L’ami intime de Clinton, milliardaire et "repris de justesse", était un informateur du Mossad
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08/10/03 |
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9.09 t.u. |
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Gordon Thomas |
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Marc Rich, milliardaire en fuite et ami intime du président Bill Clinton et de son épouse Hillary s’avère un des contacts les plus hauts placés du Mossad aux Etats-Unis.
Les révélations publiées ici, pour la première fois, pourraient représenter un sérieux contretemps pour les projets de candidature d’Hillary Clinton aux élections présidentielles.
Aujourd’hui, Rich, un juif né en Belgique, espagnol d’adoption, vit en Suisse, sous la protection d’une garde lourdement armée. Il n’y a pas de traité d’extradition entre la Suisse et les Etats-Unis, qui permettraient au FBI de l’interroger au sujet de ses relations avec le Mossad, secrètes jusqu’à récemment.
En janvier 2000, alors que son mandat présidentiel touchait à sa fin, le président Clinton avait pardonné à Rich, un courtier international en matières premières très discret sur ses affaires, accusé en 1983 d’évasion fiscale pour un montant de près de 50 millions de dollars et d’achats illégaux de pétrole à l’Iran, à l’époque de la crise des otages de l’ambassade américaine à Téhéran, en 1979.
La question qui poursuivra inéluctablement Hillary Clinton, si elle est effectivement candidate à la présidence, sera de savoir à quel point elle-même et son célèbre époux soupçonnaient-ils seulement les liens de Rich avec les services d’espionnage israéliens. Un dossier du MI 6 couvrant les années passées par les Clinton à la Maison Blanche révèle que Rich est suspecté d’avoir connu l’identité d’un informateur de très haut niveau du Mossad infiltré au sein de l’administration Clinton.
Cet informateur n’est encore connu, jusqu’à ce jour, que sous le nom de code de « Mega ». Ce nom a été découvert pour la première fois en février 1997 par l’Agence de la Sécurité Nationale (NSA). Celle-ci remettait alors au FBI l’interception d’une conversation téléphonique passée au cours de la nuit précédente depuis l’ambassade d’Israël à Washington.
Cette conversation se déroulait entre un officier du Mossad, encore aujourd’hui identifié seulement sous le sobriquet de « Dov » et son supérieur, à Tel-Aviv. On a su plus tard qu’il s’agissait du directeur général du Mossad, Danny Yatom.
« Dov », au cours de cette conversation, avait demandé des conseils pour savoir s’il devait ou non « aller voir Mega » pour obtenir une copie d’une lettre (ultraconfidentielle) de Warren Christopher, Secrétaire d’Etat à l’époque, et le président de l’OLP, Yasser Arafat.
Yatom informait Dov, d’après la transcription de l’écoute téléphonique, que « ce n’était pas le genre de trucs pour lesquels on dérangeait Mega ».
Le dossier du MI 6 indique que Mega était déjà dans la place un peu avant la fin du mandat de l’administration Bush Premier.
Il décrit également de quelle manière Rich avait servi de « petit télégraphiste » au puissant lobby juif des Etats-Unis afin de contrer les exigences formulées par le FBI, à savoir que Mega soit pourchassé aussi vigoureusement que l’étaient les autres espions d’autres pays (« ordinaires ») pris en chasse par ses pandores.
Le chef de l’antenne du MI 6 de l’époque, installé (comme il se doit) à l’ambassade britannique, envoya un message à Londres indiquant que « les hôtes d’un dîner de gala à la Maison Blanche – stars d’Hollywood, avocats, journalistes éditorialistes et membres influents de l’Anti-Defamation League – ne perdent aucune occasion de rappeler à Clinton les torts que l’acharnement du FBI à pourchasser « Mega » pourraient lui occasionner. Ils arguent du fait que la prise en chasse de cet agent n’est pas réellement fondée en droit et qu’Israël a d’ores et déjà expliqué au Département d’Etat (les Affaires étrangères américaines, ndt) la nature des services rendus par « Mega ».
Or, les sayanim du Mossad – ce mot hébreu signifie les « supplétifs » - dans les médias américains avaient d’ores et déjà fait passer en douce des informations suggérant que « Mega » aurait été, en « réalité », la déformation par une ouïe défectueuse du mot désignant la CIA en argot du Mossad, à savoir : « Elga » !
« De plus, « Mega » est un terme supposé bien connu dans l’USIC (US Intelligence community : le milieu barbouzard du contre-espionnage américain). Ce terme est censé être un mot de code commun utilisé dans l’espionnage mené en collaboration avec le Mossad », indiquait le mémoire du MI 6.
