Guerre contre l'Irak : les véritables raisons américaines
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06/11/02 |
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Roland Pirard |
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Le 11 septembre 2001, le monde était stupéfié par les images des avions suicides se jetant sur les deux tours du World Trade Center à New York, ainsi que par la vue du Pentagone à Washington, sur lequel un autre avion suicide se serait lancé. Immédiatement, le président américain George Bush désignait le coupable : Oussama Ben Laden et son réseau terroriste islamique Al Quaida. Curieusement, les attentats du 11 septembre sont survenus un mois après l¹échec de pourparlers ultra secrets tenus à Berlin entre janvier et août 2001 entre des représentants des taliban au pouvoir en Afghanistan et des agents américainsŠ Ces pourparlers concernaient la gestion des oléoducs pétroliers qui doivent passer par l ŒAfghanistan, en provenance des anciennes républiques soviétiques d¹Asie centrale, riches en pétrole.
En octobre 2001, les Etats-Unis attaquaient l¹Afghanistan et renversaient le régime des taliban avec l¹aide, sur terre, des rebelles de l¹Alliance du Nord, hostiles aux taliban. Depuis lors, l¹Afghanistan est occupé par les forces américaines et celles de leurs vassaux, et un pantin de Washington a été installé à Kaboul : Hamid Karzaï. Mais la Pax americana est loin d'y régner car des seigneurs de la guerre locaux et des résistants taliban se livrent à des opérations de guérilla qui ne doivent pas être sous-estimées.
Mais, depuis quelques mois, l¹administration Bush se montre de plus en plus hostile à l¹Irak. Elle prétend que Saddam Hussein, le dictateur irakien, serait lié à Al Quaida, ce qui est peu probable étant donné que l¹Irakien est un laïc " impie " aux yeux des extrémistes musulmans, et qu¹il préparerait des " armes de destruction massive ". Quelle est la raison de cette brusque agressivité de Washington à l¹égard de Bagdad ?
Revenons il y a 12 ans, en 1990. A cette époque, l¹Irak était le pays arabe le plus développé, susceptible de concurrencer économiquement et surtout militairement l¹Etat d¹Israël et de constituer un pôle de développement arabe, indépendant des Etats-Unis d¹Amérique. Il fallait donc casser ce pays. Oui, mais pour le faire il fallait un prétexte ! On le trouva lorsque Saddam Hussein demanda à l¹ambassadrice des USA à Bagdad si Washington s¹opposerait à ce que l¹Irak récupère le Koweït qui lui avait été arraché à l¹époque de la colonisation britannique. L¹ambassadrice répondit que le gouvernement américain n¹y voyait aucune objection. Encouragé par cette réponse, Saddam Hussein fit envahir le Koweït par son armée. On connaît la suite.
Actuellement, ce qui est en jeu, c¹est la mainmise américaine sur les énormes ressources pétrolières de l¹Irak. Elles sont abondantes et faciles à extraire. Et on sait que le pétrole, comme toutes les énergies fossiles, ne se renouvelle pas et que donc les ressources en or noir s¹épuiseront au cours de ce XXIème siècle. Celui qui les contrôlera, contrôlera donc le monde et surtout les pays qui auront le plus besoin de pétrole : l¹Europe et le Japon et éventuellement la Chine et l¹Inde. Bush, très lié aux intérêts pétroliers comme son père, veut donc que les Etats-Unis renforcent leur domination du monde, ce qui leur permettra de décider qui recevra du pétrole, en quelle quantité et à quel prix. Derrière l¹Irak, ce sont donc surtout l¹Europe et le Japon qui sont visés !
Un autre élément qui joue dans ce conflit, c¹est la dégradation des relations entre les USA et l¹Arabie Saoudite. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les relations entre Washington et Riyad se sont tendues. Il faut savoir que la plupart des pirates de l¹air, qui se sont emparés des avions, sont des ressortissants saoudiens. L¹Arabie Saoudite, où l¹islamisme wahhabite est très rigoureux, supporte de plus en plus froidement les relations avec les Etats-Unis qui soutiennent toujours davantage Israël. De plus, la présence de soldats US " infidèles " sur la terre saoudienne, la terre du prophète Mahomet et de la ville sainte de La Mecque, irrite les religieux ultras du royaume. Et dans les milieux dirigeants saoudiens, nombreux sont ceux qui éprouvent des sympathies à l¹égard de Ben Laden, un Saoudien lui-même. En s¹emparant de l¹Irak, les USA veulent donc s¹assurer une deuxième forte présence économique et militaire dans cette région pétrolière en cas de difficultés ou d¹une rupture avec l¹Arabie saoudite. Cette rupture est d¹ailleurs possible et une évolution à l¹iranienne de l¹Arabie saoudite n¹est pas exclue.
Enfin, last but not least, les Etats-Unis veulent éliminer un puissance arabe qui soutient les Palestiniens et qui pourrait représenter une menace à l¹égard d¹Israël, comme l¹on montré les bombardements de l¹Etat hébreu par des missiles scuds au cours de la guerre de 1991. C¹est la raison pour laquelle, tant le faucon Sharon que la " colombe " Péres demandent constamment au président Bush d¹attaquer l¹Irak, de renverser Saddam Hussein, et d¹installer à Bagdad un régime fantoche de Washington.
Et les " armes de destruction massive " ? Quand on sait que l¹Irak est très affaiblie par 11 ans de blocus, qui a provoqué la mort indirecte de centaines de milliers de personnes (enfants et vieillards surtout) dans l¹indifférence de la " communauté internationale ", dont la conception des " droits de l¹Homme " est à géométrie variable, on peut douter que Saddam Hussein dispose d¹armes nucléaires, bactériologiques ou chimiques. En fait, le seul pays du Proche Orient qui détient des " armes de destruction massive ", c¹est Israël, qui a des bombes atomiques, des vecteurs pour les transporter (missiles Jericho 1 de 500 km de portée et Jericho 2 de 2.000 km de portée) et vraisemblablement des armes chimiques et bactériologiquesŠ*
En conclusion, quand on sait que les plus puissants lobbies américains : le lobby pétrolier lié au lobby militaro-industriel, et le lobby pro-israélien (notamment le très influent AIPAC American Israel Public Affair Committee), veulent la guerre contre l¹Irak, on comprend l¹empressement de George Bush et de son caniche Tony Blair à vouloir " rétablir la démocratie en Irak ", de préférence avec la caution morale de l¹ONU.
Roland PIRARD
* A titre de comparaison, les dépenses militaires irakiennes se sont montées à 1,4 milliard $ en 2000 et celle d¹Israël à 9,5 milliards $Š. (source : International Institute for Strategic Studies).
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