de la compétitivité et du tout privé, nous devons opposer une Europe libérée des entrepreneurs du profit, une Europe de la Res Publica, consciente de son rôle de protecteur de l'intérêt commun.

Aurélien Durand

Note :

1 - Coca-Cola a annonçait le rappel de quelque cinq cent mille bouteilles de Dasani en Grande-Bretagne, des tests ayant montré que cette eau purifiée contenait des quantités de bromates, composés potentiellement nocifs, dépassant les normes sanitaires. Achetée à la compagnie privée Britannique de distribution des eaux, Thames Water, l'eau était revendue après retraitement (par osmose inverse et ozone) et filtrage près de trois cent fois son prix d'achat. Ce qui en faisait tout de même l'eau du robinet la plus cher au monde...
2 - Monsanto négocie actuellement une possible collaboration avec la Banque mondiale.
3 - La guerre de l'eau, Editions Parangon.
4 - Les « disciplines », élaborés au sein de l'OMC, sont des obligations spécifiques imposées par l'AGCS. Elles concernent la transparence, les législations et réglementations intérieures, l'accès au marché et le traitement national.
5 - Rédigé par le très libéral Frits Bolkestein.
6 - En 2020, sur les huit milliards que nous serons sur cette planète, trois milliards seront sans eau potable et cinq milliards sans assainissement.
7 - A elle seule l'agriculture représente jusqu'à 70% de la consommation mondiale de l'eau.
8 - La British Medical Association a condamné dans un rapport la privatisation de l'eau pour ses effets néfastes sur la santé

 
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