Le seul commentaire du président Clinton au sujet du pardon accordé à Marc Rich n’a été fait qu’après qu’il eût quitté la présidence. « Ce fut une politique terriblement erronée. Cela ne valait pas le tort porté à ma réputation », a-t-il déclaré à l’hebdomadaire Newsweek.
Chez les opposants de Clinton, des spéculations ont largement circulé, selon lesquelles Marc Rich aurait « acheté » ce pardon présidentiel au moyen de donations politiques et de cadeaux généreusement offerts par son ex-épouse Denis Rich au président et à d’autres personnalités du parti Démocrate.
Mais, faisant allusion aux importantes connexions de Rich avec le Mossad, Clinton a admis qu’il avait accordé la grâce présidentielle « en partie parce que le ministère de la Justice ne s’y opposait pas, et aussi parce que j’avais reçu une demande en ce sens du gouvernement israélien ».
Cette requête arriva sous la forme d’une note manuscrite émanant d’un autre vieil ami de Bill Clinton : l’ancien premier ministre d’Israël, Ehud Barak.
Le dossier du MI 6 révèle que le pardon était lié à l’accord en discussion à Camp David, par un autre plaideur, Benjamin Netanyahu.
Clinton était convaincu qu’il y avait « de fortes circonstances atténuantes plaidant en faveur de la grâce présidentielle ». Rich et sa première épouse, Denise, s’envolèrent pour la Suisse, en 1983 – juste avant que les procureurs des Etats-Unis ne les accusent d’évasion fiscale et de commerce avec le régime iranien hors-la-loi.
Le couple se sépara dix ans plus tard et Denise (59 ans) vit aujourd’hui dans un magnifique duplex sur la Cinquième Avenue, avec vue sur Central Park. Rich (69 ans), quant à lui, vit dans un appartement tout aussi somptueux dans la ville très upper class stylish de Zug, en Suisse. Il s’occupe toujours de commerce international. Sa société, Marc Rich & Co Investment, a fait l’objet d’une OPA par le groupe russe Alfa. (On a évoqué un prix d’achat de 3 milliards de dollars).
Le travail clandestin de Rich en rapport avec Israël comportait notamment la fourniture de passeports israéliens à des membres de la mafia russe. Jusqu’ici, trente membres connus de divers groupes de la mafia russe se déplacent dans le monde grâce à des passeports israéliens.
Le FBI enquête également sur les implications de Rich dans diverses opérations de blanchiment de fonds impliquant des banques d’Europe centrale et des banques canadiennes et américaines.
L’utilité première de Rich, pour le Mossad, tenait à sa mobilité parmi les hautes sphères financières en Europe, au Moyen-Orient et en Amérique du Sud. Ce sont ces liens que le FBI et d’autres équipes d’enquêteurs américains examinaient jusqu’ici afin de savoir s’ils conduisaient à de grosses sommes d’argent versées par Rich aux Clinton et à d’autres Démocrates avant que la grâce ne lui fût accordée.
A l’époque, le procureur fédéral des Etats-Unis Mary Jo White lança une enquête criminelle sur les liens financiers entre Rich et le couple Clinton.
Mme White obtint des relevés des communications téléphoniques passées avec la Maison Blanche et avec l’avion présidentiel Air Force One. Ces relevés couvraient tous les appels du Président et de Mme Clinton adressés à Rich, ainsi que l’enregistrement de tous ses appels à leur destination.
Tous les appels officiels étaient surveillés par une équipe des télécommunications des Etats-Unis qui accompagne le président et son épouse dans tous leurs déplacements. Les appels furent qualifiés, à l’époque, « d’élément déterminant pour notre enquête » par l’un des adjoints de Mme White.
Clinton en personne a reçu de Rich, avant de quitter la Maison Blanche, un chèque d’un montant de 450 000 dollars en contribution à la mise sur pied de fonds en vue de la création de sa Bibliothèque présidentielle. Rich a envoyé également, l’année dernière 1,1 million de dollars au parti Démocrate en contribution au financement de la campagne présidentielle d’Al Gore.
Jusqu’à présent, les liens financiers avec le passé de Rich ont été abandonnés. Mais c’est ses accointances avec le Mossad qui risquent fort de s’avérer le « revolver fumant » [pour reprendre la tellement subtile image inspirée des « westerns », ndt] pour Hillary Clinton, au cas où elle entrerait en lice pour la campagne présidentielle – que e soit l’année prochaine, ou en 2008.
Peu de temps avant de se faire kidnapper par le Hezbollah, en octobre 2000, l’agent du Mossad Hanan Tannenbaum était allé rendre visite à Rich, en Suisse. Tannenbaum avait été envoyé auprès de lui par l’ancien directeur du Mossad, Danny Yatom, pour discuter avec lui de ce que des sources de Tel-Aviv qualifièrent après coup de « questions de renseignement de la plus haute importance ». A l’époque, Yatom était le conseiller personnel en matière de sécurité du Premier ministre Ehud Barak. Le Hezbollah, en quelque sorte, a soustrait à l’Europe leur agent Tannenbaum pour l’emprisonner quelque part dans la plaine de la Beka’a. Jusqu’à aujourd’hui, son sort demeure inconnu.
En janvier 2000, peu après l’accord de la grâce présidentielle à Rich, la Commission judiciaire du Sénat reçut des documents qui montraient que Marc Rich avait joué un rôle crucial dans la facilitation du versement à la BCCI, Bank of Credit and Commerce International, « de centaines de millions de dollars destinés à Abu Nidal, en paiement de transactions illégales portant sur des armes, et ceci afin de démontrer à ses financeurs moyen-orientaux aux reins solides que cette banque était fondamentalement « pro-arabe »! ».
Un affidavit sous serment, de Ghassan Qassem, cadre de haut rang de cette banque, affirme : « Des armes britanniques destinées dans le plus grand secret à Abu Nidal ont été financées par les bureaux de la BCCI et transportées par bateau sous couvert de connaissements d’exportation dont Marc Rich savait qu’il s’agissait de faux. Mon rôle, à la BCCI, était de tenir le compte d’Abu Nidal. Par la suite, j’ai servi comme espion tant pour la CIA que pour le MI 6 ».
Les élections à venir promettant d’être acharnées, une réelle possibilité existe que l’ami juif le plus intime des Clinton puisse une fois de plus faire le pas de trop qui le ramènera sous un projecteur qu’il n’a jamais vu d’un très bon œil. Ni les Clinton, d’ailleurs.
Rich fut l’un des quarante graciés par Clinton, qui composent un parfait musée des malfrats. La joyeuse bande des personnages peu recommandables comportait même un dealer d’héroïne. Mais c’est le personnage odieux de Marc Rich qui a laissé une tache indélébile sur la présidence Clinton – et qui vient, à nouveau, soulever pas mal de questions.
Marc Rich a joué un rôle essentiel dans le soutien au régime d’apartheid en Afrique du Sud, ainsi que dans le dépeçage économique de la Russie post-soviétique.
Son ex-femme, une grande dame du Tout – Manhattan, plaida sa cause en jetant force fric aux Clinton – elle alla jusqu’à offrir un saxophone à Bilou.
Un aperçu des sentiments de Clinton pour Rich se trouve dans le bouquin pour lequel il a conclu un contrat avec Knoph, un éditeur de New York, pour la somme rondelette de 10 millions de dollars. Dans le chapeau d’un chapitre portant pour titre « Comment obtenir vraiment ce que vous voulez ?», Clinton écrit : « Parfois, des gens qui semblent avoir bien peu de choses en commun peuvent découvrir ce qu’ils ont en commun ». Fait-il allusion, par ces propos sibyllins, à Rich ?
Une chose est sûre : le milliardaire n’est pas tout à fait aussi riche qu’il l’était voici deux ans. En mars 2001, les douanes britanniques ont saisi 1,9 millions de dollars du pécule de Rich, à l’aéroport de Gatwick. Cet argent a été saisis en vertu de ce que la loi britannique appelle « prévention de transferts financiers en raison de soupçons de financement d’un trafic de drogue. »
La semaine dernière, à Zug, Rich a refusé de répondre à nos questions sur ses liens d’espionnage – ou ses rapports avec Saddam Hussein et les membres encore « non traités » de l’ « axe du mal », à savoir : la Corée du Nord et l’Iran.
Ayant renoncé à la citoyenneté américaine, Rich voyage aujourd’hui avec des passeports espagnol et israélien. Il a la double nationalité de ces deux pays. Jusqu’à récemment, il possédait également un passeport bolivien.
Le pouvoir, pour le président des Etats-Unis, d’accorder sa grâce, découle de la Constitution. Celle-ci stipule que le Président « peut accorder des remises de peines et des grâces pour des offenses contre les Etats-Unis. Un Président peut accorder une grâce pour « tout crime jugé au niveau fédéral, avec ou sans préméditation – avant ou après démonstration de la culpabilité. »
La grâce clintonienne arrêta les procédures judiciaires tout net. Le Rich post-grâce est libre de retourner aux Etats-Unis sans craindre de quelconques poursuites judiciaires – sauf, peut-être, pour le motif d’atteinte à la sécurité de l’Etat.
Or une telle accusation est sans précédent – et Rich n’en fournira vraisemblablement pas un non plus. Mais ses liens avec le Mossad n’en restent pas moins une bombe à retardement qui continue à faire « tic-tac », pour Hillary Clinton…
Paru dans Globe Intel (newsletter irlandaise) le samedi 27 septembre 2003
[traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier]
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